Ce lundi 15 septembre commence la deuxième semaine du procès du médecin anesthésiste Frédéric Péchier. Il est soupçonné d’avoir empoisonné 30 personnes, dont 12 mortellement, entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon (Doubs). Notre journaliste Sarah Rebouh vous fait vivre les temps forts de l’audience devant la cour d’assises du Doubs.

La Quotidienne Société

De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.

France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « La Quotidienne Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

➜ Cet article est régulièrement mis à jour tout au long de la journée. N’hésitez pas à rafraîchir votre page. 

17h32 : Dernier témoin de la journée : Hugues Zimmermann, cardiologue de la clinique Saint-Vincent, à partir de janvier 2009. Chemise bleu sombre, lunettes noires, ce dernier entame un exposé détaillé et particulièrement complet de ce qu’il a perçu de l’événément indésirable grave de Sandra Simard, la patiente par qui l’affaire des empoisonnements mortels en milieu hospitalier a débuté.

Sandra Simard, une des victimes présumées de Frédéric Péchier.

Sandra Simard, une des victimes présumées de Frédéric Péchier.

© Fabienne Le Moing – France Télévisions

« J’ai appris que c’est le docteur Péchier qui a demandé du gluconate de calcium. Je suis cardiologue, je n’ai pas souvenir d’avoir utilisé du gluconate une seule fois dans le cadre d’un arrêt cardiaque. » Ce propos abonde la thèse des enquêteurs : le diagnostic de Frédéric Péchier s’est avéré particulièrement inspiré.

17h18 : Le cas de l’EIG de Jean-Claude Gandon, sauvé de justesse après un arrêt cardiaque survenu en 2017 lors d’une opération de la prostate, est également rappelé aux mémoires. Son anesthésiste était Frédéric Péchier. « En fait vous avez très peu connu Frédéric Péchier », dit Me Schwerdorffer, avocat de l’accusé. « Je l’ai vu à peu près dix fois, dit la témoin. J’ai créé des liens facilement avec les autres anesthésistes. »

17h01 : Après le lancement de l’enquête, « on m’a dit ‘y’a un meurtrier dans la clinique. On sait pas qui c’est. Mais voilà. Une sorte de psychose s’est installée », poursuit l’infirmière. Frédéric Péchier connaissait-il l’antidote avant tout le monde, sans se référer à l’électrocardioscope (aussi appelé scope) de la salle d’opération de Sandra Simard ? « Oui », confirme l’infirmière suite à une question de Me Douchez, avocat de la clinique Saint-Vincent.

16h52 : « Comment est-ce que vous décririez Monsieur Péchier à l’époque ? », demande la présidente Delphine Thibierge. « On ne s’est quasiment jamais parlé. Il était assez arrogant, hautain. Je ne faisais pas partie des gens à qui il parlait, pourtant il parlait à d’autres infirmières. J’arrivais de 3 ans de réanimation à Minjoz. Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi. C’est vraiment un jugement », explique l’infirmière, dont l’avis tranche avec la témoin interrogée juste avant.

Selon elle, le docteur Péchier « n’avait pas un comportement adapté pour un réanimateur ». Un mois ou deux après son arrivée, elle s’étonne du nombre important d’événements indésirables graves survenus à la clinique Saint-Vincent.

Cette spécialité-là demande de se remettre en question, d’être humble. Je trouvais qu’il n’était pas dans cette idée-là. Frédéric Péchier aimait se mettre en avant.

Orane Prévitalli, infirmière au moment des faits à la clinique Saint-Vincent

16h35 : La valse des témoins, tous membres du personnel soignant de la clinique Saint-Vincent, se poursuit. Dans la salle principale, les rangs sont parsemés. Orane Prévitalli, infirmière depuis deux mois à la clinique à l’époque des faits en 2017, s’avance à la barre. La trentenaire prête serment avant de répondre aux questions de la présidente. C’est elle qui a injecté à Sandra Simard l’antidote, c’est-à-dire du gluconate de calcium, à la demande du docteur Frédéric Péchier, alors que la patiente faisait un arrêt cardiaque. Les souvenirs de la témoin sont flous après toutes ces années.

La justice cherche à savoir précisément pourquoi et comment le docteur Péchier a fait un diagnostic salvateur aussi rapidement.

Frédéric Péchier (en bleu), entouré de ses conseils, devant le tribunal de Besançon, le 15 septembre 2025.

