En Thuringe, dans l’est de l’Allemagne, l’ancrage du parti d’extrême droite AfD se renforceLa déprime des sociaux-démocrates
Sans surprise, sur le terrain, les équipes du Pati social-démocrate (SPD), qui dirigent la ville depuis plus de vingt ans, se montrent fébriles. « Dans ma circonscription, en février, l’AfD nous a devancés de 18 voix. Dimanche, mes chances d’être élu sont réelles mais pas garanties », reconnaît Frederik Mehls, candidat en t-shirt rouge en plein tractage dans sa circonscription d’Erle-Nord. « L’ambiance est mitigée. Certains électeurs disent nous soutenir, mais d’autres sont déçus et beaucoup refusent le dialogue. Le contact est difficile », constate cet enseignant de 36 ans. Devant une boulangerie, un jeune homme l’interpelle. « Vous êtes au pouvoir depuis si longtemps et vous osez promettre ‘le changement’ et de vous ‘relever les manches’ ? Mais qu’avez-vous fait jusqu’à présent ? », lance cet habitant, en partant.
Dans cette ville ouvrière, où la dernière mine a fermé en 2000, la montée de l’extrême droite plombe le moral des sociaux-démocrates dont les scores ont été divisés par deux lors des législatives. « Gelsenkirchen concentre toute une série de problèmes », analyse Frederik Mehls. « Nous avons vécu la fermeture des mines, la montée de la pauvreté… Nous avons les taux de chômage, de personnes vivant avec les minima sociaux et de pauvreté infantile parmi les plus élevés du pays. La population a chuté, de nombreux logements sont abandonnés et insalubres, et cela attire une immigration pauvre intra-européeenne, originaire de Roumanie et de Bulgarie, instrumentalisée par des réseaux criminels », énumère ce social-démocrate. A ses côtés, Heike Gebhard, une ancienne élue régionale confirme. « Si on ajoute l’arrivée de réfugiés et les difficultés économiques d’entreprises locales comme Thyssenkrupp et BP, cela complique la donne », note-t-elle. Le métallurgiste ThyssenKrupp a annoncé un plan de rigueur, tout comme l’énergéticien BP qui souhaite vendre sa raffinerie de Gelsenkirchen.
De son côté, l’extrême droite se montrait confiante ces derniers jours. « La vague bleue va-t-elle déferler dimanche sur Gelsenkirchen et s’étendre sur toute la Ruhr ? », demande au micro Enxhi Seli-Zacharias, porte-parole de l’AfD, face à une centaine de personnes réunies devant la gare. Sur scène, cette jeune femme d’origine albanaise dresse la liste ses priorités : non à l’imposition de repas halal dans les cantines scolaires, non à la « soumission devant l’islam, soutenue par le SPD », non à l’immigration pauvre issue de l’est de l’Europe. Ces slogans suscitent l’enthousiasme de l’assemblée, dans une ville, et plus largement dans une région qui compte de grosses communautés rom et musulmane.
Un premier test pour la coalition fédérale
« Ces élections sont locales mais elles serviront de premier test politique pour le gouvernement fédéral depuis les législatives de février », commente le politologue Matthias Lemke, originaire de Gelsenkirchen. « Le paysage politique d’une manière générale est très polarisé et devrait le rester dimanche. Si l’AfD devait arriver en première position dans la région, notamment dans des grandes villes comme Bonn ou Essen, cela pourrait valider l’idée selon laquelle elle est la seule alternative aux vieux partis politique. Et cela, pas seulement dans ses bastions de l’Est, mais aussi à l’Ouest », résume-t-il.
En Allemagne, le désarroi des partis du centre face à l’AfD
Au SPD local, on se dit en effet dépassés par les enjeux nationaux et internationaux, entre la vague mondiale de nationalisme, le soutien réitéré du milliardaire américain Elon Musk pour l’AfD, même dans ce scrutin local, et l’impopularité du nouveau gouvernement allemand auquel le SPD participe.
Une chose les rassure toutefois : le poste de maire à Gelsenkirchen devrait échapper à l’AfD, en raison du front républicain annoncé par l’ensemble des autres partis, en cas de second tour. Quant aux autres grosses communes de la région, comme Bonn, Essen et Cologne, elles devraient voir grimper l’extrême droite mais de manière limitée… du moins pour l’instant.