Un univers futuriste avec Cécile de France, un face-à-face glaçant sans prince charmant avec Marion Cotillard, un jeune homme qui affronte son cancer avec Théodore Pellerin… La sélection cinéma du Figaro.

Dalloway – À voir

Drame de Yann Gozlan – 1h50

Le nouveau film de Yann Gozlan plonge Cécile de France dans un futur où les artistes sont assistés par l’IA. Le spectateur pénètre dans Dalloway comme on s’immerge dans un bain amniotique. L’univers futuriste que le réalisateur Yann Gozlan installe, où les drones survolent tranquillement Paris, a tout d’une jungle ultra-technologique faite pour hypnotiser les habitants afin de les garder sous contrôle.


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Romancière pour ados Clarissa Katsef (Cécile de France), traverse une crise existentielle. Son fils Lucas est mort. Son ex-mari Antoine (Frédéric Pierrot) a quitté Paris pour s’installer à la campagne avec sa maîtresse. Clarissa fait du surplace. Heureusement, elle intègre bientôt une résidence pour artistes ultra-connectée, financée par le nébuleux consortium CASA.

Au fil des jours, Dalloway s’insinue insidieusement dans la tête de Clarissa, tour à tour charmeuse, impérieuse voire oppressante. Ce comportement subtilement intrusif pousse Cécile de France à se replonger dans ses traumas. L’inspiration revient. Baignée dans ce flux quasi fœtal, Clarissa écrit mais se sent de plus en plus surveillée par cette ChatGPT ultra-évoluée.

Dalloway adapte avec vraisemblance et efficacité le roman d’anticipation de Tatiana de Rosnay Les Fleurs de l’ombre (2020). Ici, le cinéaste s’attaque à une thématique en vogue : la place de l’IA dans notre quotidien. Cécile de France est magistrale en écrivain meurtrie mais suspicieuse. O.D.

La note du Figaro : 3/4

L’Intérêt d’Adam – À voir

Drame de Laura Wandel – 1h18


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Ce premier long-métrage de Laura Wandel met une infirmière face à une mère surprotectrice mais dont l’enfant souffre de malnutrition.

Une mère isolée refuse de quitter son fils de 4 ans qui est en carence alimentaire. Diagnostic : une fracture du bras. Il faut absolument qu’Adam reprenne du poids. Ça n’est pas gagné. Dès que les soignantes ont le dos tourné, Rebecca (Anamaria Vartolomei) jette à la poubelle le plateau-repas du gamin. Elle semble aux abois, fébrile d’abandon, tremblante d’amour incontrôlé. Un homme s’offusque que son fils soit examiné par une dame. Une adolescente musulmane vient de subir un curetage. On dira à la famille qu’elle a été opérée de l’appendicite. Les couloirs se transforment en gymkhana incessant. Caméra au poing, Laura Wandel, dont on avait apprécié Un monde qui se déroulait dans une école, filme à hauteur d’enfant, plonge avec un côté documentaire dans cet univers de frénésie, de détresse, de système D et d’efficacité. É.N.

La note du Figaro : 3/4

Nino – À voir

Drame de Pauline Loquès – 1h36

Pour son premier long-métrage, Pauline Loquès met en scène un jeune homme qui fait face à l’annonce d’un cancer. Rude journée pour Nino. Il a perdu ses clés. En plus, le médecin lui annonce qu’il a un cancer de la gorge (prononcer papillomavirus). Nino (Théodore Pellerin) encaisse le coup. Il ne s’attendait pas à ça. Lui, il était seulement venu à l’hôpital pour avoir ses résultats dont il a besoin pour obtenir un arrêt de travail. La nouvelle le frappe de stupeur muette. Une fraction de seconde, et c’est fini. L’univers bascule.


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Ce premier long-métrage manifeste une pudeur rare. Le sujet méritait une telle délicatesse. Pauline Loquès peint cet entre-deux sans se munir de Kleenex. Elle préfère les petits faits vrais, le quotidien qui avance malgré tout. Elle a surtout eu le nez de choisir Théodore Pellerin pour incarner Nino, qui irradie en sourdine dans son pull banal, avec ses airs penchés. Il est là, affichant une grâce de héron, comme s’il était en apesanteur, narguant en silence une épée de Damoclès.

La note du Figaro : 3/4

La Tour de glace – À voir

Drame Lucile Hadzihalilovic – 1h58

Ours d’argent à la 75e Berlinale, le quatrième long-métrage de Lucile Hadzihalilovic orchestre un face-à-face envoûtant et glaçant sans le moindre prince charmant.

