26 août 2022  : les premières révélations

Stupeur à Saint-Étienne. Un article de Mediapart sort la ville de sa torpeur estivale.

Il révèle qu’une vidéo intime aurait été tournée dans une chambre d’hôtel à Paris en janvier 2015. À l’image, l’ancien premier adjoint (il avait démissionné de ce poste en mai 2022), Gilles Artigues (UDI), en plein massage érotique par un escort boy.

Selon l’article de Mediapart, ce « tournage » réalisé à l’insu de Gilles Artigues a été préparé par Samy Kéfi-Jérôme, alors adjoint à l’Éducation et élu à Région, et son compagnon de l’époque, Gilles Rossary-Lenglet.

C’est d’ailleurs ce dernier qui révèle l’affaire à Mediapart, affirmant que cette vidéo a été commandée par Gaël Perdriau (LR), maire de Saint-Étienne et président de Saint-Étienne Métropole, et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, pour faire chanter Gilles Artigues.





Gilles Artigues. Photo archives Philippe Vacher

Gilles Artigues. Photo archives Philippe Vacher

L’objectif est détaillé par Gilles Rossary-Lenglet dans l’article de Mediapart : « Après les municipales de 2014, Gaël [Perdriau] et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, ont assez vite dit qu’il fallait gérer Gilles Artigues et son groupe centriste, énorme au sein de la majorité. » Les deux hommes veulent ainsi s’assurer de la loyauté de Gilles Artigues et son absence d’opposition aux décisions du maire.

Deux associations stéphanoises sont également citées : Agap (Artistes de la galerie Art pluriel) et France-Lettonie Loire-Auvergne. Deux subventions municipales de 20 000 euros chacune attribuées à ces associations auraient servi à rétribuer Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme.

Les réactions indignées affluent. Gaël Perdriau, lui, dément « toute notion de chantage » (mais connaissait l’existence de ce film). Et Samy Kéfi-Jérôme est suspendu de ses fonctions à la Région.

Gilles Artigues, lui, réagit deux jours plus tard sur les réseaux sociaux, assurant que « cette machination a pourri ma vie. Cette vie si belle et que j’ai plusieurs fois songé à quitter ».

Afin d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts, l’enquête est dépaysée de Saint-Etienne à Lyon, menée par la Police judiciaire. Ouverte pour « atteinte à l’intimité de la vie privée », « chantage aggravé », « soustraction de bien public par une personne chargée d’une fonction publique », « abus de confiance et recels de ces infractions », elle sera élargie plus tard à « association de malfaiteurs ».

6 et 12 septembre 2022 : nouvelles révélations

Alors que la Police judiciaire de Lyon a perquisitionné, le 5 septembre, les domiciles des protagonistes et les bureaux de la mairie de Saint-Etienne, de Saint-Etienne Métropole, du Conseil régional et les locaux de l’association Artistes de la galerie Art pluriel, Mediapart diffuse le lendemain des enregistrements de conversations entre Gilles Rossary-Lenglet (auteur de ces enregistrements), Pierre Gauttieri et Gaël Perdriau. Ce dernier y assène : « Une fois que les choses sont sur la table, il (Gilles Artigues, NDLR) est mort. »

Le média en ligne remet ça six jours plus tard, avec une nouvelle série d’enregistrements. Réalisés par Gilles Artigues à l’insu de ses interlocuteurs, Gaël Perdriau et Pierre Gauttieri, ils remonteraient à 2017 et 2018. Une voix, qui serait celle de Gaël Perdriau, menace de diffuser la vidéo « par petits cercles » et « avec parcimonie ». Et celle de Pierre Gauttieri ajoute que, si la vidéo venait à être publique, « vos enfants ne s’en remettront pas », assumant être « sans foi, ni loi » et se comporter « comme un criminel ».

13 septembre 2022 : les protagonistes en garde à vue

Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, Samy Kéfi-Jérôme, Gilles Rossary-Lenglet, ainsi que Mme Vocanson, directrice de cabinet adjointe, sont convoqués dans les locaux de la PJ de Lyon et placés en garde à vue. Ils sont libérés en fin de journée.

20 septembre 2022 : Pierre Gauttieri licencié

Gaël Perdriau licencie Pierre Gautieri, son directeur de cabinet à la Ville et à la Métropole, pour « perte de confiance ». Celui-ci touchera une indemnité de 34 000 euros (de la Ville et de la Métropole).

Soutien du maire dès le début de l’affaire, Pierre Gauttieri se retournera contre lui plusieurs mois plus tard. En janvier 2024, il affirme même aux juges que « c’est bien Gaël Perdriau qui a décidé de faire le kompromat ». Gaël Perdriau, lui, continue de contester.

8 décembre 2022 : Gaël Perdriau se met en retrait de la Métropole

L’affaire a rapidement des répercussions sur la vie politique locale. Les demandes de démission ne tardent pas, dès les premières révélations. De la part de l’opposition municipale d’abord, puis de neuf membres de la majorité, qui, le 9 septembre 2022, se désolidarisent du maire de Saint-Etienne, rejoignant les élus UDI, Lionel Boucher et Denis Chambre (décédé depuis), amis de Gilles Artigues. Ils sont ensuite rejoints par deux autres adjoints LR, Nicole Peycelon et Claude Liogier.