Frédéric Péchier (en bleu), entouré de ses conseils, devant le tribunal de Besançon, le 15 septembre 2025.

© Sarah Rebouh – France Télévisions

16h20 : « On m’a reproché d’avoir été neutre. J’ai fait du droit un petit peu donc quand on a commencé à me dire ceci cela, j’ai dit que c’était pas à nous de dire quoi que ce soit, exprime l’aide-soignante précisant avoir reçu des pressions de la part de certains collègues. Je n’avais pas à prendre parti et mes collègues ont trouvé que j’étais un peu en dehors de l’émotion. Mais bon on n’a pas tous les mêmes sensibilités. »

Une fois de plus, les propos de cette témoin confirment l’existence d’une scission entre les personnels au sein de la clinique. D’un côté les « pour » Frédéric Péchier, et de l’autre les « contre ». Qui lui a vivement fait ces reproches, quels médecins ? Elle ne s’en souvient pas. « Monsieur Péchier, c’est un très bon professionnel. En salle de réveil. Je parle pour moi. Il allait aider s’il y avait besoin. Nous on a toujours eu des relations très correctes, très agréables », poursuit-elle, répondant à une question de la défense.

16h05 : L’audience reprend avec Florence Jannin, aide-soignante à la clinique Saint-Vincent depuis 1988. Elle a participé, aux côtés de la témoin précédente, à la recherche des poches de perfusion de la patiente empoisonnée Sandra Simard, à la déchetterie.

15h43 : L’audience est suspendue 15 min.

15h40 : Les avocats des différentes parties interrogent à présent l’agente hospitalière Martine Equoy, comme pour chaque témoin face à la cour. Selon cette dernière, elle a été choisie pour cette mission pour une raison organisationnelle.

« Dès le 13 janvier, Monsieur Péchier est au courant que vous avez ramené les poches de Madame Simard ; mais pendant de longs mois, il va feindre de ne pas le savoir. Mais vous confirmez qu’il savait ? », demande l’avocate générale. « Ah ben ça, je les ai montrées c’est sûr ! », confirme la témoin.

L'avocate générale du procès de Frédéric Péchier, Thérèse Brunisso.

L’avocate générale du procès de Frédéric Péchier, Thérèse Brunisso.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

Me Giuranna, avocat des parties civiles, en profite et demande à poser une question à l’accusé : « Vous avez entendu la dame. Elle vous a montré les photos. Donc, vous saviez”, lance-t-il face à Frédéric Péchier. “Je ne m’en souviens pas. J’ai seulement su le résultat de ce qu’il y avait dans les poches, quand on me les a communiqués”, dit l’accusé qui s’est mis debout pour répondre à la question. « Mais si elle le dit, c’est que c’est vrai », insiste l’avocat. “Ah mais moi, je ne… Oui, pas de problème”, conclut Frédéric Péchier avant de se rasseoir.

On est vraiment dans Dallas dans cette histoire.

Thérèse Brunisso, avocate générale

15h17 : Martine Equoy, agente des services hospitaliers, est à présent appelée à la barre. À noter que le programme de l’audience affiche plus d’une heure de retard en ce début de deuxième semaine de procès. La témoin, aujourd’hui retraitée, apparaît particulièrement stressée.

Elle fait partie des personnes en charge de récupérer à la déchetterie le sac-poubelle dans lequel se trouvaient les poches de perfusion utilisées pendant l’opération de Sandra Simard, en 2017. Sans cette action, l’enquête n’aurait peut-être jamais abouti. « En haut à gauche, c’est le tas de poubelles qu’on a fouillé pendant deux à trois heures. Ça a été assez long », commente-t-elle, pendant que des photos sont affichées dans la salle, attestant de l’opération de sauvetage in extremis des poches de perfusion de Madame Simard avant qu’elles ne soient détruites.

14h53 : Sandrine Bravo, infirmière en salle d’accueil à la clinique Saint-Vincent au moment où Sandra Simard a fait un arrêt cardiaque inexpliqué en 2017, se présente à la barre. Robe noire, cheveux blonds et lunettes noires, elle préfère que la présidente lui pose des questions plutôt que de s’exprimer spontanément.

Une poche de perfusion utilisée à l'hôpital.

Une poche de perfusion utilisée à l’hôpital.