Les flocons volent dans la nuit, saisis à travers le prisme d’un kaléidoscope. Une musique rêveuse et hypnotique accompagne cette étrange entrée en matière. Les premières images de La Tour de glace  donnent le ton. Dans un orphelinat niché à flanc de montagne, une adolescente à la voix fluette lit un extrait de La Reine des neiges  à une gamine sur le point de s’endormir. Dehors, une tempête de neige fait rage. La jeune fille (Clara Pacini, nouvelle venue à la grâce déjà présente) décide de fuir cet endroit lugubre. La fugueuse ne tarde pas à trouver le chemin de la ville et finit par se réfugier dans les sous-sols d’un théâtre. Au petit matin, en jouant les petites souris, Jeanne tombe en arrêt devant Marion Cotillard, aussi impérieuse qu’impériale. Une relation ambiguë se noue au fil des jours entre la jeune fugueuse tombée sous le charme de son Pygmalion, qu’elle idéalise en figure maternelle.

La réalisatrice Lucile Hadzihalilovic signe un cinéma élégant et sensoriel. Elle crée une atmosphère onirique, inquiétante et floconneuse. Bien équilibrée entre le merveilleux et la fantasmagorie. Scène après scène, la cinéaste bâtit un conte cruel fantastique et rétro, à mi-chemin entre Frozen  de Disney et Mulholland Drive de Lynch. Le film fonctionne comme une sorte d’allégorie. O.D.

La note du Figaro : 3/4

Left Handed Girl – À voir

Drame de Shih-Ching Tsou – 1h48

Left-Handed Girl, est le premier film en solo de l’Américano-Taïwanaise Shih-Ching Tsou. L’histoire d’une mère célibataire, endettée après les funérailles de son ex-mari, de retour à Taipei, avec ses deux filles, qui tient une cantine sur un marché nocturne. Un film de survie plus pop que misérabiliste, au dénouement bouleversant.

Le nom de Sean Baker apparaît trois fois au générique de Left-Handed Girl, comme producteur, coscénariste et monteur. Le montage de Baker ajoute une fluidité et une vivacité à cette chronique familiale et féministe – les femmes ont les premiers rôles, les hommes le mauvais, à l’exception de Johnny, vendeur d’éponges et de brosses sur le marché. Le rythme ralentit dans un dernier acte poignant. Un banquet qui met sur la table les secrets des personnages. É. S.

La note du Figaro : 3/4

L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme – À voir 

Comédie Pierre Richard – 1h28

La cocasserie rêveuse du Distrait s’imprime à chaque plan dans L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme. Une marque de fabrique discrète dont il ne tire nulle gloire. Avec la décontraction maîtrisée d’un comédien qui en a vu d’autres, le nonagénaire, aussi gaillard qu’un perdreau de l’année, réalise une comédie solaire, tendre et loufoque qui lui ressemble totalement.

L’intrigue de L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme met en scène Grégoire, un vieux loustic anticonformiste qui vit seul, retiré dans une cabane de pêcheur non loin des salins du Narbonnais. Ce drôle de pensionné entretient des liens d’affection sincères avec les villageois qui vivent près de chez lui. Du garagiste ancien voleur de voitures jusqu’au boucher fanatique de Johnny Hallyday, en passant par Nanosh (incarné par Gustave Kervern), chacun cultive une folie douce qui contribue à l’atmosphère délicieusement espiègle du long-métrage.

Avec bonheur et naturel, Pierre Richard réactive son mythique personnage de maladroit charmeur. Il a vieilli bien sûr, mais il est toujours aussi pertinent en 2025. Surtout, dix-huit ans après Droit dans le mur (1997), en reprenant sa casquette de metteur en scène, l’acteur de La Chèvre, des Compères ou des Fugitifs a instinctivement compris qu’il lui fallait composer avec un autre comédien pour que l’alchimie fonctionne. Le tandem qu’il forge avec Timi-Joy Marbot fournit le cœur battant de cette comédie chorale en forme de jolie chronique de village. O.D.

La note du Figaro : 3/4

Oui – On peut voir

Drame Nadav Lapid – 2h30

Nadav Lapid, cinéaste israélien installé à Paris, a commencé le tournage de Oui un an jour pour après le 7 octobre 2023. À Tel-Aviv, Y. (Ariel Bronz) se promène à vélo le long de la mer avec son fils de 6 ans. « Résigne-toi, mon fils, le plus tôt possible. La soumission, c’est le bonheur », enseigne le musicien à son rejeton. Y. est un clown pathétique, entre haine de soi et dégoût des autres.

On croise des militaires, des financiers, un magnat de la tech, des chœurs d’enfants qui chantent la gloire d’Israël et l’anéantissement de Gaza. Sur des yachts ou sur la terre ferme, on s’enivre au champagne, on sniffe de la cocaïne dans la raie des fesses, on mange des morceaux de steak sous les tables, on se lèche les bottes, littéralement.

Les thuriféraires de Lapid ont crié au scandale, Ouin-Ouin au soutien de Oui. Amos Gitaï et Ari Folman perdus de vue, Lapid, conscience nécessaire mais piètre cinéaste, est l’une des rares voix dissonantes dans le paysage artistique israélien. Elle fait du bruit mais elle porte peu, confinant son cinéma pamphlétaire à un public confidentiel. É. S.

La note du Figaro : 2/4