« J’entends la frustration des parties civiles, de leurs enfants, celles des collègues aussi mais je n’ai pas de réponse. On ne peut pas faire mieux. On est au maximum. Mon client ne parle pas car il ne sait pas pourquoi il a agi ainsi. Il n’est pas dans l’introspection. Il n’a jamais parlé. C’est son mode de fonctionnement. Il a toujours été comme ça. Ce n’est pas du calcul. Il est vraiment ainsi. J’ai tout essayé. » Entre colère et dépit, ce mardi 16 septembre devant le tribunal correctionnel de Rennes, l’avocat pénaliste Nicolas Prigent plaide la cause de son client, Thierry Haloche. Ce Rennais de 64 ans est jugé pour voyeurisme, atteinte à l’intimité de la vie privée, agression sexuelle sur personne vulnérable par personne abusant de l’autorité de sa fonction pour des faits de mars 2014 à juin 2020.
À l’Ehpad des Roseraies, dans le quartier Saint-Hélier à Rennes, cet agent d’entretien est soupçonné d’avoir agressé sexuellement trois pensionnaires particulièrement vulnérables. Deux sont aujourd’hui décédées et la troisième n’a pas pu se déplacer. Une quatrième n’a pas pu être formellement identifiée. Une infirmière, collègue de l’agent d’entretien, est également partie civile. Thierry Haloche lui a photographié les fesses alors qu’elle était accroupie de dos en train de chercher un dentier dans une poubelle. L’Ehpad des Roseraies est également partie civile pour « préjudice d’image ».
Au fil des débats, ce père de trois grands enfants, aujourd’hui retraité, ne fournit aucune explication. Il garde la même position et reconnaît tous les faits, sauf sur une victime. « Sa dame de compagnie l’a trouvée avec son collant en bas des jambes, sa jupe baissée, son sexe apparent… », rappelle la présidente du tribunal. « Cette résidente, qui est la seule victime parfaitement lucide, explique avec constance que c’est vous. Pourquoi aurait-elle menti ? » « Je ne sais pas », oppose inlassablement Thierry Haloche. « Aucune idée. » « Je n’ai rien fait. »
« Poupée morte »
À la suite de cette révélation, la direction de l’établissement fait immédiatement un signalement au procureur. Une enquête est ouverte. Les personnels sont entendus. Une perquisition est menée. Dans son téléphone portable, les policiers retrouvent des photos et des vidéos effacées. Sur une vidéo d’une minute, Thierry Haloche demande à une personne âgée qui n’arrive visiblement plus à parler, de lui faire une fellation. Une de ses victimes dira aux enquêteurs qu’elle se sentait comme une « poupée morte. »
Aucune empathie
« Il est le loup dans la bergerie », tonne Vincent Varlet, le procureur. « Il peut réparer ce qu’il veut, quand il veut dans n’importe quelle chambre. Il profite de ce statut pour causer des dommages irréparables. Il y a une constante chez lui : c’est qu’il n’a aucune empathie pour ses victimes. Même son conseil a beaucoup de mal à lui faire accoucher de quelque chose. Devant le tribunal, il continue à dire « Je ne me rappelle pas ». Mais peut-être que s’il ne se rappelle pas, c’est parce qu’il y a eu de nombreuses victimes. Il a exercé 19 ans aux Roseraies. »
Thierry Haloche a été incarcéré préventivement 8 mois. Le procureur requiert 48 mois dont 30 assortis d’un sursis. « Une façon de ne pas le renvoyer en prison mais de lui mettre une peine d’un an aménageable avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. » Le tribunal reconnait coupable d’agressions sexuelles sur deux résidentes et atteinte à l’intimité de la vie privée sur une troisième. Il est condamné à 48 mois de prison dont 28 avec sursis. Il a interdiction d’exercer une activité au contact des personnes vulnérables.