Le terrain de jeu des concepteurs s’évade parfois de l’enveloppe de l’homme – le bâti- pour se mettre à portée de main – l’objet. Plusieurs agences signent pour cette Paris Design Week des équipements d’intérieur : éclairage qui se manipule ou signale, tabouret en microarchitecture, table aux fixations saillantes, mobilier transportable, jusqu’au bijou porté. Les architectes s’amusent dans une petite échelle, certes, mais toujours de haute facture.


Haïku lumineux


Odile Decq confirme 20ans de complicité avec le fabricant italien de luminaire italien Luceplan à travers une nouvelle suspension. Présenté au sein de son école, Confluence à Paris, Dixbougies puise son inspiration dans le lustre d’antan. S’il en conserve l’idée de la chandelle, il témoigne d’un ton anti-nostalgique. Un support en aluminium extrudé, noir, déroulé à l’horizontale, fait se croiser quatre bras dans une disposition asymétrique. Cet appui accueille 10 sources led avec diffuseurs en papier, lisse ou à motif. Deux câbles le soutiennent, un juste équilibre trouvé grâce à des contrepoids. L’objet, noble et sobre, autorise l’interaction, car chaque « bougie », aimantée, se place et se retire à la main. La conceptrice de souligner que dans sa vision, « La lumière, c’est la vie ». Formule lapidaire autant que claire, quand son dessin d’origine avait déjà des airs de haïkus.


Détail éclairé


Un autre projet narratif d’éclairage, décliné en quatre modèles distincts, est réalisé par Karl Fournier et Olivier Marty (Studio KO) en co-conception avec Garnier & Linker. Le duo d’architectes se définit « par une attitude », ce qui évite de tomber dans un style, ou dans la répétition lassante. La collection apporte ses réponses à des besoins identifiés au fil de leurs projets, avec des pièces éditées en galerie. Suivant la règle « un usage, un éclairage », on remarque le propos inattendu qui donne à voir par exemple quelques livres dans l’étagère d’une bibliothèque. Lumière pour orienter l’œil, éclairer un détail, servir un propos. Visible dans la galerie Garnier & Linker jusqu’au 30 septembre.


Exploration de matières


Dans un espace qu’il rénove à Paris, Vincent Eschalier a initié en duo un showroom temporaire pour la ligne de pièces MVE dont certaines nées de collectes sur chantier, à base de brique, d’aluminium, de béton. Leur codesigner Mattéo Lécuru souligne que leurs poignées de porte, lampes, assises présentées ont un « dénominateur commun », « le dessin n’est pas le sujet principal, il émerge de la matière ». Les pièces en brique de réemploi suivent notamment les contraintes physiques et la structure, créent des effets de trames, se font l’écho de façades. Des finitions sont possibles, polie ou vernie et un sertissage étain, mais la matière garde ses imperfections -tâches, porosité, patine. Dans le showroom du Marais, une deuxième pièce ouvre sur les étapes de fabrication où, comme dans une salle des coffres, l’aluminium a été refondu en lingots (le stock est déjà de 4t). Leur destination, de futures poignées de porte. Prolongation des visites, sur rendez-vous, au 34 rue de la Verrerie (75004) jusqu’au 30 septembre.


Assemblages visibles


La collection Muecke Wood célèbre la logique naturelle du matériau où la chaise montre les coupes en bout du bois, par exemple, et souligne la précision du travail artisanal. Son sculpteur et architecte, Jonathan Muecke, qui envisage les meubles « comme des marqueurs de l’échelle humaine », façonne le bois en tourillons arrondis et met au point une méthode qui les relie là où ils se croisent, afin de « comprendre la pièce de bois», précise-t-il, qui « n’est pas déguisée ». Pour Knoll il a suivi ce processus honnête : «Je prends les choses telles qu’elles sont et n’essaie pas de leur donner une nouvelle signification. » Ici, des assemblages à tenons visibles et flottants, destinés à la production grande échelle, une première pour lui. A essayer chez Knoll Paris, au 268 Bd Saint Germain (75006).


Réédition nomade


L’agence RDAI met à disposition une famille en châtaigner très attachante, famille Robinson dessinée par Rena Dumas en 1993, initiant une activité nouvelle pour l’agence, disponible début 2026. Rena avait imaginé un ensemble de mobilier qui n’était pas « contraint par la définition des pièces et permettait de modifier ses habitudes de vie, simplement ». Quatre meubles à emporter avec soi, en particulier le tabouret et sa table, pliants, une console. L’ensemble respecte la version originelle, dont un exemplaire était exposé en regard de la nouvelle réalisation. Le bois massif, les coupes apparentes. Le poids du paravent lui, exigeant à la fabrication une montée en température (à l’étuvée) pour le tressage, implique au final deux personnes pour son déplacement. Julia Capp et Denis Montel, Robinson ont souhaité cette renaissance réalisée par l’atelier Chatersèn à partir de bois français. Une simplicité haut de gamme.


Détournement fétiche


Gaëlle Lauriot-Prévost rejoint les signatures de plasticiens et designers contemporains de MiniMasterpiece avec ce travail sur le bijou, qui dit-elle « envoie un signal: “je suis joyeux” ou “je veux qu’on me voie”, (…) est une parole silencieuse, une adresse à l’autre, un fétiche social». Maille en acier, argent 925 et résine, voilà la composition des bijoux Plis édités par la galerie. Ce n’est pas la première pièce de joaillerie de l’architecte, ni son premier détournement d’objet industriel, mais la maille métallique est ici domestiquée avec grâce. Un simple pliage, demandé en usine et fini à la main, est adouci et monté, puis décliné en bague, boucles d’oreilles, bracelet – ce dernier rappelle la fraise Renaissance. A essayer jusqu’au 25 octobre dans l’arrière-cour parisienne du sixième arrondissement de la galerie.