Jerry Greenfield estime que la marque qu’il a fondée en 1978 avec Ben Cohen, rachetée par Unilever en 2000, n’a plus «la liberté de rester fidèle à ses valeurs», par «peur de contrarier ceux qui détiennent le pouvoir».

Ben & Jerry’s devra faire sans Jerry. Cofondateur en 1978 de la célèbre marque américaine de glaces, Jerry Greenfield démissionne après 47 ans de bons et loyaux services. «C’est l’une des décisions les plus difficiles et douloureuses de ma vie», a-t-il annoncé dans un communiqué relayé mercredi sur X par Ben Cohen, l’autre cofondateur de l’entreprise, rachetée en 2000 par le géant de l’alimentation et de l’hygiène Unilever.

Jerry Greenfield explique que c’est justement en raison de sa relation avec la maison mère qu’il part, «le cœur lourd». Depuis le 1er juillet, les marques de crèmes glacées d’Unilever (Ben & Jerry’s, mais aussi Magnum, Carte d’Or, Cornetto) ont une existence autonome sous l’appellation The Magnum Ice Cream Company (TMIC), qui doit entrer en Bourse mi-novembre. Unilever conserve 20% du capital de TMIC, qui seront cédés dans les cinq prochaines années.


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Les deux cofondateurs de Ben & Jerry’s avaient affiché ces dernières semaines des velléités d’émancipation, appelant la nouvelle société à céder la marque avant l’introduction en Bourse. Le directeur général de l’entreprise, David Stever, avait été débarqué par Unilever en mars. Il estime avoir payé ses prises de position en faveur de Gaza et contre Donald Trump.

«Peur de contrarier ceux qui détiennent le pouvoir»

Selon Jerry Greenfield, «l’indépendance» qu’avait négociée la marque au moment du rachat par Unilever, garante de la «mission sociale» et des «valeurs» de Ben & Jerry’s, n’existe plus. «Pendant plus de vingt ans sous leur direction, Ben & Jerry’s a pris position et s’est exprimé en faveur de la paix, de la justice et des droits humains. […] Il est profondément décevant de constater que cette indépendance […] a disparu», explique le dirigeant américain de 74 ans.

Les «valeurs» chères à Jerry Greenfield sont la «justice», «l’équité», «l’amour» ou encore «l’humanité». Les défendre «n’a jamais été aussi important» alors que «l’administration en place dans notre pays s’attaque aux droits civils, aux droits de vote, aux droits des immigrants, des femmes et de la communauté LGBTQ», poursuit-il. Et d’asséner : «Ben & Jerry’s a été réduit au silence, écarté par peur de contrarier ceux qui détiennent le pouvoir ».

Ben Cohen expulsé du Congrès en mai dernier

Les cofondateurs de Ben & Jerry’s sont connus pour leurs activités militantes et philanthropiques. En mai dernier, Ben Cohen avait été expulsé d’une audition parlementaire au Congrès après avoir accusé les États-Unis de «financer des bombes pour tuer des enfants à Gaza». «La majorité des Américains détestent ce qu’il se passe, ce que fait notre pays avec notre argent et en notre nom», avait-il expliqué dans la foulée à l’AFP. «Cautionner et être complice du massacre de dizaines de milliers de personnes nous touche au plus profond de nous-mêmes en tant qu’êtres humains et pour ce que représente notre pays», avait-il dit.

Jerry Greenfield affirme que Ben & Jerry’s a toujours été «bien plus qu’une marque de glaces», «un moyen de répandre l’amour». «En arrivant à la conclusion que cela n’est plus possible chez Ben & Jerry’s, je comprends que je ne peux plus rester dans l’entreprise», conclut-il.


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Contactée par Le Figaro, The Magnum Ice Company affirme ne pas «partager» la «vision» de Jerry Greenfield. «Nous avons cherché à engager les deux cofondateurs dans un dialogue constructif afin de renforcer la position forte de Ben & Jerry’s fondée sur les valeurs», nous assure-t-on. Le groupe sera toutefois «toujours reconnaissant envers Jerry pour son rôle dans la cofondation d’une entreprise de glace aussi extraordinaire», et affirme vouloir rester «concentré sur l’héritage de paix, d’amour et de glace de cette marque emblématique et appréciée».