Et s’il s’avérait plus impactant que le 10 septembre ? Possible que des actions liées au seul mouvement « Bloquons tout », indépendamment de tout aiguillage syndical, aient à nouveau lieu ce jeudi 18 septembre à l’occasion de l’appel intersyndical à faire grève et manifester dans la Loire comme ailleurs. Il y a une semaine, une intersyndicale déjà, mais moins complète, s’était greffée en position « d’associé » mais assurant, l’après-midi, le succès de la journée quant au nombre de personnes mobilisées. Davantage demain ?        

Arrivée du cortège intersyndical place Hôtel-de-ville à Saint-Etienne le 18 septembre. ©If Saint-Etienne / Julie Tadduni

« Contrairement à la période Gilets jaunes, nous n’avons pas senti d’hostilité à l’égard des syndicats, au contraire », note Mireille Carrot, secrétaire générale UD CGT Loire à propos du 10 septembre. Plutôt cohérent avec les remontées de ce syndicat et d’autres à l’échelle de la Loire pendant et à l’issue du long feuilleton social des retraites faisant état de vagues d’adhésion historiques. 2023 et sa cohérence intersyndicale intacte, quasiment de bout en bout, leur a-t-elle effectivement fermement redonné la main ? Il y a une semaine, le 10 septembre, si plusieurs centaines de personnes étaient présentes tôt le matin à Saint-Etienne (ainsi que dans le Forez et à Roanne) pour des actions de blocage ou autres, indépendamment d’eux et se réclamant du mouvement « Bloquons tout », c’est l’après-midi qui a vu une masse significative de gens défiler dans les rues à l’appel des syndicats.

A Saint-Etienne, ils étaient 6 500 selon la CGT, CNT, Solidaires Loire, FSU, FO, composantes de l’intersyndicale s’étant associée au mouvement pour exprimer leur refus les projections budgétaires d’austérité du feu gouvernement Bayrou, arguant que les solutions de réduction de déficit sont ailleurs. Plutôt du côté recettes que des restrictions. Plutôt du côté de toutes ces grandes entreprises qui, selon eux, profitent d’accommodements fiscaux injustifiés, sinon d’évasion fiscale d’une manière ou d’une autre, de ces très hauts salaires déconnectés de leurs impacts réels quant à la bonne marche d’une entreprise. Et au-dessus d’eux encore, du côté des grandes fortunes dont le volume a progressé ces dernières années. Bref, plutôt du côté du partage de ces richesses produites et captées non en récession. De quoi faire persister ce dialogue de sourds avec le bloc qui fait face, arguant, lui, de la gabegie portée plus d’une dépense publique et, surtout, de l’impact mortifère sur l’économie hexagonale qu’auraient de nouvelles (ou… le retour) de ponctions fiscales dans un contexte de prédation mondialisée.

« C’est le Sénat qui le dit ! »

Au milieu, dans le brouillard, il y a ces PME et TPE faisant le tissu industriel de la Loire qui – schématiquement – sont sous-traitants de ces mêmes grandes entreprises. Évoluant sur une autre planète que celle des grands comtes et comptes du Cac 40, un de ces « propriétaires dirigeants » de PME métallurgique stéphanoises de pointe – 15 salariés – nous faisait part au début du mois de l’apport essentiel du crédit impôts recherche pour la bonne tenue de son entreprise et donc le maintien de ses emplois. Les syndicats, eux, font leur compte : « Ce qui creuse la dette, ce sont aussi les baisses d’impôts pour les riches et les 211 Md€ d’aides publiques (cumulées sous différentes formes, Ndlr) captées par les plus grandes entreprises ! », clame le tract de l’intersyndicale Loire pour le mouvement prévu pour ce jeudi 18 septembre en réaction aux « mesures budgétaires anti-sociales » : « Ce n’est pas nous, c’est le Sénat qui le dit ! ». Intersyndicale cette fois complète, comme au temps des retraites, quand les arguments et propositions chiffrées pour « trouver cet argent qui est en fait déjà là » étaient les mêmes ou presque : CFDT, CGT, FO, FSU, Solidaires Loire, UNSA, CFE CGC, CFTC et CNT.  

