Début juillet, au cours des célébrations du jour de l’Indépendance du Venezuela [le 5 juillet], Nicolás Maduro a annoncé que son gouvernement s’apprêtait à accélérer le développement de missiles et de systèmes antimissiles, avec l’aide de la Russie.
Une déclaration suivie d’un défilé militaire exposant les équipements acquis auprès du Kremlin pendant le boom pétrolier. Aujourd’hui, le matériel russe fait plutôt office de dissuasion symbolique, dans un contexte de recomposition géopolitique et d’isolement croissant du Venezuela sur la scène internationale.
Coopération technologique
Cette démonstration de coopération militaire avec Moscou donnée par Maduro n’est pas un événement isolé. Le jour précédant la parade, son gouvernement et la société d’État d’armement russe Rostec ont annoncé l’ouverture d’une usine de fabrication de munitions pour fusils d’assaut Kalachnikov, dans la ville de Maracay, à 120 kilomètres de Caracas [la capitale].
Cette fabrique sera l’une des rares à être inaugurée dans un parc industriel national en ruine. Elle aura la capacité de produire 70 millions de cartouches par an et confectionnera également les tristement célèbres fusils AK-103.
“Il s’agit d’une avancée de taille dans le développement de la coopération technologique avec notre partenaire clé en Amérique latine”, a déclaré le directeur exécutif de Rostec, Oleg Ievtouchenko, à propos de l’usine.
D’autres structures de production devraient bientôt voir le jour, a-t-il ajouté, “ce qui permettra d’assurer un cycle complet de production de munitions et de fusils Kalachnikov à destination de l’armée vénézuélienne”.
La conception de cette infrastructure unique sur le continent sud-américain a débuté sous le gouvernement de l’ancien président Hugo Chávez [mort en 2013], il y a plus de vingt ans. Mais elle a été repoussée pendant des années en raison de soupçons de corruption et d’un manque de volonté politique et de financements.
Plus de dix ans d’échanges
La relance du projet et son achèvement consolident ainsi les liens militaires entre Caracas et Moscou et viennent également confirmer l’intérêt stratégique des deux gouvernements à renforcer leurs relations face à la montée des tensions entre la Russie et les États-Unis.
Vladimir Poutine et Nicolás Maduro ont cultivé leur amitié pendant des années. Depuis 2013, ils se sont rencontrés à plus de dix reprises et échangent régulièrement messages et appels téléphoniques.
Mais, désormais, les deux dirigeants doivent agir vite afin de finaliser leurs accords et d’en récolter les fruits. Maduro a besoin de prouver au monde qu’il a des amis puissants capables de secourir une économie vénézuélienne exsangue. Poutine, quant à lui, souhaite rappeler aux États-Unis qu’il dispose d’un partenaire loyal en Amérique latine, à 2 500 kilomètres à peine des côtes de Floride.
“Aujourd’hui, notre relation a atteint un niveau stratégique de coopération”, a affirmé Poutine en avril, lors d’un événement virtuel aux côtés de Maduro, à l’occasion de la célébration du 80e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.
350 accords bilatéraux
Ces dernières années, leur collaboration a progressé dans de nombreux domaines, à mesure que Maduro vidait les institutions démocratiques nationales de leur substance afin de se maintenir au pouvoir. Les deux nations ont conclu plus de 350 accords bilatéraux concernant la coopération militaire et défensive, l’espionnage et le contre-espionnage, la technologie aérospatiale, “l’énergie nucléaire à des fins pacifiques”, l’extraction minière, l’automobile et jusqu’à l’intégration de systèmes financiers.
La banque russo-vénézuélienne Evrofinance Mosnarbank, par exemple, “œuvre avec succès” à Caracas depuis 2014, et le système de paiement par carte MIR [géré par la Banque centrale de la Fédération de Russie] a été instauré au Venezuela.
En parallèle, les deux pays entretiennent un commerce florissant d’armes, de véhicules, de fertilisants, de nourriture, de vodka, de rhum, de services touristiques, de coopération sportive, de médicaments comme l’insuline, et, depuis la pandémie, de vaccins contre le Covid-19. [Le fabricant russe] Geropharm exporte des médicaments au Venezuela depuis 2019, et au mois de mai [2025], les deux gouvernements ont fait part de leur intention d’élargir leur collaboration dans l’industrie pharmaceutique.
“Le potentiel d’irriter Trump”
Le Venezuela est ainsi devenu le sixième acheteur d’armes russes au monde et le premier sur le continent américain, selon la Arms Transfers Database [base de données sur le commerce d’armes], élaborée par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Plus important encore, la Russie fournit une aide de premier plan au Venezuela en vendant son pétrole brut à l’international, afin de contourner les sanctions américaines.
“L’harmonie entre la Russie et le Venezuela est parfaite”, a proclamé Maduro en mai, après avoir rencontré Poutine à Moscou lors du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. À cette occasion, ils ont conclu une alliance sur dix ans, renouvelable tous les cinq ans, qui, selon le discours officiel et les médias, “érige le Venezuela au rang de principal partenaire de la Russie dans la région”.
Concrètement, la Russie a joué un rôle crucial dans l’achat du pétrole brut vénézuélien, notamment par des transactions occultes, des transits dans des raffineries indiennes et grâce à la complicité d’entreprises telles que Reliance Industries Limited, comme l’explique Evan Ellis, professeur d’études latino-américaines à l’Institut d’études stratégique de l’United States Army War College. Il ajoute :
“Cette situation a le potentiel d’irriter le président Trump, bien qu’il ait fait profil bas jusqu’à maintenant.”
Depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche, la politique américaine envers le Venezuela a été caractérisée par des accords transactionnels afin d’échanger des prisonniers et par une position erratique sur les licences pétrolières accordées aux compagnies américaines actives dans le pays, comme Chevron.
Fin juillet, l’Office of Foreign Assets Control [le bureau de contrôle des actifs étrangers, chargé de l’application des sanctions financières à l’international], organe dépendant du ministère du Trésor des États-Unis, a sanctionné le cartel de los Soles en tant qu’organisation terroriste internationale et l’a qualifié de groupe criminel “dirigé par Nicolás Maduro”.
Le 7 août, le département d’État et le ministère de la Justice américains ont doublé la récompense accordée pour toute information pouvant conduire à l’arrestation ou à la condamnation de Maduro : ce montant atteint 50 millions de dollars [environ 42,7 millions d’euros], au motif qu’il serait “l’un des plus importants narcotrafiquants au monde”.
Le pion d’un pays hostile aux États-Unis
À bien des égards, le Venezuela de Maduro est à la Russie ce que Cuba représentait pour l’ancienne Union soviétique : le pion d’un pays hostile aux États-Unis sur le continent américain. Une alliance qui interfère avec les intérêts occidentaux et qui inquiète les responsables de la politique étrangère de Washington.
Tout en remâchant la rhétorique du Kremlin, Maduro tente de renforcer ses propres objectifs : former des alliances dans tous les secteurs afin de défendre un gouvernement impopulaire qu’il espère maintenir au pouvoir pendant encore trois décennies.
Le président vénézuélien affirme que les accords bilatéraux avec la Russie représentent un “niveau maximal de coopération”, tandis que plus de 50 démocraties refusent de reconnaître son gouvernement après l’élection présidentielle frauduleuse de juillet 2024.
En mai, l’Assemblée nationale, contrôlée par le régime, a approuvé un nouveau plan de développement national pour la période 2025-2031. Baptisé “Les sept transformations”, ce programme stipule que des pays comme la Russie, la Chine ou l’Iran, tous hostiles au gouvernement Trump, aideront à sa concrétisation.