Il avait fondé, en 2002, l’association des amis de l’école publique des Trois-Quartiers. « L’idée part de la faire classer aux Monuments historiques « , explique Bernard Panza, ancien élève de l’établissement dans les années 1960, aujourd’hui professeur retraité d’histoire-géo, qui a terminé au lycée hôtelier de Toulon en BTS Tourisme.

L’homme parviendra rapidement à ses fins, grâce notamment au travail précieux d’une de ses étudiantes.

Après avoir quitté l’association en 2011, Bernard Panza en a repris les rênes en février dernier, avec de solides soutiens, plein de jeunes… et des projets à revendre pour continuer de veiller sur ce petit bijou du patrimoine toulonnais.

L’occasion de revenir sur l’histoire de cette école remarquable construite en 1905 et restée parfaitement fidèle à ses origines à travers le temps.

Les années 1900, période dorée pour les écoles

Peu après le vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État, en 1905, la IIIe République accorde une grande importance à la construction des écoles publiques. En 1894, seuls quatre groupes scolaires existent dans la périphérie toulonnaise.

La construction de l’école des Trois-Quartiers, dans le quartier de la Loubière, est dans les tuyaux, mais en attente de crédits. Au début du XXe siècle, plusieurs pétitions sont adressées à la municipalité afin qu’elle donne enfin suite au projet.

En 1904, il fait ainsi partie de la douzaine d’établissements programmés par le maire socialiste de l’époque, Marius Escartefigue, pour pallier la carence d’écoles publiques suite à la laïcisation de l’instruction, « pour les enfants de la classe ouvrière qui sont entassés dans des locaux innommables et malsains « , dit la délibération.

L’œuvre de Charles Maurel

La première pierre est posée le 22 octobre 1905, en présence de 2000 personnes. « L’instruction laïque doit être répandue à profusion et les Toulonnais verront avant 1906s’élever ces temples de l’éducation, où l’instruction constitue la force, et l’ignorance la faiblesse des citoyens « , déclame Marius Escartefigue à cette occasion.

C’est Charles Maurel, conducteur des travaux public de la ville de Toulon (et qui a déjà conçu, en 1889, une autre école publique remarquable, en l’occurrence Anatole-France, à Hyères), qui en est l’architecte. Le groupe scolaire sera inauguré le 19 avril 1908, mais est déjà en service depuis un an.

Comme un temple antique

L’école des Trois-Quartiers, ainsi nommée car elle accueille les enfants des quartiers de la Loubière, mais également ceux de Siblas et Sainte-Catherine (ex-Vert Coteau), est construite à l’image d’un temple antique.

Témoignage architectural d’une volonté politique de donner à la jeunesse un cadre prestigieux d’accès à l’instruction, et d’un féroce désir de rupture avec l’influence de l’Église catholique: les écoles doivent être aussi majestueuses et imposantes que les lieux de culte.

Incroyable variété de décors

L’édifice imposant, dans un quartier populaire encore peu urbanisé, présente un plan en U autour d’une vaste cour ombragée de platanes.

Les trois ailes abritant les douze salles de classe s’articulent sur deux pavillons d’angle destinés, au premier étage, au logement des maîtres.

Deux entrées principales sont programmées: pour les filles à l’ouest, et pour les garçons à l’est.


L’entrée des filles, à l’angle des façades ouest et sud. Celle des garçons se situait à l’opposé. Photo DR.

La façade sud présente un portique de 32 arcades, flanqué de deux avant-corps décorés à l’antique, avec colonnes ioniques et fronton sculpté.

Les ailes marient quant à elles la pierre de taille blanche et la brique rouge, et de grandes baies vitrées laissent pénétrer largement la lumière dans les classes. Faïences, ferronneries, poutrelles en métal… complètent une variété de décors extraordinaire.

Utilisé comme hôpital pendant la guerre

Pendant la Première Guerre mondiale, l’école devient l’hôpital auxiliaire de la Loubière, spécialisé dans le traitement des paludéens entre 1915 et 1918.

Durant le second conflit mondial, elle est également occupée par les troupes allemandes en 1943 et 1944, et sert de dépôt de matériel d’intendance.

En dehors de ces périodes, l’école a toujours été en activité. Et a subi relativement peu de modifications, si ce n’est la suppression en 1969 du mur de séparation entre filles et garçons dans la cour, et la construction d’un petit bâtiment abritant les toilettes au milieu de celle-ci.

Classement aux Monuments historiques

Grâce à la détermination de l’association des amis de l’école publique qui s’est constituée en 2002, l’établissement obtient son inscription à l’inventaire des Monuments historiques en 2007.

Ce qui le protège, par exemple, de toute modification de structure. L’école sera évidemment ouverte ce week-end au public, où des visites commentées seront proposées. L’association de retour aux affaires

Après deux ans de mise en sommeil, bien que gérée par le Comité d’intérêt local des Trois-Quartiers, l’association des amis de l’école reprend donc des couleurs, sous l’influence de son président-fondateur Bernard Panza.

Qui a fait appel, pour l’entourer, à Philippe Maurel, l’arrière-petit-fils de Charles, l’architecte de l’édifice, « et plusieurs de mes anciens étudiants de BTS Tourisme, d’excellents jeunes. Je ne veux pas d’une association de cheveux blancs « .

S’ils ont accepté la mission, c’est d’abord que la mairie a un projet de rénovation pour cet établissement classé, « qui en a bien besoin « , et qu’ils souhaitent y être associés. Mais la nouvelle équipe a d’autres idées en tête.

Comme, entre autres, « élargir le champ de l’association au patrimoine scolaire. Il y a d’autres écoles qui ont un intérêt architectural: le collège de Saint-Jean-du-Var, Rivière Neuve, Pont-Neuf Escaillon, la maternelle du Pont-du-Las, Siblas… On pourrait faire un circuit sur le sujet, jusqu’à Hyères. Il faut protéger, mais aussi transmettre! «