Jeudi, en présence des autres partenaires potentiels d’une union de la gauche, les représentants stéphanois du PS et de LFI ont fait par de leur définitive incompatibilité et la fin des discussions entre eux. LFI refuse catégoriquement d’envisager l’option – parmi d’autres et loin d’être actée – d’une union de la gauche avec à sa tête un socialiste, en l’occurrence Régis Juanico. Si, de part et d’autre, une union reste possible, elle sera donc fatalement partielle. En attendant, les Insoumis présenteront leur liste et sa tête d’ici quelques semaines.

La mairie de Saint-Etienne. ©If Saint-Etienne / Xavier AlixL’hôtel de ville de Saint-Etienne. ©If Saint-Etienne / Xavier Alix

Ce n’était pas la réunion de la dernière chance. Et pour cause : à écouter au début de l’été Valentine Mercier, cheffe de file de LFI à Saint-Etienne aux côtés de Nicolas Preux, celle-ci était alors déjà passée. Pourtant fin août, un ultime échange, bilatéral, entre les seuls PS et LFI, a tout de même eu lieu. Sans plus de résultats. Lors de la dernière « ICE », « instance consultative élargie créée par le collectif Sainté Populaire pour discuter et accoucher d’une union complète de la gauche entre les mouvements militants (associations, syndicats, sinon citoyens seuls encartés ou non) qu’il fédère et EELV, LFI, le PC et le PS, les discussions ont tourné sur la prise d’acte de cet échec.

C’était jeudi soir et les choses sont donc définitives : il n’y aura pas d’union de la gauche complète au 1er tour des Municipales à Saint-Etienne, faute de possibilité d’entente entre LFI et le PS, les Insoumis posant une ligne rouge inamovible : pas de tête de liste PS – qui a désigné Régis Juanico, secondé par Isabelle Dumestre – dans une union à laquelle il participerait. Les socialistes estiment, « sondage très favorable »* à l’appui non rendu public jusqu’ici « pour justement ne pas mettre une pression extérieure aux négociations », que Régis Juanico est le plus à même de conduire une union. Tout en se défendant de vouloir la confisquer dans son ensemble. « Nous sommes toujours prêts à renoncer à la tête de liste si un partenaire nous démontre qu’une autre personne est à l’évidence plus fédératrice pour l’emporter. C’est aussi pour clarifier rapidement ça que nous proposions au printemps une primaire à l’échelle de toutes les formations », rappelle Isabelle Dumestre ce vendredi interrogée par If.

Les militants respectifs sondés le 20 septembre

« Reste que nous sommes placés par LFI dans une position de partenaire qui n’a pas les mêmes droits que les autres : ce n’est pas acceptable. Les exigences nationales et les conflits à cette échelle entre nos formations n’ont pas à entrer en compte. On doit en faire abstraction. D’autant qu’il n’y a pas de différences fondamentales sur ce que nous voulons proposer, chacun de nous cinq aux Stéphanois pour l’après Perdriau. Dommage sur ce plan-là toutefois que LFI tienne à appliquer ses neuf points nationaux : Saint-Etienne a ses spécificités, ce n’est pas un terrain d’expérimentation nationale. Par exemple, y supprimer la ZFE n’y est pas aussi pertinent qu’ailleurs puisque appliquée aux seules entreprises et non aux particuliers. Idem, la spéculation n’y est pas problème n°1 du logement comme, en revanche oui dans beaucoup d’autres grandes villes. Son habitat indigne beaucoup plus. Nous ne serons donc pas sur la même liste au 1er tour, c’est acté. Par contre, nous nous sommes mis d’accord pour en rester là et mener désormais, chacun, une campagne propre, respectueuse. »

« Notre projet de gouvernance politique n’est de toute façon pas compatible. »

