L’actualité n’a rien d’ « idéal », entre conflits politiques, crise sociale, et monde de la Culture toujours plus mis à mal… Pourtant, elles continuent de se dresser bon gré, mal gré, depuis une quinzaine d’années : les Bibliothèques Idéales reviennent rayonner du 19 septembre au 5 octobre. Avec dans leur sommaire : plus de 70 rencontres, lectures, ateliers, débats, spectacles et concerts, dont de nombreuses nouveautés entre escape game et croisières littéraires. Le rendez-vous de la rentrée strasbourgeoise, pour rester à la page.

Une nouvelle édition qui se résumerait à un appel : celui de l’indignation, fil conducteur de cette programmation. « Un cri. Un souffle. Une invitation à ne pas baisser les bras. » nous écrit-on, en préambule.

Du Parlement européen, à l’Église Saint-Guillaume, en passant par les médiathèques et librairies de Strasbourg, et autres lieux insolites : elles nous réservent plus de 70 rendez-vous curieux et engagés. Car se lit, au fil des pages de cette programmation, un souhait. Celui de « célébrer la littérature dans ce qu’elle a de plus vivant, sa capacité à éveiller, à questionner, à résister ».

bibliothèques idéales + temps féminismes Bibliothèques idéales (Le Temps des Féminismes 2, janvier 2024) © Alban Hefti / Document remis

Imaginées comme un festival pluridisciplinaire« une passerelle entre les arts » pour reprendre les mots de leur directeur, François Wolfermann –, elles sont plus qu’un salon littéraire.

L’idée ? « Qu’il se passe quelque chose », et que l’on y reste quelques heures, entre de grands débats, et « des rencontres plus légères », pour des respirations. Entre créations originales et plateaux inédits, chaque rendez-vous trouvera son public.

BI + bibliothèques idéales + saint-guillaume Les Bibliothèques Idéales à Saint-Guillaume © Alban Hefti / Document remisà Saint-Guillaume © Alban Hefti / Document remis

Pour cette édition encore, il s’agira toutefois d’aborder les sujets qui agitent la société : guerres, conflits familiaux, avec l’intime, au cœur du récit.

Et un écrin pour accueillir une grande partie de sa programmation : l’église Saint Guillaume, à la Krutenau. Un espace central de la ville… Et où l’on oublierait même qu’on y est, en ville.

bibliotheques idéales © Bibliothèques idéales / Document remis

L’ « indignation » a voix au chapitre

Personnage principal de cette édition ? L’indignation, prenant comme point de départ, la réédition de l’ouvrage Indignez-vous ! de Stéphane Hessel (aux éditions Rue de l’échiquier).

Livre dont le comédien et metteur en scène Stanislas Nordey lira des extraits lors d’une rencontre thématique, en présence également de l’écrivaine et sociologue iranienne Chahla Chafiq, et de Maram al-Masri poétesse syrienne, et « grande voix féminine du Moyen-Orient ».

BI + bibliothèques idéales + saint-guillaume BI à Saint-Guillaume © Alban Hefti / Document remis

Hommage donc, aux femmes syriennes et iranniennes, et plus généralement : à celles et ceux qui se soulèvent.

À « cette jeunesse engagée qui ne cède pas à la résignation », avec notamment l’entretien entre deux journalistes et figures de celle-ci : Salomé Saqué (qui préface la réédition de l’ouvrage d’Hessel) et Victoire Tuaillon.

Bibliothèques idéales Salomé Saqué et Victoire Tuaillon © Bibliothèques Idéales / Document remis

Un rendez-vous d’envergure, au Parlement européen, qui fera l’objet d’un enregistrement d’un épisode de Renverser la Table, nouveau podcast de la seconde (connue pour ses précédents séries à succès Les Couilles sur la table et Le Cœur sur la table).

Comme le sera également l’entretien qui suivra, mené par Victoire Tuaillon toujours, entre Rokhaya Diallo et Nesrine Slaoui – afin de parler de révolution féministe.