Neuf élus de la majorité, formant un groupe dissident au conseil municipal, finiront même par démissionner de leurs fonctions d’adjoints ou conseillers municipaux, en juin 2024.

Gaël Perdriau décide, le 20 septembre 2022, de déléguer les représentations municipales extérieures à ses adjoints. Il reste maire et continue de présider les conseils municipaux, qui virent souvent à la foire d’empoigne. Il compte pourtant toujours des soutiens au sein de son équipe, qui n’ont de cesse de le défendre, réclamant d’attendre les décisions de justice.

Il est tout aussi chahuté à la Métropole. Au point d’annoncer sa mise en retrait total, à la surprise générale, lors du conseil métropolitain du 8 décembre.

Mais l’affaire a des retentissements politiques au-delà de la Loire. Ainsi, Les Républicains, parti de Gaël Perdriau, l’excluent dès novembre 2022.

4 avril 2023 : les mises en examen

Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, Samy Kéfi-Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet sont mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, après avoir passé deux jours et deux nuits en garde à vue et des interrogatoires des juges d’instruction lyonnais. Les chefs d’accusation : chantage et soustraction pour Gaël Perdriau (également placé sous le statut de témoin assisté pour des faits de détournement de fonds publics). Les autres sont en plus mis en examen pour atteinte à la vie privée et pour détournement de fonds.

19 juin 2023 : Pierre Gauttieri en prison

Pierre Gauttieri est incarcéré à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas pour n’avoir pas payé dans les délais le premier versement de sa caution de 80 000 euros au total, fixée après sa mise en examen. Après avoir apporté des assurances à la Justice quant au paiement de sa caution, il est remis en liberté trois semaines plus tard.

1ᵉʳ octobre 2023 : un piège visant Michel Thiollière

Le nom de Michel Thiollière, maire de Saint-Etienne de 1994 à 2008, apparaît dans de nouvelles révélations de Mediapart. Des extraits de vidéo montrent un entretien entre Gilles Rossary-Lenglet et Pierre Gauttieri en 2015. Ils y évoquent un piège pour filmer Michel Thiollière en compagnie d’une prostituée mineure (qui ne sera jamais mis à exécution).

En cause selon Mediapart : les désaccords de Michel Thiollière avec Gaël Perdriau lors des élections départementales de 2015 et le fait que Pierre Gauttieri ait été écarté du cabinet de Michel Thiollière quand il était maire.

Michel Thiollière se constitue partie civile en janvier 2024.





Michel Thiollière, maire de Saint-Étienne de 1994 à 2008, est partie civile dans l’affaire. Photo archives Ilan Coupet

Michel Thiollière, maire de Saint-Étienne de 1994 à 2008, est partie civile dans l’affaire. Photo archives Ilan Coupet

Auparavant, le 30 novembre 2022, Mediapart avait révélé que l’ancien maire de Saint-Etienne n’était pas le seul à subir l’animosité de Gaël Perdriau et Pierre Gauttieri : Laurent Wauquiez, président (LR) de la Région, a lui aussi été l’objet de leurs conversations, par des propos calomnieux, Gaël Perdriau disant dans un enregistrement que Laurent Wauquiez s’adonne à des pratiques pédocriminelles. Ce dernier porte plainte pour diffamation dans la foulée.





Selon Mediapart, Laurent Wauquiez a été l'objet de propos calomnieux. Photo archives Michel Taffin

Selon Mediapart, Laurent Wauquiez a été l’objet de propos calomnieux. Photo archives Michel Taffin

Du 22 au 26 septembre 2025

Les dates du procès sont désormais fixées. Ils seront huit sur le banc des prévenus, au tribunal correctionnel de Lyon : Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, Samy Kéfi-Jérôme, Gilles Rossary-Lenglet, ainsi que quatre dirigeants des associations Agap et France-Lettonie.



Gaël Perdriau lors du dernier défilé du 14-Juillet. Photo Charly Jurine

Gaël Perdriau lors du dernier défilé du 14-Juillet. Photo Charly Jurine

Gaël Perdriau sera jugé pour chantage, soustraction et détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique.



Pierre Gauttieri, ancien directeur de cabinet de Gaël Perdriau. Photo archives Rémy Perrin

Pierre Gauttieri, ancien directeur de cabinet de Gaël Perdriau. Photo archives Rémy Perrin

Pierre Gauttieri devra répondre de chantage, utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, complicité de soustraction, détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique.



Samy Kefi-Jérôme, ancien adjoint à l'Education. Photo archives Rémy Perrin

Samy Kefi-Jérôme, ancien adjoint à l’Education. Photo archives Rémy Perrin

Samy Kéfi-Jérôme est poursuivi pour chantage, atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel, utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds.



Gilles Rossary-Lenglet, ancien compagnon de Samy Kéfi-Jérôme, a révélé l'affaire aux médias. Photo archives Philippe Vacher

Gilles Rossary-Lenglet, ancien compagnon de Samy Kéfi-Jérôme, a révélé l’affaire aux médias. Photo archives Philippe Vacher

Et il est reproché à Gilles Rossary-Lenglet des infractions de complicité de chantage, utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds.

Les quatre sont également accusés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Les quatre autres prévenus sont Robert Giacomel et son épouse Nicole Deville, dirigeants de l’association France-Lettonie, ainsi que Philippe Buil et son épouse Chantal Sabatier, à la tête de la galerie Art pluriel. Ils seront jugés pour abus de confiance.