Valentrine Mercier, cheffe de file LFI

Les socialistes doivent sonder leurs troupes sur la situation le 20 septembre. LFI aussi, à la même date, via son « assemblée municipale ». De celle-ci va découler la désignation d’une tête de liste. Un des deux chefs de file présentés en mai que sont Nicolas Preux et Valentine Mercier ou un nouveau nom sorti du chapeau ? La désignation d’un des deux est évidemment une « option sérieuse » puisque dans le bain depuis des mois, oui, reconnaissait la seconde ce vendredi auprès d’If. « Mais ce n’est pas pour autant acté d’avance et une autre personne peut l’être : chaque membre de LFI qui souhaite y aller peut le faire, c’est ouvert, poursuit-elle. Nous sommes clairs avec le PS depuis des mois et restons donc cohérents sur cette ligne. La fin des discussions avec ce parti, en toute franchise et bonne entente est actée. Notre projet de gouvernance politique n’est de toute façon pas compatible, tête de liste ou pas : ils ne sont pas ouverts à la révocation populaire, au référendum etc. »

PC, EELV, Sainté populaire semblent faire bloc

Et Valentine Mercier de se défendre de toute soumission locale à des consignes jacobines venues de Paris, décrétées par son parti. Y compris sur le programme : « Bien sûr que ces neuf points seront adaptés au contexte local, ce n’est pas aussi schématique ! Et sur le logement, la rente locative à Saint-Etienne est considérée comme la plus élevée par le milieu immobilier qui en fait la publicité. Donc ces grandes lignes peuvent, aussi, être pertinentes à Saint-Etienne. Quant à l’attitude nationale du PS, elle se retrouve régulièrement ici. Dans un passé récent, par l’impact localisé des politiques nationales. Et plus récemment dans les décisions de ses représentants. Rappelons la dissidence aux législatives 2022 ou ces censures du gouvernement qui ne sont pas systématiquement suivis par son représentant parlementaire (le député Pierrick Courbon, Ndlr). » Quid des autres partenaires – toujours potentiels – d’union que sont EELV, Sainté populaire et le PC ?

« Nous restons favorables et ouverts à une union avec eux. » Y compris en leur abandonnant à l’un ou l’autre la tête de liste ? Sur ce point-là, Valentine Mercier ne souhaite pas s’exprimer. Elle ne le peut pas, non plus, sur le « bruit » – à confirmer donc – autour d’un sondage qu’aurait, de son côté, effectué LFI sur Saint-Etienne : « Si c’est le cas, c’est national, je ne suis pas au courant. » Et ces autres formations de l’équation de gauche, qu’ont-ils à dire de la situation ? PC, EELV, Sainté populaire semblent continuer à faire bloc entre eux trois. Ils nous ont chacun annoncé aller très prochainement et tous les trois ensemble, à la rencontre de LFI et du PS, afin d’avoir eux aussi apporter des conclusions à leurs membres et – enfin – déterminer qui ira avec qui et avec quelle tête de liste. L’automne est bientôt là et clarifier définitivement la situation vis-à-vis de la campagne du 1er tour – seul paramètre qui met tout le monde d’accord à gauche – commencer à urger. Il faudra l’avoir fait d’ici quelques semaines au plus tard.

« L’union ne se proclame pas, elle se construit »

Contactée, Christelle Pfister, élue d’opposition communiste municipale pour le PC ne prend pas parti entre ses deux impossibles alliés cumulés et préfère marteler l’absolue nécessité d’une union à gauche. « Nous y travaillerons jusqu’au bout ! La situation désastreuse de Saint-Etienne l’exige. En plus de l’affaire, sous Perdriau et sa clique, le taux de pauvreté est passé de 21 à 28 % ! Si LFI veut partir indépendamment, tant pis mais nous essayerons de les convaincre et espérons qu’ils sauront se montrer raisonnable. Pour ce qui est du PS, nous espérons qu’ils ne se montreront pas hégémoniques. Encore une fois, notre seule ligne rouge à nous, c’est l’union. » C’est davantage un sentiment approchant la colère vis-à-vis du PS ainsi que des Insoumis dont nous font part les représentants de Sainté Populaire, collectif dont les membres ont pourtant tendance à être plus favorables aux seconds. Il reproche le cheminement type de l’appareil politique qu’il souhaite voir s’éclipser.