© Fabienne Le Moing / France Télévisions

Les questions du ministère public tournent autour de l’armoire dans laquelle se trouvaient les poches de soluté ainsi que des procédures effectuées pour mettre en place une perfusion à la patiente et des personnes présentes en salle d’accueil.

Qui a installé la poche polluée de 100 fois la dose potassium, celle là même qui a provoqué un arrêt cardiaque à Sandra Simard ? C’est Sandrine Bravo, avant que la patiente soit transférée en salle d’opération. Ce choix a été fait par le plus grand des hasards, puisque plusieurs poches se trouvaient dans l’armoir. « Vous auriez pu prendre ce jour-là n’importe quelle poche ? », demande Me Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier. « Oui », répond l’infirmière.

14h50 : Une nouvelle fois, l’ambiance au sein de la clinique privée Saint-Vincent est au centre des débats. Me Schwerdorffer rappelle une conversation téléphonique surprenante, survenue il y a 8 ans, entre le témoin et une certaine « Oda », visiblement membre du personnel soignant également. Lors de cette conversation, les deux protagonistes s’interrogent sur les proportions que prend cette affaire et doutent de la culpabilité de Frédéric Péchier. Ils jettent par ailleurs le doute sur Sylvain Serri, ancien ami anesthésiste de l’accusé, devenu rival. L’avocat de la défense laisse planer une hypothèse : et si un complot avait été orchestré par le docteur Serri pour faire tomber Frédéric Péchier ? C’est en tout cas la thèse sur laquelle souhaite appuyer la défense.

Frédéric Péchier et son avocat Me Randall Schwerdorffer.

Frédéric Péchier et son avocat Me Randall Schwerdorffer.

© Antoine Laroche – France Télévisions

14h31 : Quelle était l’attitude du docteur Péchier après la survenue des EIG (événements indésirables graves) de Madame Simard et Monsieur Gandon, selon le témoin Yann L’Hostis ? “L’avez-vous trouvé inquiet ?”, demande Christine De Curraize, pour le ministère public. “Il m’a dit [après le cas Gandon] : ‘ça m’arrive juste le jour où il y a les flics. Ça va finir par me retomber sur la gueule’. Il m’a dit ça texto”, se souvient le témoin, en référence au jour où un cas suspect s’est produit alors même que les enquêteurs se trouvaient dans la clinique Saint-Vincent. Frédéric Péchier écoute attentivement, enfoncé dans son siège, à la droite du témoin.

C’est quelque chose qui rend fou ce qui nous est arrivé. Tout le monde se regardait.

Yann L’Hostis, infirmier anesthésiste

Frédéric Péchier, anesthésiste jugé pour 30 empoisonnements dont 12 mortels, survenus entre 2008 et 2017.

Frédéric Péchier, anesthésiste jugé pour 30 empoisonnements dont 12 mortels, survenus entre 2008 et 2017.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

Selon l’infirmier, l’ambiance générale à la clinique Saint-Vincent était un peu différente des autres établissements qu’il a pu connaître. “On sentait qu’il y avait un certain historique, ils étaient un peu tendus”.

14h10 : Le ministère public revient sur la déposition de monsieur L’Hostis auprès des enquêteurs. “Il faut être issu du monde médical pour connaître la toxicité des produits”, lit Thérèse Brunisso. “Vous confirmez ?”, interroge-t-elle. “Oui, il faut que ce soit quelqu’un du sérail”, répond le témoin. Après la mise en examen de Frédéric Péchier en mars 2017, les langues se délient et les débats sont vifs au sein de la clinique Saint-Vincent. Les téléphones de certains soignants sont mis sur écoute par les enquêteurs. Ces enregistrements laissent entrevoir des avis qui évoluent au fil de l’enquête.

13h53 : L’audience reprend. Yann L’Hostis, infirmier anesthésiste lors de l’opération de la victime Sandra Simard en 2017, reprend et détaille les produits utilisés pour anesthésier une personne. Les protocoles d’anesthésie sont abordés plus en détail. Frédéric Péchier, soupçonné de 30 empoisonnements dont 12 mortels, consulte des documents pendant l’intervention de son ancien collègue.

Le public attend devant le tribunal de Besançon, pour accéder à la salle d'audience du procès Péchier, le 15 septembre 2025.

Le public attend devant le tribunal de Besançon, pour accéder à la salle d’audience du procès Péchier, le 15 septembre 2025.

© Antoine Laroche – France Télévisions

12h46 : L’audience est levée. Elle reprendra à 13h45 avec la poursuite des questions à ce témoin, jugé particulièrement « important » par le ministère public.