Bibliothèques idéales Rokhaya Diallo, Nesrine Slaoui et Victoire Tuaillon © Bibliothèques Idéales / Document remis

Un Parlement qui jouera son « rôle de lieu de grand débat démocratique », en sa position de « plus grand lieu démocratique au monde » comme le rappelle François Wolfermann. En recevant également, Kamel Daoud, auteur de conviction et menacé, et des chefs de tribus (dans le cadre du Forum des Peuples Racines)

Des représentants des peuples Maya, Betsimisaraka, Kariri-Xocó, Pénan et Amazigh, qui subissent – entre autres – la déforestation ; des chefs, tous « un[is] par la joie, la paix, la solidarité et la préservation des savoirs ancestraux pour un avenir durable » qui seront ainsi invités au sein de l’hémicycle. Un symbole fort.

parlement européen Dans la cour du Parlement Européen © David Levêque / Pokaa

Plus qu’ « être en colère », l’indignation vue par les Bibliothèques Idéales, c’est aussi « être en joie, être vivant », souligne son directeur. « Pas être derrière son écran, ne pas subir », et ne pas céder à la résignation. « Une célébration du penser ensemble, une célébration collective », rajoute Lisa Haller, des BI.

L’édito  l’annonçait déjà : il s’agit d’ « honorer les voix qui se lèvent, les récits qui dérangent, les mots qui transforment. C’est faire entendre celles et ceux qui, par l’écriture, la scène ou la parole, bousculent les évidences et redonnent sens au monde ».

parlement européen Dans l’hémicycle du Parlement Européen © David Levêque / Pokaa

Guerre(s) et Paix

Face aux guerres, et aux horreurs qui se jouent en ce moment-même à Gaza, les BI consacreront plusieurs rencontres à la Palestine. À l’instar de celle avec Elias Sanbar – ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco – : « que peut la poésie en ces temps de barbarie ?, avec un concert hommage à Mahmoud Darwich, poète palestinien.

Ou Rachid Benzine et Marie Semelin qui se rencontreront autour de cette question : « Israël-Palestine, dialoguer avec l’incompréhensible ».

manif manifestation palestine gaza © Mathilde Cybulski / Pokaa

Dans un grand entretien, Delphine Horvilleur, autrice et rabbine partagera, elle, sa « bibliothèque idéale », composée d’auteurs palestiniens. Car face à la guerre, les BI leur opposent le dialogue : « Comment se reparler », s’interroge-t-on.

Ce sera le cœur, aussi, de la rencontre « interreligieuse » d’Eric-Emmanuel Schmitt, Pierre Assouline, et Abdennour Bidar. Soit « [un]chrétien, [un] juif, [et un] musulman ».

Il y sera aussi question cette année, des « réminiscences du système nazi » dans nos sociétés. Avec Johann Chapoutot (Libres d’obéir, chez Casterman), spécialiste mondial du nazisme et Daniel Schneidermann, journaliste critique des médias.

Avec Tal Bruttman (historien spécialiste de la Shoah, auteur d’Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes, éd. du Seuil) et Philippe Broussard, il s’agira de « chercher des clefs pour essayer de comprendre ce qu’il nous arrive » nous confie François Wolfermann. Ici, avec la photo puisque le second est l’auteur d’une série sous forme d’enquête pour Le Monde, écrite à partir de 377 photos – prises clandestinement par un anonyme – d’un Paris sous l’occupation nazie.

L’actualité à la Une

Manon Garcia, philosophe, reviendra quant à elle sur l’affaire Mazan qui a choqué la France entière. Un procès largement médiatisé, grâce au refus de huis-clos, par sa victime Gisèle Pélicot, devenue depuis symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Ayant assisté au procès, la philosophe livre son ressenti dans Vivre avec les hommes, un « essai phénomène ». Du passé au présent : les BI n’ont pas peur d’aborder les sujets les plus sensibles de notre société.

