Le patron de la police fédérale américaine doit s’expliquer devant le Congrès cette semaine après sa gestion controversée de l’enquête sur l’assassinat du militant conservateur. Entre communication hasardeuse et fronde au sein du mouvement MAGA, son autorité vacille.

Il devait incarner le renouveau trumpiste du FBI. Il pourrait devenir son premier échec majeur. Kash Patel, directeur de la police fédérale depuis janvier, comparaît mardi devant la commission judiciaire du Sénat, puis mercredi à la Chambre des représentants, pour ce qui s’annonce comme un examen de rattrapage sur ses compétences après l’assassinat de l’influenceur conservateur Charlie Kirk, le 10 septembre à l’Université de la vallée de l’Utah.

Quelques heures après la fusillade, Patel commet l’irréparable. À 18h21, il claironne sur X que l’auteur présumé du «meurtre atroce» est en détention, brûlant la politesse aux autorités locales. Sauf qu’environ quatre-vingt-dix minutes plus tard, à 19h59, le suspect est mis hors de cause et relâché. «Il n’aurait pas dû publier quoi que ce soit sur l’affaire avant d’avoir des certitudes», confie un ancien haut responsable du FBI à NBC News.


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Dîner chez Rao’s

Plus troublant : ce soir-là, Patel dîne chez Rao’s, restaurant italien d’East Harlem à New York «célèbre pour sa sauce tomate et son passé louche», selon le New Yorker . A-t-il publié son deuxième tweet de là-bas ? On l’ignore, le restaurant refuse de répondre aux sollicitations de la presse américaine. Il n’empêche, l’affaire en embarrasse plus d’un. «C’est vraiment gênant. Vous êtes le directeur du FBI, pas un gamin qui lit des bandes dessinées», tacle un responsable de l’administration Trump au média en ligne Axios .

Christopher O’Leary, ancien responsable antiterroriste du FBI, est cinglant : «Il n’a aucune expérience ni aucune capacité de leadership», déclare-t-il à NBC News. Pour Glenn Kirschner, ancien procureur fédéral, les annonces de Patel sont tout simplement «irresponsables». «Kash Patel est dangereusement inapte à diriger le FBI», martèle-t-il sur sa chaîne YouTube.

Tensions avec les autorités locales

L’affaire révèle aussi des frictions profondes entre le FBI et les forces de l’ordre de l’Utah. Samedi, Patel revendique sur X avoir agi «contre toute recommandation des forces de l’ordre» en exigeant la publication des photos du suspect Tyler Robinson, 22 ans, finalement arrêté vendredi. Version démentie par le Département de la sécurité publique de l’Utah, chargé d’appliquer la loi dans cet État de l’ouest américain : «Nous n’avons pas recommandé de ne pas les publier mais nous avons d’abord eu recours à la technologie [la reconnaissance faciale] pour tenter de les identifier», rectifie un porte-parole cité par NBC News. «Lorsque cela s’est avéré infructueux, nous avons apporté notre soutien total et convenu que les photos devaient être publiées.»

«Cela n’est jamais dans l’intérêt du FBI de critiquer les autorités locales», explique un ancien haut responsable d’un service de police à NBC News. Il estime que Patel semble «faire de la pub pour impressionner un public d’une seule personne». Référence à peine voilée à Trump.

La base MAGA se fracture

Même au sein du mouvement trumpiste, la grogne monte. «Il a fait de très mauvaises performances ces derniers jours», juge Christopher Rufo, écrivain conservateur, sur X. Steve Bannon, gourou du trumpisme, ne mâche pas ses mots non plus : «La base n’est pas contente. Ils ont besoin d’action, d’action, d’action», confie-t-il à Axios.


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La colère de la frange complotiste se cristallise aussi sur l’affaire Jeffrey Epstein. En juillet, le ministère de la Justice et le FBI ont annoncé n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires sur le délinquant sexuel mort en prison en 2019. Une déception pour ceux qui espéraient des révélations fracassantes.

Un patron trop politisé ?

L’autorité de Kash Patel a encore été ébranlée par une plainte au civil déposée la semaine dernière. Trois anciens dirigeants du FBI limogés en août l’accusent d’avoir «politisé» l’agence pour complaire à ses supérieurs, dont Donald Trump. Ils disent avoir été sanctionnés notamment pour leur opposition au limogeage d’agents. Lesquels étaient considérés comme insuffisamment alignés sur les priorités de la nouvelle administration.

L’un d’entre eux, Brian Driscoll, directeur du FBI par intérim pendant le premier mois du mandat de Donald Trump, jusqu’à l’entrée en fonction de Kash Patel, affirme avoir tenté en vain de le dissuader de licencier un agent. «Le FBI a tenté de mettre le président en prison et il ne l’a pas oublié», lui aurait répondu Kash Patel, se disant obligé pour garder son poste de renvoyer tous ceux ayant travaillé sur les procédures pénales contre Donald Trump avant son élection, selon la plainte.

Trump maintient son soutien… pour l’instant

Face à la tempête, Donald Trump serre les rangs. «Je suis très fier du FBI. Kash et tous les autres ont fait un excellent travail», a déclaré le président américain à Fox News samedi. «Le poste de Kash est assuré. Le président est satisfait», confirmait un haut responsable à Axios dimanche.

De son côté, Kash Patel assume sa stratégie. «Aurais-je pu mieux formuler cela dans le feu de l’action ? Bien sûr. Mais est-ce que je regrette ? Absolument pas», a-t-il fait valoir lundi dans une interview accordée à «Fox & Friends», talk-show de Fox News. Avant de se targuer d’être le directeur le plus «transparent» de l’histoire du FBI. Son audition devant le Congrès cette semaine pourrait bien sceller son sort.