12h43 : La cour tente de comprendre les conflits qui pouvaient exister entre les praticiens au sein de la clinique Saint-Vincent. Les empoisonnements visaient-ils certains médecins plutôt que d’autres et si oui, pourquoi ? Le témoin avait d’ailleurs fait un lien à l’époque entre le contexte marqué par des frictions au sein du service et une possible pollution de poches. « Y avait-il des clans [à la clinique]? », demande la présidente. « Je prenais ça pour du folklore local. On était les Dijonnais, eux les Bisontins », relativise Yann L’Hostis.

12h29 : Un chariot d’anesthésie, placé sous scellé, est présenté dans la salle. La présidente veut savoir dans quelle partie se trouvaient les poches de soluté. Au moment des faits, Frédéric Péchier arrive très vite dans le bloc opératoire de Sandra Simard et repart vite également, selon les mots de la présidente, et suggère le bon antidote : du gluconate de calcium. « Le fait qu’il ne reste pas longtemps n’était pas aberrant car on avait d’autres renforts », dit l’infirmier anesthésiste.

Concernant l’ambiance générale du service, le témoin explique que « quelques médecins anesthésistes ne s’appréciaient pas beaucoup. Mais rien qui ne puisse expliquer qu’on soit là aujourd’hui ».

Yann L'Hostis, infirmier anesthésiste lors de l'événement indésirable grave de Sandra Simard, en 2017.

Yann L’Hostis, infirmier anesthésiste lors de l’événement indésirable grave de Sandra Simard, en 2017.

© Antoine Laroche – France Télévisions

12h05 : C’est au tour de Yann L’Hostis, infirmier anesthésiste présent au moment de l’opération de Sandra Simard, d’être appelé à la barre. L’homme, grand, élancé, barbe et lunettes rondes, relate à son tour la journée du 11 janvier 2017. Il a aidé au massage cardiaque de la patiente. La présidente de la cour Delphine Thibierge cite les déclarations du témoin aux enquêteurs et le fait préciser certains éléments.

Au moment de l’arrêt cardiaque de Sandra Simard, le bloc opératoire passe de 4 à 10 personnes, mobilisées en renfort pour aider à la gestion de cet événement. Frédéric Péchier en fait partie, mais le témoin ne sait pas qui l’a appelé.

La plupart des victimes ont subi des arrêts cardiaques en marge d'opérations chirurgicales parfois bénignes.

La plupart des victimes ont subi des arrêts cardiaques en marge d’opérations chirurgicales parfois bénignes.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

11h56 : Frédéric Berna, avocat de Sandra Simard, demande au chirurgien de préciser les séquelles dont souffre encore aujourd’hui sa cliente. Le docteur Balon-Dole a-t-elle pu polluer la poche de sa propre patiente, comme cela a été suggéré la semaine dernière ? « Que pensez-vous de cette hypothèse ? », demande Me Berna. « C’est absurde », dit le témoin sans hésiter.

Entre 2009 et 2017, Grégory Godfrin, neurochirurgien, a été victime de 4 événements indésirables graves dont trois mortels. Dans deux cas, il a eu des explications. Dans les deux autres : pour Madame Simard et Monsieur Dos Santos, il n’avait à l’époque des faits aucune explication logique. En soupçonnant une malveillance, il qualifiait le procédé de « diabolique ». Les questions sont ensuite à la défense, incarnée par Me Schwerdorffer. « Je précise juste que pour Monsieur Dos Santos, Frédéric Péchier n’était pas présent », dit l’avocat bisontin.

À un moment, on opérait avec les yeux rivés sur l’électrocardioscope, en nous demandant ce qui allait nous arriver.

Grégory Godfrin, chirurgien en charge de l’opération de madame Simard en 2017

11h36 : Le ministère public interroge désormais le neurochirurgien en charge de l’opération de Sandra Simard, victime présumée du docteur Péchier, dont la vie a basculé en 2017 après un arrêt cardiaque inexpliqué. Une dose de potassium 100 fois supérieure à la normale lui a été administrée. Grégory Godfrin, « victime collatérale » dans cette affaire, est également le médecin en charge de l’opération de Monsieur Armand Dos Santos, mort en 2014, après un autre EIG (événement indésirable grave) inexpliqué. Là encore, une dose disproportionnée de potassium est en cause.

