Une semaine après l’élimination prématurée de l’équipe de France en 1/8e de finale, la déception est-elle digérée ? 

Il n’y a pas de digestion à avoir. On savait que ce serait difficile parce qu’on est sur une reconstruction totale : nouveau staff, beaucoup de nouveaux joueurs. Je ne me cache pas derrière mais force est de constater qu’on n’a pas eu de chance car on a accumulé les blessures. Ça n’a pas simplifié les choses pour préparer le groupe dans une certaine sérénité. Tout le monde se cherchait un peu, staff et joueurs.

En revanche, tout le monde me disait ces derniers jours à Riga (entretien réalisé samedi 13 septembre, ndlr) qu’il valait mieux nous jouer cette année que dans deux ou trois ans. Les spécialistes ici me disent qu’on a un potentiel extraordinaire, avec des joueurs en devenir. On voit dans le dernier carré de l’EuroBasket que ce sont des équipes expérimentées, qui sont ensemble depuis plusieurs années. Il faut l’accepter, même si on espère toujours aller le plus loin possible.

Considérez-vous cet EuroBasket comme un échec ? 

Non, je ne le considère pas comme un échec. Une déception, oui, mais pas un échec. Cet EuroBasket était quand même important pour nous mais il faut désormais travailler en vue des prochaines fenêtres internationales. Il ne faudra pas louper ces matchs-là car la qualification pour la Coupe du Monde va être très complexe, d’autant plus qu’il n’y a pas d’accord pour le moment sur la libération des joueurs EuroLeague pour février. Quand je regarde notre poule, il y a des équipes comme la Belgique qui vont quasiment venir avec leur roster de l’Euro.

« L’objectif de cette équipe et de ce staff,
c’est Los Angeles 2028″

Cette semaine a-t-elle permis de tirer les raisons objectives de l’élimination ? 

Je n’ai pas revu ni le staff, ni les dirigeants depuis. J’ai quand même parlé un peu avec le directeur technique national. Mais quand vous êtes avec une équipe aussi jeune, vous avez le risque que l’implication ne soit pas toujours la même. Est-ce que les joueurs ont pensé que la Géorgie serait plus facile ? Quand on regarde notre parcours, on voit que l’on bat deux quarts de finaliste avec la Slovénie et la Pologne, mais qu’on perd contre Israël et la Géorgie, qui avaient le même style de jeu. Il y avait sûrement un problème d’adaptation, de rythme différent à prendre, qui fait que l’on n’a jamais vraiment pu revenir. Même quand on passe à +4 contre la Géorgie en deuxième mi-temps, on n’a jamais su tuer le match.

À part une escale à Copenhague pour la Coupe d’Europe 3×3, Jean-Pierre Hunckler a suivi les Bleus à Katowice et Riga (photo : Julie Dumélié)

En dehors du domaine sportif, l’une des grandes déceptions est de voir le basket encore manquer le coche sur la télévision gratuite. Les audiences du premier tour pouvaient laisser espérer un large audimat pour d’éventuels matchs décisifs…

Oui, cela faisait de très bons scores d’audience. Ça aurait pu exploser mais ce sont les aléas du sport. Mais on ne peut pas dire qu’on manque le coche car c’est un contrat de quatre ans. Cet accord est quelque chose de très important pour nous. Je vais faire un petit parallèle : combien de temps le PSG a-t-il mis avant d’être champion d’Europe ? Combien ont-ils investi d’argent ? Combien de chaînes de télévision se sont mis dessus ? Ce serait trop simple de dire qu’on veut être champion d’Europe et l’être directement. À un moment, il faut que chacun comprenne qu’il faut bien reconstruire et que si des jeunes de 21 ans étaient aussi forts que des joueurs de 33 ans… C’est le discours qu’a tenu Boris Diaw le soir de la défaite : « Vous savez, j’ai été champion d’Europe en 2013 mais combien j’en ai perdu avant ?! » Ça ne veut pas dire que je suis content et que tout va bien, mais il faut savoir prendre du recul, malgré la pression mise par les journalistes. Nous avons des jeunes qui sont très motivés, ce que j’ai vraiment apprécié, et ils ont appris beaucoup en l’espace de quinze jours. Ça laisse de l’espoir.

Que s’est-il passé dans les heures suivant l’élimination ? 

Il a fallu laisser retomber. J’ai rejoint le groupe tardivement à l’hôtel, vers 19h ou 20h. Frédéric Fauthoux a fait un débrief avec son staff, avec Boris Diaw puis il souhaitait me voir avec le directeur technique national. On a discuté mais on ne casse pas quelque chose au bout de six mois. Si le choix a été fait d’annoncer un nouveau staff aussi tôt, c’est qu’on voulait que le championnat d’Europe serve d’expérience, en plus d’avoir des résultats. Donc pourquoi casser ? Le nouveau coach aurait pris l’équipe quand ? Pour qualifier le groupe pour une Coupe du Monde qui sera beaucoup plus importante que l’Euro ?! L’objectif de cette équipe et de ce staff, c’est Los Angeles 2028.

« Important de dire rapidement à Frédéric Fauthoux
qu’il était hors de question de changer »

Vous avez déclaré à L’Équipe que Frédéric Fauthoux s’était « mis à la disposition des éventuelles dispositions à prendre ». Concrètement, est-ce que cela signifie qu’il vous a indiqué qu’il était prêt à laisser son poste ? 

