Marine Le Pen photographié dimanche 14 septembre à Bordeaux (illustration)

CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Marine Le Pen photographié dimanche 14 septembre à Bordeaux (illustration)

POLITIQUE – C’est une victoire idéologique de la gauche. Alors que les débats s’articulent autour de la possibilité pour l’exécutif d’instaurer (ou non) une taxe Zucman dans le prochain budget dans l’objectif d’aboutir à un compromis avec les socialistes, la question de la taxation des plus hautes fortunes occupe une large partie du temps d’antenne. Sans surprise donc, le Rassemblement national a été invité à se positionner.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas la clarté qui domine. Tiraillé entre la volonté de ne pas froisser les élites économiques et le discours social longtemps promu par Marine Le Pen, le parti à la flamme ne sait pas sur quel pied danser. « Moins de riches, ça ne fait pas moins de pauvres. Ça, pour le coup, c’est le logiciel de la gauche », défendait sur franceinfo le 9 septembre la porte-parole du RN Laure Lavalette, hostile à l’instauration d’un impôt plancher pour les ménages affichant un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros.

Un diagnostic conforme à celui fait par Jordan Bardella quelques jours auparavant sur RMC : « Je pense qu’il n’y a pas d’argent magique et que les prévisions qui sont faites par monsieur Zucman, à savoir un prélèvement annuel de 15 milliards d’euros m’apparaissent très largement au-dessus de la réalité du pays ». Cette analyse qui tranche avec le logiciel anti-système du RN semble agacer Jean-Philippe Tanguy, très proche de Marine Le Pen et perçu en interne comme spécialiste des questions budgétaires.

« Il ne faut pas tomber dans un piège. Pourquoi changer des positions qui nous permettent d’atteindre 70 % chez les ouvriers pour ressembler à une droite qui y fait 1 % ? », s’interroge le député de la Somme, cité par L’Opinion. En réalité, le parti d’extrême droite a déjà eu l’occasion de se positionner. Au mois de février, lorsqu’une proposition de loi des écologistes reprenant le mécanisme promu par Gabriel Zucman était étudiée (puis adoptée) à l’Assemblée, le RN s’était largement abstenu.

Sauf que six mois plus tard, impossible pour le parti lepéniste d’esquiver la question. Marine Le Pen et ses proches ont alors trouvé une parade : affirmer cibler « l’argent qui dort », en instaurant « un impôt sur la fortune financière », tout en restant flou sur l’assiette fiscale et le montant des recettes recherchées. Car, pour Marine Le Pen, le problème de la taxe Zucman est qu’elle toucherait « les biens professionnels ». Or, cela revient à vider le dispositif de sa substance, et à rejoindre la position de la Macronie sur le sujet.

« Sur la même longueur d’onde que Macron »

Et c’est le concepteur du mécanisme lui-même qui le constate auprès du HuffPost. « La position de Marine Le Pen, et du Rassemblement national plus généralement, est la même que celle d’Emmanuel Macron », affirme Gabriel Zucman, qui rappelle que l’argument sur « les biens professionnels » est celui utilisé par le Premier ministre Sébastien Lecornu pour contester l’instauration de cet impôt plancher.

Quant à Jordan Bardella, qui évoque le risque d’un exil fiscal, « il rejoint Emmanuel Macron quand il répondait à Sophie Binet sur le sujet au mois de mai à la télévision », note encore l’économiste. Une convergence de point de vue qui rappelle en réalité l’essence du logiciel économique du RN qui reste, pour l’essentiel, d’inspiration libérale.

Ce que les débats budgétaires à l’Assemblée nationale n’ont fait que confirmer. « C’est quand même très frappant de voir que les macronistes et le RN sont exactement sur la même longueur d’onde. Et de fait, que s’est-il passé à l’Assemblée nationale en février, quand la proposition de loi a été adoptée ? Lorsque le député macroniste Matthieu Lefèvre avait introduit un amendement pour sortir les biens professionnels de l’assiette fiscale, le RN s’était joint au bloc central et au socle commun pour voter cet amendement qui vidait le dispositif de sa substance », se souvient Gabriel Zucman.

Ce faisant, on comprend facilement pourquoi le RN, qui se perçoit comme le premier opposant au macronisme, ne tient pas à marteler trop fort son opposition au dispositif, qui plus est en utilisant les arguments économiques brandis par le chef de l’État et ses soutiens. D’autant que l’instauration d’un tel mécanisme est plébiscitée par l’opinion. Selon un sondage Ifop, 74 % des Français se disent favorables à la création d’une contribution de solidarité pour les plus hauts revenus. Une hypothèse qui, selon cette même étude, séduit 69 % des électeurs du RN.