Le témoin trouve à l’époque que des incidents en nombre anormal se produisent et qu’ils touchent des “jeunes chirurgiens, nouvellement arrivés”. Certains médecins prennent les EIG comme “une mise à l’épreuve des nouveaux chirurgiens ou de médecins en fin de carrière”, rappelle le ministère public, citant les propos du neurochirurgien.

Le procès de Frédéric Péchier comporte un grand nombre de références à des produits pharmaceutiques, utilisés pour anesthésier les patients.

Le procès de Frédéric Péchier comporte un grand nombre de références à des produits pharmaceutiques, utilisés pour anesthésier les patients.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

11h24 : Frédéric Péchier écoute attentivement la déposition de son collègue, main sur le menton. « On me l’a souvent décrit comme le médecin sur qui on pouvait compter en cas de problème », dit le témoin à la barre au sujet de l’accusé. « C’était plaisant de travailler avec lui. En dehors du bloc, je ne le côtoyais pas. Je n’avais jamais eu de situations où j’avais eu besoin de lui ». Après l’EIG de Madame Simard, les médecins de la clinique privée tentent de comprendre qui est visé et pourquoi ces incidents se produisent. Les anesthésistes ont-ils, selon le témoin, un complexe d’infériorité par rapport aux chirurgiens ? « Ce sont des choses dont on peut plaisanter dans les couloirs. Ce sont des petites guéguerres… ».

11h20 : « Vous rappelez-vous qui arrive au moment de la réanimation [dans le bloc opératoire] ? », demande la présidente. « Le docteur Balon, anesthésiste référent, est appelée. Elle arrive très rapidement. Après je sais qu’on a appelé les collègues cardiologues. C’est la procédure ». « Vous dites que vous n’avez pas vu arriver le docteur Péchier ? ». « Je ne me souviens pas exactement. Je suis concentré sur mon geste », répond le témoin. « On va finir par croire que quelqu’un sabote nos produits », avait déclaré Grégory Godfrin, après l’EIG survenu sur Sandra Simard.

Sandra Simard, une des victimes présumées du Dr Frédéric Péchier.

Sandra Simard, une des victimes présumées du Dr Frédéric Péchier.

© Antoine Laroche – France Télévisions

11h06 : l’audience reprend avec Grégory Godfrin, neurochirurgien chargé de l’opération de Sandra Simard, empoisonnée au potassium le 11 janvier 2017. Elle est présente dans la salle ce lundi. L’homme, chemise fleurie et pantalon beige, souhaite dire un mot avant de commencer. Il exprime son soutien aux familles des victimes. « L’intervention [du dos] était loin d’être banale. J’avais l’habitude de la pratiquer. Elle s’est déroulée normalement. J’ai d’abord pensé que j’étais le fautif de l’arrêt cardiaque survenu, détaille-t-il, replongeant dans ses souvenirs. La réanimation a commencé avec le massage cardiaque. » Comme pour chaque personne à la barre, Delphine Thibierge, présidente de la cour, débute ses questions.

10h46 : l’audience est suspendue 15 minutes.

10h40 : Me Schwerdorffer repose une question déjà posée vendredi, concernant l’ambiance entre les anesthésistes de la clinique privée Saint-Vincent. « Les praticiens ont des caractères très forts. Donc forcément les discussions ne sont pas toujours agréables mais elles existaient. Je n’ai pas parlé de conflits parce qu’il n’était pas question de conflits qui auraient pu avoir des conséquences aussi gravissimes. Il y avait une ambiance normale d’établissement. Quant à l’ambiance entre anesthésistes, il y a eu une réunion avec un directeur d’intérim en 2014-2015, durant l’hiver. Il y a eu une réunion d’anesthésistes assez houleuse. C’est l’essentiel de ce dont j’ai souvenir. Rien d’extraordinaire au moment où on a démarré cette enquête », détaille Valérie Fakhoury, directrice de Saint-Vincent entre 2008 et 2017.

Valérie Fakhoury et son avocat Laurent de Caunes, à son arrivée au tribunal ce lundi 15 septembre 2025.

Valérie Fakhoury et son avocat Laurent de Caunes, à son arrivée au tribunal ce lundi 15 septembre 2025.