Frédéric Fauthoux est un gagnant et quelqu’un qui assume ses responsabilités. Avec l’honnêteté et la transparence qu’il a, il m’a dit que c’était un échec et qu’il accepterait n’importe quelle décision de la fédération. C’est tout à son honneur. Mais je pense aussi que c’est important de pouvoir immédiatement lui dire qu’il a tout notre soutien et qu’il était hors de question de changer. Avec l’expérience vécue, il aura sûrement matière à travailler, voir quelles sont les choses à améliorer, à faire différemment. C’est leur travail, je ne suis pas technicien mais je suis là pour diriger toute la fédération. Pour moi, cela aurait été une erreur de casser le staff, et je n’en voyais pas l’intérêt.

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Pas casser le staff mais le renforcer, puisqu’il paraît inexpérimenté…

Rappelez-vous quand a commencé Vincent Collet (avec Michel Veyronnet et Jacky Commères comme adjoints, ndlr)… Un staff ne se fait pas en trois jours, comme les joueurs. On verra si la suite nous donne raison ou pas. Mais si un titre ne se brade pas, une médaille ne se brade pas, ce championnat d’Europe relevait presque d’une préparation dans la course aux Jeux Olympiques. Je vous aurais dit la même chose si on avait terminé sur le podium.

Y-a-t-il une réflexion sur le fait d’ajouter un élément, potentiellement étranger, proche de la NBA, comme l’était Kenny Atkinson en 2024 ? 

À cet instant-là, il n’y a pas de sujet. Il faut que le staff coupe un peu. Il y a des réunions qui se feront sur septembre – octobre, ils me feront des propositions et on verra.

« Il doit y avoir une cohésion de groupe,
comment la provoquer ? » 

Comptez-vous sur la présence des joueurs NBA lors des fenêtres de l’été 2026 ?

Forcément. Des joueurs NBA et des joueurs EuroLeague. Par ailleurs, je pense que nous ne sommes pas encore tout à fait prêts mais il faut savoir consolider la force d’un groupe, avec des rassemblements et des rencontres, tout en tenant compte de la protection physique. C’est une mentalité à faire évoluer, un état d’esprit, pour dire qu’un joueur, ou une joueuse, peut venir à un rassemblement, au moins pour vivre avec le groupe, sans être dans l’obligation de jouer s’il y a des matchs. On a besoin de cette cohésion. Sans mettre aucun nom dessus, je ne vois pas comment un joueur ou une joueuse peut passer deux ans sans voir ses collègues, puis jouer au bout de trois jours de préparation. Après, on va nous demander où est la cohésion ? Je suis peut-être un peu un manager à l’ancienne… On doit travailler sur de nombreux sujets. Je n’ai pas la solution miracle mais j’essaye de faire passer ce message. Nos groupes doivent se voir. Il y a des joueurs qui n’ont pas participé au championnat d’Europe mais qui sont passés voir leurs coéquipiers. Je trouve que c’est intéressant. Ça leur permet de se voir, de discuter entre eux. Il doit y avoir cette cohésion, comment la provoquer ? Surtout sur une période de changement de générations… La problématique est aussi valable chez les garçons que chez les filles.

Jean-Pierre Hunckler a renouvelé sa confiance aux deux sélectionneurs, Frédéric Fauthoux et Jean-Aimé Toupane (photo : Guillaume Poumarède)

À l’image de ce qu’a fait Matthew Strazel, en restant auprès du groupe, malgré sa blessure, lors du premier tour ?

C’est un signe, très important. J’ai trouvé ça très marquant. Pour avoir vécu avec eux à Katowice, Matthew a eu un impact. J’ai vu des choses incroyables. Après, sa blessure lui permettait de rester, son club l’a autorisé, lui avait la volonté… Je ne dis pas qu’on peut dupliquer cela mais cela doit rentrer dans la réflexion. Nous avons des problématiques : NBA, WNBA, NCAA, EuroLeague, nos championnats… À un moment, il faut être inventif. Il y a bien sûr la partie technique mais aussi la partie groupe. Ce n’est pas un hasard si les équipes qui performent, comme la Belgique chez les filles ou l’Allemagne chez les garçons, ont un noyau fort depuis plusieurs années. Quand vous arrivez dans ces cycles-là, il ne faut pas louper les titres.

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« Je ne suis pas inquiet ! » 

C’était votre premier été de président de la fédération et il n’a pas été couronné de succès… À titre personnel, comment l’avez-vous vécu ? 

J’aurais pu en passer un meilleur (il rit). Il est évident que ça aurait pu être mieux. Je me dis que j’ai tout vécu la même année donc je me dis que ça ne peut pas être pire les étés d’après… On oublie un peu trop vite, à mon goût, que les Jeux Olympiques 2024 ont été une réussite exceptionnelle. Je n’ai pas non plus entendu les gens dire l’an dernier que les résultats chez les jeunes étaient hors du commun. Nous étions dans un choix de reconstruction et de préparation pour les Jeux Olympiques 2028. Sur le 3×3, par exemple, vous avez pu voir qu’il y a un énorme brassage. Il fallait commencer à insérer des gens et on savait que tout ne serait pas un long fleuve tranquille.

Pour répondre très clairement à la question, je vis ça avec beaucoup de sérénité. Il faut prendre de la hauteur. On est une équipe à la fédération, on se soutient, on travaille dans la ligne, on a donné une confiance qui n’est pas rompue, en 3×3 ou en 5×5. Je ne suis pas inquiet. Le plus dur n’est pas d’arriver en haut mais d’y rester. L’une de mes missions est de permettre à la fédération française de rester en haut, comme on le fait depuis une vingtaine d’années. Ne pas être dans le dernier carré de l’EuroBasket, comme on se le fixe à chaque compétition, a effectivement été une déception. Je ne me cache pas derrière les blessés ou les problématiques de mises à disposition des joueurs : il faut faire avec. La France est un grand pays de basket et on doit avoir cette capacité à surmonter cela.

Propos recueillis à Riga,