Des chercheurs de l’Académie des sciences de
l’information quantique de Pékin (BAQIS) ont réussi à stocker des
informations sous forme de lumière pendant plus d’une heure,
battant ainsi le précédent record et réalisant un exploit
scientifique sans précédent. Ce défi, qui semblait insurmontable,
représente une avancée majeure dans le domaine de l’informatique
quantique. En effet, le stockage de la lumière est un enjeu
central pour la recherche sur les ordinateurs quantiques qui
pourraient transformer la façon dont nous traitons et stockons les
données. Mais pourquoi est-ce si difficile de conserver la lumière
et en quoi cette découverte pourrait-elle changer notre
compréhension de la mécanique quantique ?
Le défi du stockage de la lumière
La lumière, ou plus précisément
les photons qui la composent, sont des particules fondamentales qui
voyagent à des vitesses incroyables. Or, c’est précisément
cette rapidité qui rend leur stockage difficile.
Contrairement aux électrons, qui peuvent être capturés dans des
dispositifs à base de matériaux semi-conducteurs, les photons se
déplacent à une telle vitesse qu’ils sont pratiquement impossibles
à capturer et à stocker dans leur forme originale. De plus, les
technologies actuelles de stockage de la lumière ne permettent de
le faire que pendant de très courtes durées, ce
qui limite leur utilisation dans les systèmes de communication
quantique et les ordinateurs quantiques.
Les chercheurs du BAQIS ont
donc dû trouver une manière innovante de ralentir ces photons
suffisamment pour pouvoir les emprisonner sans perdre leurs
informations précieuses. Cette avancée représente un énorme pas en
avant dans la quête de stockage de données en utilisant les
propriétés uniques des photons.
La solution innovante : conversion de la lumière en
son
Pour contourner le problème de
la vitesse des photons, les chercheurs ont opté pour une méthode
astucieuse : convertir les signaux lumineux en signaux
sonores. Étant beaucoup plus lents, les signaux sonores
peuvent être facilement manipulés et stockés dans des matériaux
spécifiques. Imaginez une particule de lumière transformée en une
vibration sonore. Ce processus permet aux chercheurs de ralentir la
lumière à une vitesse où elle devient beaucoup plus facile à
retenir.
Pour ce faire, l’équipe a
utilisé un matériau particulier, un film de carbure de
silicium monocristallin, capable de piéger efficacement
les informations lumineuses sous forme de signaux sonores. En
raison de ses propriétés uniques (notamment sa stabilité de
fréquence et ses faibles pertes internes), ce matériau a permis de
prolonger la durée de stockage des photons de manière
spectaculaire. Cette technologie permet ainsi d’encapsuler les
informations contenues dans la lumière et de les maintenir pendant
des périodes beaucoup plus longues qu’auparavant.
Un film de carbure de silicium monocristallin a permis aux
chercheurs de piéger efficacement les informations lumineuses.
Crédits : BAQIDes résultats prometteurs
Le record mondial établi par
les chercheurs est impressionnant : 4 035
secondes, soit plus d’une heure de stockage de lumière.
Cette durée est bien au-delà de tout ce qui avait été réalisé
précédemment. En effet, les précédentes tentatives de stockage de
photons n’avaient permis de les maintenir pendant que quelques
fractions de seconde. Le film de carbure de silicium monocristallin
a montré des performances exceptionnelles, notamment en maintenant
une stabilité de fréquence élevée même à des températures
extrêmement basses.
L’impact de cette découverte,
rapportée dans Nature Communications, pourrait être
immense. L’une des principales applications réside dans le domaine
des ordinateurs quantiques. Ces ordinateurs utilisent les principes
de la mécanique quantique pour effectuer des calculs à des vitesses
bien plus rapides que celles des ordinateurs classiques. Cependant,
pour que l’informatique quantique atteigne son plein potentiel, les
chercheurs doivent être en mesure de stocker et de manipuler des
informations quantiques sur de longues périodes sans perte. Grâce à
ce nouveau procédé de stockage de la lumière, il devient possible
de maintenir plus efficacement les informations quantiques, ce qui
pourrait accélérer le développement d’ordinateurs quantiques
puissants.
D’autres applications
intéressantes incluent la cryptographie quantique qui pourrait
bénéficier de l’usage de photons pour sécuriser les communications
à un niveau encore plus élevé qu’avec les technologies actuelles.
Le stockage de la lumière pendant une durée prolongée pourrait
également ouvrir la voie à de nouvelles découvertes dans les
domaines des télécommunications, des capteurs quantiques et des
simulations de phénomènes physiques complexes.
Les chercheurs prévoient
maintenant d’étendre cette technologie en cherchant à augmenter la
densité d’informations stockées et en explorant de nouvelles
manières d’intégrer cette technique à d’autres technologies
quantiques.