Elle fait tellement partie du quotidien qu’on n’y prête presque plus attention et pourtant les Lorientais sont attachés à la fresque qui orne les Halles de Merville. Non pas depuis leur construction, en 1964, mais depuis 1982 et un appel à projets pour mettre en valeur le bâtiment. « Ça a pris six mois pour la réalisation, peut-être plus car c’est très grand : 37 m de long, 700 panneaux de lave de Volvic, émaillée, découpée, cuite à 1 000° », décrit Jean-Claude Goualc’h, auteur de la fresque. Le céramiste de 90 ans est présent, à travers ses œuvres, un peu partout dans le pays de Lorient et au-delà même de la Bretagne. Sa réalisation la plus célèbre est bien celle de Merville et elle est « menacée », s’indignent ses amis.
Avec la rénovation grand format de l’édifice, Jean-Claude Goualc’h a d’abord compris, à travers le conseil municipal de novembre 2024, que son œuvre allait seulement « être numérisée ». Lui et ses amis ont alors alerté la mairie : « Ils n’ont pas le droit de faire ça par rapport au Plan local d’urbanisme, mais aussi parce que cela va à l’encontre de la propriété intellectuelle et morale », expose François Le Roux, ami cher de l’artiste et ancien directeur général des services de la Ville de Lorient.
« On ne peut pas garder la fresque telle qu’elle est installée, parce que ça remet en cause le projet architectural qui consiste à gérer la rénovation thermique des Halles », présente le maire, Fabrice Loher. Il a proposé à Jean-Claude Goualc’h une dépose de l’œuvre « à 98 %, sans dommage ». Une solution qui ne satisfait pas l’artiste. « Décoller 700 morceaux d’une colle vieille de 40 ans, sans dommage ? À mon avis, c’est impossible : elle serait détruite ». Autre point d’achoppement, le devenir de la fresque. Fabrice Loher indique que des réflexions sont en cours au sujet de sa réimplantation. « Dans l’emprise des Halles – je ne dis pas sur les halles elles-mêmes – ou à un autre endroit en lien avec le maritime ? La discussion en est là », confie le maire.
S’il manque 30 ou 40 panneaux, ce n’est plus une fresque : c’est une peau de léopard !
Sept panneaux de la fresque de Merville ont déjà été enlevés, « sans que je sois alerté », déplore l’artiste, Jean-Claude Goualc’h. (Le Télégramme/Céline Le Strat)« Ils font fi de ma propriété intellectuelle et morale »
Pas question pour le camp de Jean-Claude Goualc’h. La fresque doit être réinstallée à la même place et au complet, avec les 700 panneaux. « S’il en manque 30 ou 40, ce n’est plus une fresque : c’est une peau de léopard ! », s’indigne Jack Maignan, proche du céramiste. Ils le disent à demi-mot, ils iront jusqu’au bout. « Juridiquement, la fresque ne doit pas être déplacée. SI elle avait été intégrée au cahier des charges, une solution aurait été trouvée », assure Jack Maignan.
« On a notre vision des choses qu’on a fait vérifier aussi auprès de nos conseils juridiques. On pense qu’on a raison. Je lui ai dit : Il ne faut pas qu’on soit en conflit sur une affaire comme ça, mais ça ne remettra pas en cause le chantier légal », ambitionne le premier édile. Jean-Claude Goualc’h est échaudé car ses œuvres ont déjà été détruites sans son autorisation, comme à l’Orientis, à la gare. « Ils font fi de ma propriété intellectuelle et morale. Beaucoup d’artistes se retrouvent dans ma situation et n’ont pas la chance d’avoir des amis aussi compétents que les miens. Je ne me bats pas pour l’argent, mais pour représenter tous les autres artistes ».
Informations
À l’occasion des Journées du patrimoine et pour sensibiliser les Lorientais au devenir de la fresque, Jean-Claude Goualc’h organise deux rencontres, aux Halles de Merville, ces samedi 20 et dimanche 21 septembre, à 11 h.