D’idole à traître… De champion vénéré, à paria rejeté. De fierté de tout un peuple à scandale national. Un homme adoré de tous, aujourd’hui honni. Novak Djokovic et la Serbie, ou un mauvais remake de Nous nous sommes tant aimés. Adieu Serbie : l’avenir de l’ancien numéro 1 mondial – pas moins de vingt-quatre tournois du Grands Chelem à son palmarès – s’écrit désormais en Grèce.
C’est à Athènes qu’il a choisi de s’installer avec son épouse Jelena et leurs deux enfants, Stefan et Tara, déjà inscrits dans une école internationale de Glyfada, quartier huppé du sud de la capitale. Plus qu’un simple déménagement, c’est un geste politique, amer et rageur. Une attaque frontale et publique contre un pays qu’il ne reconnaît plus comme le sien. À Belgrade, on le traite d’irresponsable et on qualifie sa décision de « malvenue ». L’opinion publique, celle-là même qui le défendait mordicus lors de la polémique du Covid, est désormais profondément divisée à son sujet.
Une rupture politique et personnelle
Quels sont donc les motifs qui ont poussé Djokovic à une décision aussi radicale ? Est-ce une fuite définitive ? Un exil temporaire ? Ou un exode symbolique ? L’explication est autant politique que personnelle. À Belgrade, la tension est vive depuis des mois. Les étudiants sont dans la rue pour manifester contre le gouvernement d’Aleksandar Vučić et réclament de nouvelles élections à cor et à cri. Une révolution pacifique mais résolue. Lorsque 300 000 citoyens ont envahi les rues de la capitale en scandant des slogans contre un pouvoir accusé de corruption, Djokovic s’est rangé de leur côté et l’a fait savoir publiquement. Les relations avec Vučić se sont rompues, et à l’instar des opposants, « Nole » est désormais considéré comme un « ennemi de l’État ».
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Une nouvelle vie… ailleurs
Il convient toutefois de ne pas négliger une dimension plus… économique. Djokovic estime que les institutions serbes n’apportent pas le soutien nécessaire au tournoi qu’il a fondé avec son frère Djordje, le Belgrade Open. Redoutant même un sabotage, en raison de son appui à l’opposition, il a transféré le tournoi à Athènes, où il se déroulera début novembre. Et ce n’est pas tout : le champion a même annoncé la création d’une académie de tennis dans la capitale grecque, confirmant sa volonté de tourner la page serbe et d’écrire une nouvelle vie ailleurs.
Celui qui faisait l’orgueil de tout un peuple est aujourd’hui montré du doigt, conspué, la bouche tordue par la colère. « J’ai été contraint de quitter la Serbie », affirme Djokovic. Une rupture violente, qui coïncide qui plus est avec une phase cruciale de sa carrière.
À trente-huit ans, après une existence triomphale sur les courts, l’ancien lion ne veut pas se résoudre à vivre dans l’ombre. Sa détermination et sa combativité lors du dernier US Open en témoignent. Mais il sait aussi que le temps fait son œuvre et que l’avenir appartient déjà à Carlos Alcaraz et Jannik Sinner. En partant pour la Grèce, Novak Djokovic, lucide, a fait le choix de préparer à la fois sa sortie et son futur.
Initialement publié par Vanity Fair Italia