© Antoine Laroche – France Télévisions

Pour conclure, l’avocat de l’accusé souhaite faire valoir que « Frédéric Péchier, en trouvant des poches percées dans son bloc, était peut-être aussi légitime à penser qu’il était victime de malveillance ». Et que cela n’indique en rien qu’il est l’empoisonneur ou qu’il cherchait à détourner les soupçons qui pesaient sur lui à l’époque.

10h26 : L’avocat de la défense poursuit et rappelle les propos tenus par la directrice de la clinique Saint-Vincent lors de son audition par les enquêteurs. “La réponse n’est pas celle que vous voulez me prêter. Elle est très claire et je la maintiens ”, dit Madamee Fakhoury, sans sourciller. ”Chacun se fait sa religion de ce qu’il veut”, renchérit Randall Schwerdorffer. Il continue à disséquer ses propos, notamment concernant les produits incriminés dans les EIG comme le potassium. “Je rappelle que nous n’avons pas trouvé de potassium chez monsieur Péchier”, rappelle Me Schwerdorffer. L’ancienne directrice reste calme, bras croisés derrière la barre, mais on perçoit une forme d’agacement par rapport aux questions de l’avocat de Frédéric Péchier.

10h15 : Me Schwerdorffer demande à ce qu’on affiche dans la salle d’audience le tableau des EIG, événements indésirables graves, survenus entre le 21 janvier 2017 et 2022. Ce document n’a pas été produit par Madame Fakhoury mais par la personne qui lui a succédé au sein de la direction.

Randall Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier, le 15 septembre 2025.

Randall Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier, le 15 septembre 2025.

© Sarah Rebouh – France Télévisions

« Ce qui me choque, c’est la réalité des déclarations de ces EIG », dit Me Schwerdorffer. « Dans la colonne 2017, on a 4 décès. Et j’en ai 5 en 2018, 6 en 2019… Après ça baisse. 2020, 2 ; 2022, 0. Il y a quand même beaucoup de décès en 2018 et 2019 alors que Monsieur Péchier ne travaille plus », demande l’avocat de l’accusé.

L’ancienne directrice répond que ces EIG ne sont pas inexpliqués. « Bon, écoutez, ce tableau ce n’est pas moi qui l’ai établi. Je maintiens que nous avions une proportion à surdéclarer des EIG qui n’en étaient pas vraiment au sens de l’ARS », souhaite visiblement conclure sur ce point Valérie Fakhoury, accusant Me Schwerdorffer de « jouer sur les mots ».

Me Randall Scherwdorffer, avocat de Frédéric Péchier questionne Valérie Fakhoury ancienne directrice de la Clinique Saint-Vincent à Besançon.

Me Randall Scherwdorffer, avocat de Frédéric Péchier questionne Valérie Fakhoury ancienne directrice de la Clinique Saint-Vincent à Besançon.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

9h58 : Me Giuranna, avocat de nombreuses familles de victimes, passe à ses questions, toujours clamées avec force. Me Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier, interroge à son tour l’ancienne directrice de la clinique Saint-Vincent.

Elle rappelle pour l’occasion qu’à l’époque des faits elle était à la tête de 4 cliniques représentant environ 850 personnes, mais qu’elle dirigeait le site bisontin de Saint-Vincent, « principalement ». « Vous avez énormément limité les risques, et vous dites malgré tout que si un soignant veut empoisonner il le peut encore », rappelle Me Schwerdorffer.

À l’heure où on se parle, quelqu’un qui commettrait les mêmes actes aujourd’hui serait tout aussi indétectable qu’avant. Ça fait froid dans le dos, mais on ne peut pas parer de tels actes…

Valérie Fakhoury, ancienne directrice de la clinique Saint-Vincent

9h45 : L’un des avocats des parties civiles questionne à son tour Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent entre 2008 et 2020. A-t-elle vu la démonstration de la pollution d’une poche de soluté dans les médias ? Ce dernier fait référence aux avocats du docteur Péchier, qui avaient démontré dans un reportage de France 3 Franche-Comté, la simplicité des faits pour polluer une poche de soluté. Ces derniers souhaitaient démontrer que cet acte était simple à réaliser et qu’il pouvait avoir été commis par n’importe qui, même une personne non initiée aux actes médicaux.