10 septembre, bloquons tout, Foule, pancartes, manifestant, culture Manifestation du 10 septembre 2025 à Strasbourg © Wilfried Rion / Pokaa

Comme les difficultés rencontrées aujourd’hui par le monde de la culture, menacé par les coupes budgétaires, et les censures de l’extrême-droite, symptômes d’une politique qui ne souhaite plus s’embarrasser d’une contre-pensée, et d’espaces de dialogues, et d’éveil.

Pour nous en parler : l’illustratrice engagée Blanche Sabbah et l’ « artiste indigné » Stanislas Nordey. La première a sorti cet été une BD – La bataille culturelle – qui donnera le nom, et le thème, de cette rencontre, où il sera question de défendre l’art comme « un espace de lutte et de création collective ».

Des instants précieux

Mais les BI, ce sont aussi des moments tout en intimité, au plus près d’artistes. On notera ainsi la venue de Guillaume Gallienne ou Mathias Malzieu.

Et puis, des instants musicaux, avec des temps d’ « Admiration ». Comme « Vivre pour le meilleur , un spectacle musical interprété par Yarol Poupaud et Jean Fauque en hommage à celui qui fut l’ « idole des jeunes » – Johnny Hallyday. Et avec : celles et ceux qui ont écrit pour lui (de Jean-Jacques Goldman, à Michel Berger, Zazie, Pascal Obispo ou Charles Aznavour).

BI + bibliothèques idéales + saint-guillaume

BI + bibliothèques idéales + saint-guillaume

Bibliothèques Idéales à Saint-Guillaume © Alban Hefti / Documents remis

Musique, toujours, avec l’autrice-compositrice-interprète et romancière Clara Ysé qui livrera une lecture musicale de son premier ouvrage de poésie Vivante (Seghers), ou avec le concert de jazz de Grégory Ott et Sélia Setodzo, autour de Nina Simone – « l’écorchée vive ».

Et la lecture musicale dessinée « du vent dans les pinceaux », un voyage tout en images mené (entre autres) par Christian Heinrich, auteur de la série Les P’tites Poules.

BI + bibliothèques idéales + saint-guillaume BI à Saint-Guillaume © Alban Hefti / Document remis

Et enfin, des nouveautés. Parmi elles, les Croisières littéraires avec Batorama – dont celle en compagnie de CharlÉlie Couture artiste singulier, partagé entre la France et New York. Pour naviguer en tout intimité dans l’univers de l’invité.

Plus curieux encore : l’escape game littéraire avec l’écrivain Bernard Minier qui mettra « le polar dans tous ses états ».

Batorama sur l’Ile © Wilfried Rion / Pokaa

Et puis notre coup de cœur : la soirée de clôture « Cabaret & drag »Quand le show devient politique. Une soirée en deux temps, proposée en collaboration avec Passions Croisées.

Une première partie autour du « Cabaret Berlin – les nuits folles de weimar », « un hommage à l’âge d’or du cabaret berlinois, celui de Marlene Dietrich, des clubs interlopes, et d’une société en quête de vertige » avec des performances drag, et Léopoldine HH au chant. Et puis une seconde partie, en compagnie d’Elysée Moon, drag queen, chanteuse lyrique et guide-conférencière.

On ne sait pas pour vous, mais pour éveiller nos esprits, comme nos rentrées, ces Bibliothèques semblent bien Idéales.

Bibliothèques Idéales 2025

Quoi ?

Festival pluridisciplinaire autour de la littérature, avec plus de 70 rencontres, lectures, ateliers, débats, spectacles et concerts

Avec de nombreux rendez-vous gratuits

Quand ?

Du 19 septembre au 5 octobre 2025

où ?

Dans divers lieux de Strasbourg (Parlement européen, Église Saint-Guillaume, libraires, Médiathèques de Strasbourg, BNU – Bibliothèque Universitaire de Strasbourg…)

Plus d’infos ?

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