En septembre 2025, la Commission européenne a officialisé le projet d’e-car. L’objectif : créer une petite voiture électrique low cost, produite en Europe et proposée autour de 15 000 €. Ce positionnement inédit vise à ressusciter un segment abandonné par les constructeurs, tout en réduisant la dépendance face aux imports chinois.

Un marché des citadines en crise, une réponse politique

Depuis cinq ans, les modèles d’entrée de gamme disparaissent du catalogue européen. En 2019, environ 49 modèles étaient commercialisés à moins de 15 000 €. En 2025, ce chiffre est proche de zéro. Les coûts liés aux batteries, aux plateformes modulaires et aux normes de sécurité expliquent cette disparition. Or, les citadines représentaient un vivier stratégique pour attirer de nouveaux acheteurs.

Face à ce vide, Bruxelles propose une réponse politique. L’e-car n’est pas seulement une innovation produit, c’est une catégorie juridique à part entière. Elle vise à permettre l’homologation de véhicules plus compacts, avec des contraintes allégées sur certains équipements, afin de contenir les prix. Ursula von der Leyen a insisté sur le fait qu’il s’agissait de « rendre la mobilité électrique accessible à tous », une annonce qui a immédiatement mobilisé les constructeurs comme Stellantis et Renault.

Des normes de sécurité contraignantes, sources de surdimensionnement

Depuis juillet 2024, le règlement européen de sécurité impose une série d’ADAS obligatoires : freinage d’urgence automatique, maintien dans la voie, détection de piétons, limiteur intelligent de vitesse. Ces dispositifs sont efficaces, mais ils alourdissent les véhicules. Les crash tests EuroNCAP exigent également des capots plus hauts et des structures renforcées pour protéger les occupants.

Résultat : les citadines traditionnelles deviennent financièrement intenables. Transport & Environment rappelle que la hauteur moyenne des capots est passée de 76,9 cm en 2010 à 83,8 cm en 2024. Cette inflation géométrique ne se limite pas à l’esthétique : une étude estime que passer de 80 à 90 cm de hauteur augmente de 27 % le risque de décès pour piétons et cyclistes. L’industrie se retrouve donc prise en étau : respecter des normes légitimes, mais perdre en compacité et en accessibilité prix.

Les contours techniques de l’e-car

Bruxelles imagine deux sous-catégories de e-car. La première, dite M0, serait limitée à une puissance d’environ 40 à 54 chevaux, vitesse bridée et interdiction d’emprunter l’autoroute. La seconde, M1 ASEV, viserait une homologation plus proche des véhicules actuels, avec la possibilité de circuler sur voies rapides mais avec des contraintes de masse et de puissance réduites. Dans les deux cas, la longueur resterait contenue entre 3,50 et 3,80 mètres.

L’e-car devra reposer sur une batterie compacte, probablement entre 20 et 30 kWh, garantissant une autonomie de 150 à 250 km en usage urbain et périurbain. Légèreté et optimisation aérodynamique seront essentielles pour réduire la consommation. Des constructeurs comme Fiat, historiquement positionnés sur la citadine, pourraient en tirer profit. L’idée est de redonner une seconde vie à des plateformes existantes, simplifiées et adaptées à l’électrique.

Opportunités industrielles et défis d’acceptabilité

L’arrivée de l’e-car représente une opportunité industrielle majeure. Elle permettrait aux constructeurs européens de se repositionner sur l’entrée de gamme, face aux MG ou BYD venues de Chine. Pour Stellantis, Fiat et Renault, c’est une occasion de réactiver leur ADN de petite voiture populaire. La Commission, de son côté, veut éviter un marché dominé uniquement par les SUV électriques à 40 000 €.

Mais l’acceptabilité de l’e-car reste un défi. Les automobilistes associent désormais la sécurité à la taille des véhicules. Réduire la masse et les équipements peut être perçu comme un retour en arrière. De plus, l’autonomie modeste des batteries pourrait limiter l’attrait au-delà des trajets urbains. Enfin, la marge de manœuvre réglementaire est étroite : Bruxelles doit assouplir certaines normes sans fragiliser la sécurité. Les discussions portent déjà sur un plafond de hauteur de capot à 85 cm et sur la simplification des ADAS obligatoires pour ces modèles.