9h26 : « Y’a-t-il eu de nouveaux EIG suspects après la mise en examen du docteur Péchier ? », interroge l’avocate générale. “Il y a eu des EIG, on en a surdéclaré pour qu’on ne puisse pas dire qu’on avait loupé quelque chose, mais rien ne s’est rien produit de comparable avec ce qui avait pu exister. Aucun qui n’ait porté préjudice aux patients. Aucun n’a été de la nature de ceux que nous étudions aujourd’hui », explique la directrice, qui précise, avec une certaine pudeur que cette affaire a été très difficile à vivre pour elle mais aussi pour sa famille.

9h18 : “Quelle était l’ambiance [dans la clinique Saint-Vincent] suite à la mise en examen du docteur Péchier ?”, demande l’avocate générale Christine de Curraize, à l’ancienne directrice. Cette dernière relate à la barre l’annonce qu’elle a faite au bloc opératoire le lundi matin, suite à la mise en examen du docteur.

Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent de 2008 à 2020.

Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent de 2008 à 2020.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

“D’emblée, il y a eu des réactions vives de certaines personnes, en disant ‘C’est pas possible, c’est n’importe quoi’. Cela a été assez dur”, se souvient-elle. “La nouvelle a essaimé, logiquement, et là il y a eu des personnes qui n’ont pas voulu y croire. Certains ont dit que j’avais vendu Monsieur Péchier pour garder la clinique ouverte, etc…”. À l’époque, « le choc psychologique a été majeur » pour les équipes soignantes. Une cellule psychologique avait d’ailleurs été mise en place. Rapidement, une scission se produit du côté des anesthésistes, entre les « pro » Péchier et les « contre » Péchier.

9h10 : « C’était un peu étrange comme conversation. J’avais le sentiment que le docteur Péchier ne disait pas tout », répond la directrice à une question posée par Christine de Curraize, avocate générale, concernant une conversation téléphonique survenue entre elle et Frédéric Péchier. « On n’était pas dans la démarche de divulguer ce qu’il s’était passé, mais de renforcer la sécurité, s’assurer que chacun soit vigilant, dans un contexte qui était quand même très complexe », poursuit Valérie Fakhoury.

Les 12 empoisonnements mortels ont tous eu lieu à la clinique Saint-Vincent.

Les 12 empoisonnements mortels ont tous eu lieu à la clinique Saint-Vincent.

© France Télévisions

9h02 : La cloche retentit. L’audience débute. Le public se lève pendant l’installation de la cour. Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent entre 2008 et 2020, s’installe derrière la barre. Le ministère public débute la valse des questions.

8h57 : Frédéric Péchier, accusé par la justice d’être un empoisonneur en série, est installé à sa table. Il boit un café, l’air calme, en attendant le début de l’audience prévue à 9h.

La salle du Parlement, où a lieu l'audience principale.

La salle du Parlement, où a lieu l’audience principale.

© France Télévisions

8h45 : L’audience doit débuter d’ici quelques minutes. En attendant, la salle se remplit peu à peu. Parties civiles mais aussi curieux intéressés par ce procès hors du commun viennent garnir les 191 sièges de la salle historique du parlement, réaménagée spécialement pour l’occasion. L’affluence est évidemment moins soutenue que lors de la première semaine.

8h37 : Ce lundi 15 septembre, la journée doit être rythmée par les dépositions du reste des équipes médicales présentes lors des opérations de Sandra Simard et Jean-Claude Gandon, victimes présumées du docteur Péchier.

Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent entre 2008 et 2020, répondra aussi aux questions du ministère public, des avocats des parties civiles et de la défense. Elle s’est constituée partie civile dans ce procès. C’est elle qui était à la barre vendredi dernier lors de la suspension d’audience pour le week-end.

Valérie Fakhoury était directrice de la Clinique Saint-Vincent à Besançon au moment où l'affaire des empoisonnements a éclaté. Frédéric Péchier y était anesthésiste.

Valérie Fakhoury était directrice de la Clinique Saint-Vincent à Besançon au moment où l’affaire des empoisonnements a éclaté. Frédéric Péchier y était anesthésiste.

© France 3 Franche-Comté

8h : Bienvenue dans ce direct. Tout au long de la journée, vivez à nos côtés le procès du médecin anesthésiste Frédéric Péchier, comme si vous étiez dans la salle d’audience. Les débats doivent débuter à 9h.

Pour rappel, l’ancien médecin anesthésiste Frédéric Péchier est soupçonné par la justice d’avoir empoisonné 30 personnes, dont 12 mortellement, entre 2008 et 2017. Son procès devant les assises du tribunal de Besançon doit durer 15 semaines. Frédéric Péchier comparaît libre. Il nie farouchement les faits qui lui sont reprochés.

