Et si se soigner rendait malade ? Passer un scanner serait plus dangereux que ce que l’on pense. Selon des internautes, une nouvelle étude affirme que cet examen médical serait à l’origine de centaines de milliers de cas de cancer, chaque année.
« Etude choquante évaluée par des pairs », peut-on lire sur les réseaux sociaux. C’est l’article d’un blog d’actualité privé suisse « Légitim.ch », qui est plus largement partagé. Et pour le rendre visible dans la sphère française, quoi de mieux qu’un partage de Silvano Trotta, figure du conspirationnisme, sur X.
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Mais d’où vient donc cette étude ? Et les scanners sont-ils vraiment responsables de centaines de milliers de cancers chaque année ?
FAKE OFF
Le blog sur lequel a été partagée la nouvelle fait partie de l’un des nombreux sites indépendants qui se sont développés ces dernières années en Suisse. Selon les médias locaux, ils ont parfois même plus d’audience que les journaux professionnels puisque de plus en plus de personnes s’informent sur les réseaux sociaux. Mais c’est loin de toujours être une bonne idée.
Le rédacteur de « Legitim.ch » se décrit comme « libertaire » et publie « librement des actualités ». Et avec un rapide tour des articles publiés, on relève différentes théories du complot ou encore antivax… Notamment le lien entre la vaccination et les cancers, maintes et maintes fois démentie. Celui sur le lien entre le cancer et les scanners a été publié le 1er septembre dernier.
Déjà dès la première phrase, la revendication semble moins certaine : « Le recours massif au scanner aux États-Unis, qui pourrait entraîner des dizaines de milliers de cas de cancer », au conditionnel donc. S’ensuivent une flopée d’incohérences.
Une étude pour alerter sur la prescription des scanners aux Etats-Unis
Concernant l’étude en elle-même, intitulée « Risques de cancer projetés à vie à partir des données actuelles de tomodensitométrie [NDLR : scanner] », elle a été publiée dans la revue médicale JAMA Internal Medicine, le 14 avril dernier par Rebecca Smith-Bindman notamment.
« Cet article est publié dans une revue qui est plus que respectable », précise Iris Pauporté, directrice de la recherche, de l’innovation et de l’information scientifique à la Ligue contre le Cancer.
Elle ajoute : « Le fait d’établir des données à partir d’estimations c’est très standard en épidémiologie, il faut juste savoir que c’est extrapolé. » La conclusion de l’étude est que « les 93 millions d’examens de tomodensitométrie réalisés chez 62 millions de patients en 2023 devraient entraîner environ 103.000 cancers futurs ».
Il faut donc prendre en compte qu’il s’agit d’estimations, mais aussi qu’elles ont été faites « sur des personnes qui ont été irradiées par Hiroshima, donc ils ont peut-être pris les pires cas pour construire leur base de données ».
Mais surtout, il s’agit de patients aux Etats-Unis. « On ne peut pas transposer les données des Etats-Unis à la France. Il y a deux fois plus de prescriptions de scanner, et à des doses qui sont aussi bien supérieures », ajoute Iris Pauporté. Pour la spécialiste, il est possible que cette étude ait justement pour objectif de « tirer un message d’alarme pour les prescriptions de scanner aux Etats-Unis ».
Le scanner vraiment nocif ?
Il est de notoriété publique que le risque de cancer augmente chez une personne qui aurait reçu en trop forte dose, et tout au long de la vie, des rayons X. D’ailleurs, c’est pourquoi les autorités sanitaires restent vigilantes à la dose totale reçue par un patient au cours de sa vie. Certains sont d’ailleurs plutôt redirigés vers des échographies, qui utilisent des ultrasons, et des IRM, qui utilisent des ondes magnétiques.
Nous savons également que les doses moyennes de rayons X délivrées aux patients ont augmenté de 47 % en cinq ans en raison de l’utilisation croissante du scanner. Mais toutefois, la dose moyenne reçue par un patient français est très inférieure à celle reçue par les patients américains, qui sont les sujets de l’étude.
La Ligue contre le cancer recommande d’ailleurs : « Les radiographies et les scanners, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique. » Entendre, on ne demande pas l’un de ces examens justes « au cas où ». D’ailleurs tous les examens n’exposent pas de la même manière : avec au plus bas la radiographie d’un membre, puis le panoramique dentaire. Ceux qui exposent le plus, et même 100 fois plus, sont les scanners du thorax et de l’abdominopelvien.