« Il y a une responsabilité politique et morale qui n’est pas au rendez-vous. »

Hedi Zennaf, porte-parole de Sainté Populaire

« On a pris acte de la rupture des discussions entre eux et de leur rencontre fin août dont personne d’autres qu’eux avaient été prévenus, s’en désole un des portes paroles Hedi Zennaf. Par rapport à Saint-Etienne et son contexte, il y a une responsabilité politique et morale qui n’est pas au rendez-vous. L’union ne se proclame pas, elle se construit. Nous allons malgré tout les rencontrer séparément avec nos partenaires restants puis rendrons compte et interrogerons nos propres membres le 26 septembre. » Du côté d’EELV aussi, on prend acte avec quelque peu d’amertume de ce divorce avant même l’union. « Au moins, les deux ont-ils pris leur responsabilité et clarifier cet élément…, commente Julie Tokhi, cheffe de file des écologistes avec Olivier longeon. Nous ne serons pas tous ensemble au 1er tour, c’est regrettable mais il faut continuer à tout faire pour aller dans le sens de l’union et oui nous y croyons encore, franchement même si cette incompatibilité semble mettre sur la touche les plus « unionistes » que nous sommes. Si les débats ont trop tourné sur la volonté des deux d’avoir la tête de liste, les projets de chacun pour Saint-Etienne ne sont pas si éloignés, c’est essentiel. »

La vérité du 1er tour ne sera pas celle du 2e…

Dommage, ajoute EELV : cet échec à s’entendre entre PS et LFI ne peut que « renforcer le désaveu de la population vis-à-vis de la politique alors que Saint-Etienne est dans une situation d’urgence. Nous venons d’être confirmés en AG, le 5 septembre, avec Olivier Longeon dans notre rôle aux prochaines municipales. Mais nous aussi, allons bientôt revoir nos militants qui, à cette occasion pourront à nous nous confirmer ou nous infirmer. Quiconque souhaitant devenir chef de file peut encore se présenter…» Le bilan pour la gauche stéphanoise à ce stade, celui de la rentrée : il y aura a minima deux listes de gauche (sans compter celles d’extrême gauche, partis révolutionnaires) au 1er tour. Deux listes si une union parvient à se former entre ce bloc – qui ne soit pas non plus d’ici là se fissurer – EELV, PC, Sainté Populaire avec donc soit LFI, soit le PS. Mais le scenario des trois listes (voire plus) n’est pas à exclure non plus au cas où ni l’un, ni l’autre ne parvenait à s’entendre avec le « bloc » des trois, se devant lui-même rester uni…

Catastrophique pour la gauche ? Certes mais à relativiser tout de même. Il est extrêmement important de souligner que les règles de qualification pour le second tour sont infiniment moins drastiques qu’avec les législatives. Dans ce dernier cas, il faut obtenir 12,5 % des inscrits. Dans celui des municipales, 10 % des votants. Les listes conduites – avec chacun leurs alliés – par le PS, EELV et LFI en 2020 avaient respectivement obtenu 21,3, 12,42 et 3,14 %, soit 36,86 % cumulés. 2026 n’est pas forcément 2020. Mais une qualification de trois listes pour le 2e tour est donc envisageable bien qu’elle exigerait une répartition plus équilibrée des pourcentages en faveur de LFI. Les résultats clarifieront le poids de chacun. Après quoi, même des mois de dialogue de sourd n’empêcheront sans doute pas d’accoucher d’un accord de fusion en urgence pour le second tour. En quelques jours…  

* Sondage IFOP commandé par le PS début 2025, réalisé en février auprès de 599 Stéphanois inscrits sur les listes électorales aux résultats qui nous ont été communiqué. Prenant le parti que le maire de Saint-Etienne pourrait se présenter et se présenterait, au 1er tour, il donnait encore 17 % d’intentions de vote pour Gaël Perdriau contre 22 % pour une liste de droite conduite par Dino Cinieri (l’union de partis de droite et gauche n’était pas encore connue) et 31 % pour une « liste » conduite par Régis Juanico associant PS, EELV, PC et Place Publique contre 13 % pour LFI, isolée. Une gauche totalement unie, avec LFI donc, donnerait plus de 39 % au 1er tour tout en faisant « progresser », la droite de 2 % et G. Perdriau d’1 %. Dans les deux scenarios, l’extrême droite y est créditée de 17 % des voix, beaucoup plus qu’en 2020, nettement moins qu’aux Européennes. Et dans les deux scenarios, les 4 ou 5 formations en lice seraient qualifiées…