Ce devait être le voyage d’une vie. Annabelle, son mari et leurs deux fillettes s’y voyaient déjà : les immenses étendues arctiques traversées en traîneaux tirés par des huskies, le Père Noël, le soleil de minuit, les aurores boréales… Le tout au prix imbattable de 3 500 euros négocié par la société Nounous Privilèges.
Du nord de la Scandinavie, Anna n’a finalement jamais rien vu, pas plus que les deux familles d’amis avec lesquelles l’infirmière marseillaise devait partager un grand chalet dans les environs de Rovaniemi. « Le voyage a été annulé moins d’une semaine avant le départ. Autour de moi à ce moment-là, je me suis rendu compte que tout le monde avait un problème de remboursement, d’annulation ou de numéro de réservation de séjour ». Les uns alors qu’ils devaient se rendre à Disneyland à moitié prix, les autres quelques jours avant leur séjour 4 étoiles dans un camping Capfun à – 40%.
L’affaire ressemble fort à celle de l’association « Grand Cœur », dont la présidente annulait les voyages à la dernière minute, sous d’émouvants et néanmoins fallacieux motifs, laissant des dizaines de familles le bec dans l’eau et plumées, alors qu’elles avaient bien souvent déjà bouclé leurs bagages. Reconnue coupable d’avoir mis sur pied de faux voyages organisés, réglés mais jamais honorés, au détriment de quelque 34 parties civiles, Fatima A. avait été condamnée à 2 ans de prison avec sursis en juin dernier.
« Je ne lâcherai rien »
Mais cette fois-ci, ce sont plusieurs centaines de familles qui auraient été escroquées. Un « tsunami » de plaintes (environ 300 avant l’été 2025) a déferlé sur les gendarmeries de Carry-le-Rouet et d’Istres. Regroupées dans un groupe WhatsApp, des victimes pleurent toujours des milliers d’euros envolés, se réfugient dans le déni, encore persuadées que leur voyage, réservé un an à l’avance, aura bien lieu ou sont engluées dans les démarches administratives en dépit de la lettre plainte type éditée par la gendarmerie d’Istres.
Anna, elle, a fait « son deuil pour ne pas devenir folle », mais pour avoir vu ses deux petites filles pleurer en comprenant qu’elles ne verraient pas le Père Noël en Laponie, promet : « Je ne lâcherai rien ».
Avec d’autres victimes, elle s’est adjoint les services d’un avocat. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Me Nicolas Berthier qui était déjà aux côtés des parties civiles dans le procès « Grand cœur ».
AVC, déménagement, fausse disparition
Depuis ce mois de décembre 2024 où la famille d’Anna a découvert avec stupeur que les fêtes de fin d’année n’auraient pas lieu en Laponie, l’infirmière a remonté le fil de l’incroyable arnaque : « Au départ, il s’agissait d’un « comité d’avantages » créé en 2019 par Élodie C. et Coralie M., deux assistantes maternelles résidant à Carry-le-Rouet, qui proposait des séjours à prix très attractifs réservés à la profession ». Puis, de Nounous Privilèges, la société devient NPFP (Nounous & Family Privilèges), diversifie sa gamme de voyages en même temps qu’elle s’ouvre à toutes les catégories professionnelles. « Des centaines de personnes dans la France entière ont perdu de l’argent et ont eu droit au même cinéma que moi, un soi-disant AVC, un déménagement, une fausse disparition. Au final, le site a fermé, on nous a annoncé que tout le monde allait être remboursé, ce qui n’a bien sûr jamais été le cas ».
Selon Me Berthier qui défend déjà une soixantaine de victimes présumées de Nounous Privilèges, le préjudice financier avoisinerait 1,5 million d’euros.
Jeudi 18 septembre, un reportage de 36 min sur cette affaire sera diffusé dans l’émission « Arnaques », présentée par Julien Courbet.