De prime abord, leur présence peut surprendre. Ces deux uniformes bleu gendarme ont intrigué certains parents lors de la réunion de rentrée organisée au collège René-Cassin de Tourrette-Levens.
« Ils ne font pas partie du corps enseignant mais travaillent avec nous sur de nombreux sujets, explique le proviseur Jean-Michel Grévoul. Nous avons trouvé important qu’ils viennent délivrer des messages autour de la sécurité et des jeunes. »
Et si Nice-Matin a été convié aussi, c’est parce que ces messages-là s’adressent à tous.
Les droits et les devoirs
SAGES: tel est le nom du dispositif mis en place en 2009 pour instaurer une Sanctuarisation Globale de l’Espace Scolaire. C’est dans ce cadre que les forces de l’ordre assurent des missions de surveillance.
« Vous allez voir régulièrement la présence des gendarmes ou de la police municipale à l’entrée ou à la sortie des élèves », prévient le capitaine Julien Navarro, commandant en second de la compagnie de Nice, épaulé de l’adjudant-chef Philippe Charlier, n°2 de la brigade locale.
Autre axe de bataille: la prévention. Elle passe par un référent scolaire à la brigade de Levens. Par la maison de protection des familles à Cagnes-sur-Mer.
Et par les interventions des gendarmes en classe, dès la 6e, « pour leur faire un exposé sur les droits et devoirs. Nous partons du principe qu’il faut expliquer la loi aux enfants ». Or les sujets ne manquent pas.
Bagarres, racket, harcèlement…
Passé la porte du collège, plus de place pour une contravention. « Tout fait qui se passe au sein d’un collège est systématiquement délictuel, car l’établissement scolaire est sanctuarisé par la loi », insiste le capitaine Navarro.
C’est le cas pour les violences. Pour le port d’arme blanche aussi alors que le lycée horticole antibois est encore sous le choc après l’agression au couteau d’une enseignante. Les gendarmes vont mener des opérations « pour s’assurer que les enfants n’arrivent pas avec un couteau dans leur sac ».
Dans le cas du happy slapping, celui ou celle qui filme une bagarre pour la diffuser « est considéré comme coauteur. Il encourt la même peine que le belligérant ».
Le racket aussi est un sujet d’attention chez les plus jeunes. « Bien souvent, il faut attendre la fin de l’année pour que les langues se délient. Or s’ils n’en parlent pas, ça ne va pas s’arrêter! »
Le harcèlement scolaire, lui, a changé de visage. « Maintenant, avec les réseaux sociaux, cela continue en permanence, au-delà du collège. Et on arrive à des extrémités avec des suicides… »
Julien Navarro met aussi en garde contre les outrages et insultes. « Cette équipe éducative est là pour vos enfants. Elle est protégée par la loi. La gendarmerie ne fera aucun cadeau aux personnes qui leur manqueront de respect! » Les dégradations, elles aussi, relèvent du délit: « Ils doivent respecter le matériel qu’ils ont ici ».
L’adjudant-chef Philippe Charlier et le capitaine Julien Navarro devant le collège René-Cassin de Tourrette-Levens. Photo C. C..
Dialogue et surveillance
Une plainte pénale peut conduire un mineur devant le juge des enfants, rappellent les gendarmes. « À partir de 13 ans, on peut être condamné à une peine d’emprisonnement. Avant, on peut être placé dans un foyer et faire l’objet d’une retenue à la gendarmerie. »
Pour éviter d’en arriver là, Julien Navarro en appelle à la responsabilité des parents. « On vous demande d’instaurer un dialogue avec vos enfants, même si ce n’est pas toujours facile car ils rentrent dans l’adolescence. Vous devez être en permanence derrière eux. Ils n’ont pas à vous dire: « C’est ma vie privée »! »
À cet âge-là, l’immense majorité des délits est lié à l’usage du téléphone portable et des réseaux sociaux. D’où l’appel à « détecter les changements d’humeur », à surveiller « avec qui ils communiquent, la teneur de leurs échanges. »
Le capitaine Navarro conclut ses dix minutes d’exposé. Le silence religieux laisse place aux applaudissements. Le principal rassure les parents: « Certaines thématiques vous paraissent lointaines car vos enfants sont jeunes. Mais ils vont grandir. Ça ne veut pas dire qu’ils vont tous connaître ces problématiques! »
« Le harcèlement me fait peur depuis que j’ai des enfants »
Florent, papa d’une élève de 6e, a été « un peu surpris » en voyant des gendarmes invités au collège René-Cassin. « On est à Tourrette-Levens, pas à Nice… On est davantage préservé ici ». Le harcèlement scolaire, lui, ne connaît pas de frontière. « Ça a toujours existé. Mais c’est bien qu’on en parle aujourd’hui. »
Il y a foule, pour la réunion de rentrée des classes de 6e. Elles accueillent à elles seules 190 des 780 élèves de ce vaste collège. L’opération sensibilisation des gendarmes semble bien accueillie. « C’est plutôt appréciable, et plutôt bien qu’il y ait un relai avec les personnels pédagogiques, notamment sur la problématique du harcèlement. Après, chaque parent balaie devant sa porte », estiment Marion, 39 ans, et Agathe, 45 ans.
En cette année marquée par la série phénomène de Netflix « Adolescence », le harcèlement est décidément au centre des préoccupations. « C’est ce qui me fait peur depuis que j’ai des enfants, confie Lauren, 36 ans, maman d’une élève de 6e. Quand elle a eu son téléphone, il y a eu de petits soucis. Je surveille donc à fond les messages. Je fais très attention à ce qui est envoyé, ce qui est reçu… Cela induit beaucoup de surveillance de notre part. »