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Le combat associatif contre la prostitution des mineurs gagne enfin en visibilité. Un local offert par la mairie de Toulouse permet désormais d’ancrer l’action de soutien aux jeunes et à leurs mères. Entretien avec Jennifer Pailhé, présidente de « Nos Ados Oubliés ».

Votre association « Nos Ados Oubliés » a longtemps fonctionné sans local ni soutien institutionnel. Cette situation change-t-elle ?

Oui après plusieurs années d’engagement de terrain, de lutte associative, de prévention, d’alerte et d’accompagnement en grande précarité logistique, nous avons obtenu les clés d’un local mis à disposition par la mairie de Toulouse. C’est une avancée importante pour notre structure, qui repose encore essentiellement sur des fonds privés et du bénévolat. Le soutien institutionnel reste timide, mais ce pas montre qu’une forme de reconnaissance émerge autour de notre expertise sur la prostitution des mineurs.

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Quelles nouvelles actions concrètes va-t-il permettre ?

Ce local va nous permettre de stabiliser notre présence territoriale. Nous allons y développer plusieurs types de permanences : écoute, orientation, accompagnement social, juridique, médicalisé, accès aux droits, soutien aux familles… Nous souhaitons aussi créer un lieu d’accueil chaleureux et sécurisant pour les jeunes filles en rupture, en errance ou en situation à risque, mais aussi pour les mères souvent isolées.

Pourquoi ces mères « courage » sont-elles si peu accompagnées ?

Le système actuel les laisse trop souvent isolées, non crédibles aux yeux de certains services et, épuisées, elles deviennent des témoins impuissants de la destruction de leurs enfants. Ce qu’il faudrait, c’est avant tout les entendre. Les mères sont souvent les premières à alerter. Il faut des espaces d’écoute, des référents identifiés, un soutien éducatif renforcé à domicile, un accompagnement psychologique. Car aujourd’hui, ces femmes sont à bout de souffle.

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Que faut-il pour briser le tabou de la prostitution juvénile ?

Le phénomène reste largement invisibilisé. Par peur, par ignorance ou par inconfort, la société détourne encore trop souvent le regard. On préfère parler de « fugues », de « comportements à risque », plutôt que d’exploitation sexuelle, de réseaux, de proxénétisme, de violences systémiques. Pour briser ce tabou, il faut nommer les choses, former massivement les professionnels, sensibiliser les familles et mettre les moyens sur le terrain. Il faut aussi donner la parole aux victimes et à ceux qui les accompagnent.