Une soudaine lumière sur le monde clandestin du suicide assisté : le tribunal de Paris juge à partir de lundi 15 septembre douze militants de l’aide à mourir. Âgés de 74 à 89 ans, ces adhérents de la discrète association Ultime Liberté, née d’une scission de la frange la plus radicale de l’organisation pro-euthanasie Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), sont poursuivis pour avoir, entre août 2018 et novembre 2020, aidé des dizaines de personnes à acheter sur Internet du pentobarbital. Ce barbiturique entraîne une mort rapide et sans douleur.

Cette affaire singulière débute à l’été 2019 avec un signalement des autorités américaines sur une filière mexicaine de vente de barbituriques. Sur la base d’une liste d’acheteurs découverte par les enquêteurs américains, la justice française mène une centaine de perquisitions à travers le pays en octobre 2019. Les acquéreurs, déjà décédés pour une trentaine d’entre eux, se révèlent être dans l’ensemble des personnes âgées ou gravement malades, le plus souvent issues de professions intellectuelles. Mais dans certains cas, les suicides semblent avoir été décorrélés des problèmes de pathologies lourdes ou de grand âge.

« Sensibiliser l’opinion »

L’information judiciaire met alors au jour une face semi-clandestine de l’association Ultime Liberté, dont certains adhérents « accompagnent » des personnes souhaitant mourir. Illégalement, les militants les renseignent sur la manière de se procurer du pentobarbital sur Internet via une messagerie cryptée, voire les assistent dans le processus. Un degré d’engagement que chaque « accompagnant » choisit librement, mais qui fait débat dans les rangs même de l’association. En ne communiquant ces informations qu’à des personnes les ayant sollicités, les membres d’Ultime Liberté n’avaient pas « le projet de favoriser ou faciliter la décision de suicide mais bien d’accompagner ladite décision », a estimé la juge d’instruction en les renvoyant devant le tribunal.

En s’attaquant à un tabou, « cette audience est l’occasion de sensibiliser l’opinion publique aux problématiques de la fin de vie », a déclaré Me Arnaud Lévy-Soussan, avocat de la majorité des prévenus, pour beaucoup des enseignants retraités au casier judiciaire vierge. Ils sont jugés devant le tribunal correctionnel pour des délits relevant de la législation sur le trafic de substances illicites.

Suicide « serein »

Très clivant, le combat d’Ultime Liberté va au-delà de la revendication des associations pro-euthanasie traditionnelles d’un « droit à l’aide à mourir » pour les patients en fin de vie et en grande souffrance. Se concevant comme la continuation des mouvements militants des années 1960-70 (contraception, IVG) sur la liberté de disposer de son corps, Ultime Liberté pousse cette logique à son paroxysme et revendique le droit à un suicide « serein », que l’on soit ou non malade, dans la mesure où la personne qui fait ce choix est en pleine possession de ses moyens et que sa décision est réfléchie.

« Le suicide est dépénalisé depuis la Révolution, mais il y a de nombreuses lois qui empêchent la liberté du suicide, le suicide non violent », estime Claude Hury, présidente d’Ultime Liberté et prévenue centrale du procès parisien. « Notre objectif n’est pas de faire mourir les gens. C’est de les aider à continuer dans l’avancée de l’âge tout en étant très serein par rapport à la fin, à condition d’avoir cette pilule magique chez soi pour pouvoir arrêter au moment où on le décide et non pas attendre le diktat médical », affirme-t-elle. Le procès doit prendre fin le 9 octobre.

Des numéros d’aide en cas de détresse ou de pensées suicidaires

  • Si vous êtes en détresse, avez des pensées suicidaires ou voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114. Il est accessible gratuitement 24 h/24 et 7 J/7.
  • Une ligne d’écoute est également dédiée aux jeunes, tous les jours, de 9 h à 23 h, au 0.800.235.236. Un service gratuit et anonyme.