«On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l’État n’en font pas», avait indiqué ce week-end le nouveau premier ministre dans une interview à la presse régionale.

Sébastien Lecornu n’a pas tardé à passer de la parole aux actes. Deux jours après s’être engagé à supprimer les avantages «à vie» dont bénéficient certains anciens ministres, le nouveau premier ministre vient de concrétiser sa promesse. «C’est fait», a confirmé ce lundi soir le Normand sur le réseau social X, annonçant que ce changement sera effectif dès le 1er janvier 2026. «S’il est normal que la République protège les personnes faisant l’objet de menaces, il n’est en revanche pas concevable qu’ils puissent bénéficier d’avantages à vie en raison d’un statut temporaire», fait valoir le successeur de François Bayrou à Matignon moins d’une semaine après sa nomination, confirmant une information du Parisien .

Seule exception, une «protection policière» accordée aux anciens premiers ministres et ministres de l’intérieur pour «une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque», prend soin de détailler Sébastien Lecornu. Lequel enfonce le clou : «Tous les autres moyens mis à disposition des anciens premiers ministres à vie» (moyens matériels, chauffeur, véhicule…) «le seront dorénavant pour une durée limitée», prévient l’élu de l’Eure, sans toutefois préciser combien de temps ces avantages seront maintenus, ni leur nature exacte.


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Une deuxième instruction de Sébastien Lecornu à destination de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra donc de créer «un cadre» relatif à la «protection policière» des anciens premiers ministres et ministres de l’Intérieur, a détaillé Matignon. D’après Le Parisien, le gouvernement prévoit également de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui encadre les privilèges accordés aux anciens chefs de gouvernement. Jusqu’à présent, ces derniers pouvaient, sur demande, bénéficier d’«un véhicule de fonction et un conducteur automobile», pris en charge par l’État.

Autre avantage possible : un «agent pour leur secrétariat particulier» pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions, et au plus tard jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 67 ans. À noter que ces éléments ne s’appliquent pas aux anciens hôtes de Matignon lorsqu’ils disposent déjà de privilèges liés à un mandat parlementaire, une fonction locale, ou une fonction publique.

Une question déjà évoquée par Barnier et Bayrou

Vieille arlésienne de la vie politique, la question des avantages accordés aux anciens membres du gouvernement avait déjà été pointée du doigt par Michel Barnier. Quelques jours avant son départ de Matignon, en novembre 2024, l’ex-négociateur en chef du Brexit avait exhorté à des «améliorations dans le train de vie de l’État», qu’il promettait de rendre «plus sobre» et «plus simple». Ironie de l’Histoire, son successeur François Bayrou avait, à son tour, remis le métier sur l’ouvrage, en chargeant fin août l’ex-député socialiste René Dosière d’identifier et de supprimer d’éventuels avantages indus dont jouiraient les responsables politiques.

Dans un entretien accordé ce week-end à la presse quotidienne régionale, le premier ministre, en quête d’économies budgétaires, avait préparé les esprits à un tel aggiornamento. «On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l’État n’en font pas. La réforme, ce n’est pas toujours “pour les autres”, cela crée la suspicion», avait-il estimé. Comme pour tenter de faire redescendre la température sociale, à quelques jours de la journée de mobilisation syndicale prévue le 18 septembre.

Reste que, si la suppression des avantages à vie des anciens premiers ministres relève surtout du symbole – leur coût (hors protection policière) s’élevait à 1,58 million d’euros en 2024, selon des données fournies par le ministère de l’Économie -, la mesure risque de relancer le débat parmi les premiers concernés. Dimanche soir, Dominique de Villepin (de 2005 à 2007 à Matignon) a estimé sur M6 qu’il était «tout à fait normal que les premiers ministres donnent l’exemple», appelant à «faire preuve de justice» en la matière. Un consentement auquel Élisabeth Borne (2022-2024) refusait de souscrire il y a quasiment un an, au motif qu’elle faisait face à des «problèmes de sécurité» en lien avec les réformes impopulaires, notamment celle des retraites, qu’elle avait portées à Matignon.