« Ayant fait des études d’histoire de l’art, je connais un peu le métier de restaurateur, mais ce qui est impressionnant, c’est la taille du tableau, de l’intervention, les changements de couleurs aussi ! »
Alexis est l’un des chanceux qui a pu assister à la restauration du monumental tableau de Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans. Depuis plusieurs mois, sept restaurateurs sont au chevet de cette pièce majeure de l’histoire de l’art et du musée d’Orsay.
Un espace clos a été spécialement aménagé à cet effet. Les visiteurs du musée peuvent, à travers des vitres, regarder les restaurateurs travailler. Et chaque jeudi, quelques visiteurs par petits groupes d’une dizaine de personnes et sur réservation, peuvent suivre une visite guidée.
Un tableau monumental
« Cela permet aux visiteurs de comprendre que nous avons un métier technique, scientifique, ni romantique ou artisanal » se félicite Cinzia Pasquali, restauratrice de la société Arcanes, responsable de la couche picturale et du support.
Cinzia Pasquali, restauratrice, de la société Arcanes, responsable de la couche picturale et du support explique son métier aux visiteurs. Stéphane Geufroi / Ouest-France
La toile, grande de 3,15 m sur 6,50 m, met en scène une cinquantaine de personnages rassemblés pour une cérémonie funéraire à la lisière du village natal du peintre. C’est le plus grand tableau de Courbet, aussi l’un des plus grands formats du musée national.
Gustave Courbet a mis en scène des habitants de son village. « Il a fait poser des membres de sa famille, son grand-père, sa sœur, son père » explique la restauratrice aux visiteurs.
Le tableau a été peint pour le salon de 1850 à Paris. « Il est mal accueilli, jugé trop triste, des critiques évoquent « un éloge de la laideur ». Mais Gustave Courbet ne s’est pas découragé. Ambitieux, très conscient de la valeur de son art, il va, soutenu par sa famille prêter le tableau qui va voyager et faire de nombreuses expositions. »
Ce qui va le fragiliser. Courbet finira par le donner au Louvre en 1881.
Les visites guidées se poursuivent jusqu’au printemps 2026. Chaque jeudi matin, trois groupes de 12 personnes peuvent voir de près les restaurateurs travailler sur l’œuvre. Stéphane Geufroi / Ouest-France
Le tableau n’a fait l’objet d’aucune intervention majeure depuis un demi-siècle. Le châssis est déformé, les différentes couches de vernis anciens jaunis et épaissis ont altéré les couleurs d’origine.
« Le format de l’œuvre a peut-être été modifié aussi lors des montages et démontages d’exposition », reprend Cinzia Pasquali. Réflectographies infrarouge, radiographies ont permis d’examiner la toile.
« Et de voir que Courbet peignait directement, sans dessin préalable, de découvrir également les changements qu’il avait opérés dans la composition. » Depuis, équipés de pinceaux, cotons-tiges, scalpels, lampes, les restaurateurs s’activent avec minutie, en préservant les gestes picturaux de Courbet et les irrégularités assumées de sa matière.
Un nouveau châssis pour la route
« La première étape la plus spectaculaire consiste à amincir le vernis, nettoyer, détaille Roberto Merlo, restaurateur. Cela permet de retrouver les nuances d’origine, dans les teintes claires mais aussi foncées. »
Ensuite la toile sera déposée de son châssis, consolidée, les usures et lacunes visuellement atténuées. Les visites se poursuivent jusqu’au printemps. Il suffit de s’inscrire sur le site du musée d’Orsay.