Vendredi 12 septembre a été marqué par les dépositions de plusieurs personnels soignants des établissements hospitaliers concernés par cette affaire (relire notre article ci-dessous).

Valérie Fakhoury, directrice de la clinique Saint-Vincent entre 2008 et 2020, a clôturé la journée à la barre. C’est elle qui doit être interrogée ce lundi au début d’une nouvelle semaine de procès-fleuve qui doit durer jusqu’à la mi-décembre.

Autre fait marquant vendredi dernier, l’accusé visiblement frustré de devoir garder le silence pendant les débats autour des pratiques médicales de réanimation, a déclaré au micro de France 3 Franche-Comté : « Si j’en ai la possibilité, j’aimerais bien pouvoir m’exprimer avant trois semaines. C’est long”.

Frédéric Péchier, ancien médecin anesthésiste, a travaillé au sein de la clinique Saint-Vincent, mais également de la polyclinique de Franche-Comté, à Besançon, entre 2008 et 2017. À cette époque, plusieurs EIG, acronyme utilisé pour « événements indésirables graves », se produisent dans ces deux établissements privés de soin, dans une proportion démesurée. 

De trop nombreux patients qui ne présentent pas de fragilités particulières, font des arrêts cardiaques en pleines opérations chirurgicales. Sur 30 cas dont la responsabilité est attribuée à Frédéric Péchier par les enquêteurs, douze décèdent. L’anesthésiste, un professionnel particulièrement impliqué dans son travail selon ses pairs, est soupçonné d’avoir provoqué ces incidents médicaux pour faire valoir ces qualités de réanimateur, mais aussi pour nuire à certains de ses collègues avec qui il était en conflit. 

Frédéric Péchier a toujours nié fermement les faits. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité. Ce dernier comparaît libre, sous contrôle judiciaire. Son procès doit durer 15 semaines, du 8 septembre au 19 décembre 2025.

Relire tous nos articles au sujet de l’affaire Péchier.

durée de la vidéo : 00h02mn49s

Voir la video (2 minutes 49 secondes). 
2 min 49 s

Notre journaliste Sarah Rebouh vous aide à comprendre les enjeux du procès de l’ex-anesthésiste Frédéric Péchier, en moins de 3 min.

©Sarah Rebouh / France Télévisions

  • 11 janvier 2017 : une femme de 36 ans fait un arrêt cardiaque inexpliqué à la clinique Saint-Vincent à Besançon alors qu’elle est opérée. 
  • 20 janvier 2017 : un nouveau malaise cardiaque inexpliqué se produit dans la même clinique. Des fortes quantités de potassium ou d’anesthésique, à dose létale, sont retrouvées dans les poches d’anesthésie des deux patients.
  • 6 mars 2017 : Frédéric Péchier est placé en garde à vue et mis en examen pour « empoisonnements avec préméditation » sur sept patients, dont deux sont morts entre 2008 et 2017. Il clame son innocence.
  • Décembre 2017 : les corps de quatre personnes dont les morts sont suspectes sont exhumés pour analyses. La justice n’ordonne ce type d’acte que très exceptionnellement.
  • 17 mai 2019 : le docteur Péchier est mis en examen pour 17 nouveaux événements indésirables graves (EIG). Il clame toujours son innocence. Il n’a plus le droit de paraître dans le Doubs.  Il ne peut plus exercer son métier.
  • 1er octobre 2021 : Frédéric Péchier fait une tentative de suicide en se défenestrant du premier étage.
  • 27 septembre 2022 : les soupçons concernent désormais 32 patients qui auraient été empoisonnés dont 13 mortellement.
  • 22 mars 2023 : Frédéric Péchier est mis en examen pour 30 cas, dont 12 mortels.
  • 5 août 2024 : le médecin anesthésiste est renvoyé devant la cour d’assises du Doubs pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels.
  • 8 septembre 2025 : ouverture prévue du procès de Frédéric Péchier devant la cour d’assises du Doubs. Il doit durer 15 semaines.

France 3 Franche-Comté se mobilise pour vous faire vivre le procès de Frédéric Péchier, comme si vous y étiez. Du 8 septembre au 19 décembre 2025, suivez les débats en cours dans la salle d’audience, en direct sur notre site internet, grâce à nos journalistes Jeanne Casez, Antoine Comte et Sarah Rebouh.