À 21 h 10, il suffisait de fermer les yeux. On n’était plus à Bordeaux, mais sur la lagune de Venise, voguant vers la place Saint-Marc avant de prendre une gondole pour le Lido. Au programme du concert de rentrée de l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, diffusé en direct le 12 septembre depuis l’auditorium, figurait l’Adagietto de la « Cinquième symphonie » de Gustav Mahler, qui a sublimé le film « Mort à Venise », chef-d’œuvre de Luchino Visconti. Malgré les bruits de la ville et les mélodies plus actuelles s’échappant d’un autre rendez-vous festif, plus rien n’existe à l’écoute de cette tension dramatique.

« À refaire »

Arrivés les premiers, Isabelle et Laurent, qui habitent juste en face, étaient assis sur les caisses de bois prévues à cet effet, l’une supportant leurs deux verres de rosé bien frais. « Pour intéresser des gens qui n’iraient pas forcément à l’Opéra, c’est bien de commencer par des choses hyper connues », remarquaient-ils. En l’occurrence la « Marche triomphale » d’Aïda, de Giuseppe Verdi. Le décor pyramidal de cette place s’y prêtait parfaitement. En plus de ce parterre de caissettes qui plaît beaucoup aux enfants, les plus jeunes les superposant pour en faire des sortes de fortifications, il y a deux séries de gradins, surplombés par une terrasse.

Ce théâtre de plein air faisait partie des onze sites, disséminés dans tout Bordeaux, où l’on pouvait partager cette expérience. Dans ce nouveau quartier de la rive droite, c’était une première, tout comme aux Halles de Bacalan. Parmi les spectateurs, Anne, 81 ans, abonnée à l’Opéra de Bordeaux et qui s’est mise à l’orgue à 70 ans, ou encore Rafaëla, 7 ans, et son frère Luca, 11 ans, qui jouent respectivement du violoncelle et du luth.

L’écran géant était orienté en direction des tables du Bien Public, établissement associé à l’opération, qui fait à la fois salle de spectacle, bar et restaurant. À la fin, des applaudissements ont accompagné ceux, particulièrement nourris, de l’auditorium. « À refaire, approuvent Isabelle et Laurent. Ça fait vivre le quartier ».