Du bruit contre le bruit : samedi 13 septembre, aux alentours de 10h, les ronds-points desservant l’aéroport Marseille-Provence ont accueilli un ballet klaxonnant d’environ 35 véhicules, encadré par la police. Roulant à une trentaine de km/h, les manifestants ont perturbé un temps la circulation, avant de repartir direction Marignane. Cette opération escargot annoncée était l’œuvre de plusieurs associations et collectifs de riverains en lutte contre les nuisances sonores générées par le trafic aérien, et en particulier contre les vols de nuit. Justement, après l’opération, les participants, qu’ils soient issus de CIQ des quartiers nord de Marseille, du Collectif Mistral (rassemblant lui-même nombre de structures du pourtour de l’étang de Berre) ou de l’association de protection de l’environnement marignanais (Apem) se sont rendus à la mairie annexe du Jaï pour une journée de débats et conférences : le 13 septembre, c’est la Journée internationale de lutte contre les vols de nuit.
En descendant de sa voiture placardée, comme les autres, de slogans contre ces nuisances, Denis, qui vit à Saint-André, au nord de Marseille, témoigne : « Je vis dans ce quartier depuis toujours, et c’est de pire en pire. On est saturés, il y a un survol toutes les trois minutes. Cet été, avec la chaleur, les fenêtres ouvertes, on a encore plus souffert. En décélération, avant l’atterrissage, les avions font encore plus de bruit. » Jean-Marc, de l’association Cap au Nord, vit dans le quartier voisin de Saint-Henri : « On voit que certains aéroports font des choses, ici, rien de considérable. Surtout sur les vols de nuit qu’il faut limiter absolument. Sans compter qu’ici, les avions qui passent ne sont pas les plus modernes… »
« Le manque de sommeil récurrent a des effets directs sur la santé physique et mentale », rappelle Jalal Samain, administrateur de l’Apem en charge des nuisances aériennes, avant de dérouler la liste des risques que ce manque accroît : hypertension, pathologies cardiovasculaires, diabète… Sans compter les troubles de la concentration, notamment chez les plus jeunes. « Aujourd’hui, quand on parle des vols de nuit, on nous répond économie, déplore Jalal Samain. Mais le manque de sommeil a aussi un coût social, qui se compte lui aussi en euros. Sans parler des biens immobiliers qui ont perdu 10% de leur valeur autour de l’aéroport. »
Renouvellement de la flotte et couvre-feu
L’opération symbolique de ce samedi s’inscrit dans le large processus de l’étude d’impact selon l’approche équilibrée : le 1er juillet, trois scénarios avaient été présentés, que les riverains avaient tous refusés : « Ils ne font qu’entériner la situation actuelle », observe Jalal Samain, quand Jean-Jacques Evellin, président du Collectif Mistral, rappelle : « On avait quitté la réunion. » Finalement, après rédaction d’un courrier, le préfet a laissé un délai aux riverains, et le président du Collectif Mistral se réjouit du travail mené entre les différentes associations, qui a abouti à la rédaction de deux nouveaux scénarios, récemment envoyés au préfet, dont les associations attendent désormais la réponse.
Le premier, maximaliste, propose l’instauration d’un couvre-feu, l’interdiction des vols de nuit de 10h à 6h. Le second, plus modéré, comporte plusieurs axes. D’abord, un point sur le bruit que produisent les avions eux-mêmes : « À Marignane, on récupère les vieux coucous de 40 ans qui ont un niveau sonore énorme, continue le président. D’autres aéroports ont dû mieux négocier… » Il s’agirait donc d’accepter ces avions bruyants pendant deux ans encore, uniquement de 10h à minuit. Puis, dans deux ans, de n’autoriser ce créneau qu’à des appareils déjà plus silencieux, dans cinq ans, à des avions dernière génération, les plus « discrets ».
Les riverains proposent aussi d’interdire les vols programmés de 11h à minuit (laissant une marge aux vols affichant du retard) et d’instaurer un couvre-feu à partir de minuit, jusqu’à 6h, pour préserver le sommeil de la population. « Quand les avions décollent au sud, du Rove à Gignac, 15 000 habitants sont concernés », rappelle Jean-Jacques Evellin, qui ajoute que les collectifs de riverains souhaitent aussi peser sur le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le plan de prévention bruit environnement, pour définir au mieux les trajectoires des avions et éviter les survols de zones urbaines.