Une pointe de réjouissance au milieu de la foule d’inquiétudes, pour leurs représentants au moment de présenter à la presse les revendications communes à ce mouvement rappelant qu’ils étaient sur le pont au sujet de l’austérité budgétaire dès mi-avril. Avant que les pistes de budget présentées le 15 juillet par le premier Ministre ne soient « immédiatement et unanimement condamnées par nos organisations. En effet, les différentes mesures budgétaires avancées sont d’une brutalité sans précédent. Le Gouvernement a choisi encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraités, les malades. » Dénoncés en vrac : « La suppression de deux jours fériés, des coupes dans les services publics, la remise en cause du droit du travail, une énième réforme de l’assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuels, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5e semaine de congés payés… »

« Supprimer deux jours de congés, c’est une forme de… taxe »

Et donc, aussi, ces 211 Md€ publics aux entreprises. « Ce qui choque le plus vis-à-à de ça, c’est le blanc-seing, le manque réel de suivi, de contrôle, sur les contreparties que ces aides auraient dû donner au niveau de l’emploi et des salaires », synthétise Romain Allard pour la FSU Loire, syndicat enseignant dont il est secrétaire général. Aux côtés de l’UNSA, il souligne la déchéance de reconnaissance et la démotivation toujours plus profonde au sein de la fonction publique menacée d’année blanche, plus précisément, de son côté, au sein du corps enseignant : « 3,5 fois le smic de salaire moyen dans les années 80, 2,3 de nos jours… Pour la première fois aussi, ces derniers mois, il y a massivement des gens qui songent à en démissionner – deux tiers des interrogés y ont pensé – parce que les contraintes du métier sont trop dissociées de sa reconnaissance oui. Mais aussi parce que les gens estiment que le service public rendu à la population s’est trop dégradé. Les recrutements précaires progressent toujours plus. 73 % des collèges et lycées de la Loire ont une équipe pédagogique incomplète en cette rentrée. »

Si on veut la paix sociale, on doit écouter les syndicats.

Mireille Carrot (UD CGT)

Le pouvoir d’achat des Français a reculé de 4 % entre 2021 et 2024 tandis que les grandes fortunes progressaient, assurent les syndicats pour revenir au contexte général. Jacques Rodriguez pour la CFDT souligne des NAO dans les entreprises plombées : « L’augmentation du Smic est obligatoire mais les salaires au-dessus stationnent, se rapprochant donc du minimum générant des tensions sociales dans les entreprises. » La CFE CGC adhère aux propos des autres syndicats tout en s’inquiétant d’une gouvernance étatique technocrate qui ne sait répondre, décennies après décennies, que par le jeu des taxes tandis que l’évidence est là, devant les yeux : « Les sièges sociaux de nombre de nos grandes entreprises nationales sont implantés ailleurs qu’en France pour échapper à l’impôt ! Mais plutôt que de s’occuper de ça, on imagine deux jours de travail supplémentaires non rémunérés pour les salariés. Ce qui, donc, est une autre forme de taxe », observe Patrice Chavot, président de son union départementale.

« Si on veut la paix sociale, on doit écouter les syndicats », conclut Mireille Carrot. Bref, bis repetita avec 2023 et cette convergence revendicative très qui se re-exprimera demain. Voici les deux cortèges annoncés, sans même parler des grèves et nombreux mouvements connexes aussi bien dans le public que dans le privé à attendre de ce 18 septembre :

-A Saint-Etienne : 10 h, manifestation au départ de la Bourse du Travail en direction de la Préfecture.

-A Roanne : 10 h 30, manifestation au départ du Centre des Impôts en direction de la Sécu.