Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité remettent en cause nos modèles de développement qui impactent la survie des populations, les ressources et les biens matériels. La conscience qu’il est impératif d’infléchir les trajectoires est là, a fortiori dans les villes méditerranéennes où les enjeux d’adaptation, de biodiversité et de bien-vivre sont encore plus étroitement liés.
Un cap commun
Cette interdépendance est à l’agenda des politiques publiques et fixe un cap commun à la planification des territoires pour anticiper les mutations à venir. Pour autant, leur dimension spatiale et vécue reste peu incarnée et la prendre en compte nécessite de co-construire un avenir commun. Comment engager collectivement des changements dont la forme est incertaine ?
L’hypothèse que défend l’ouvrage Transitions métropolitaines par le paysage (Éditions Popsu, Autrement, 2025) est que ces mutations s’anticipent de façon concrète, dès lors que l’on peut se projeter dans les paysages avec lesquels nous vivrons demain. Les paysages sont les produits de choix d’aménagement, d’exploitation ou de préservation et non des décors à admirer. Leur diversité est le témoin d’équilibres naturels et anthropiques, derrière lesquels se joue la bonne fonctionnalité d’écosystèmes qui sont aussi nos environnements de vie.
Diversité des paysages, qualité biologique des écosystèmes et qualité de vie sont au cœur des nouvelles solidarités à construire. C’est pourquoi un projet basé sur le paysage, au-delà des solutions basées sur la nature, envisage l’aménagement en termes de coévolution avec les systèmes naturels qui soutiennent les territoires.
Enjeu autour de la restauration écologique de l’étant de Berre
C’est ce qui est en jeu autour de la restauration écologique de l’étang de Berre. L’histoire industrielle de l’étang et de ses rives est une histoire environnementale qui a produit des paysages hybrides (industriels, naturels et balnéaires), aujourd’hui témoins d’une richesse écologique majeure, d’une économie en plein bouleversement et de liens forts unissant les habitants à leur territoire. C’est pour pouvoir continuer à pêcher, à se baigner, à vivre au bord de l’étang que les communes riveraines se sont fédérées autour du Groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre.
Aux portes de la zone industrialo-portuaire de Fos, l’étang est devenu le lieu d’une transaction environnementale orchestrant des synergies entre restauration écologique, gestion des bassins versants et des milieux naturels, développement économique, aménagement urbain et valorisation touristique. Les micro-initiatives citoyennes de sauvegarde, la régulation saisonnière des rejets EDF, la maîtrise des pollutions… sont autant de signaux locaux posant les bases de transformations plus profondes déjà visibles dans les paysages.
Comment aller plus loin et engager localement une trajectoire de transition qui profite à l’ensemble du territoire ? Si toute transition est une fabrique de paysages, la difficulté est de faire en sorte que ces paysages soient choisis et non subis. C’est le sens d’une planification par le paysage. Parce qu’ils renvoient à l’expérience concrète que nous avons de nos environnements, les paysages sont des scènes d’échanges, autour desquelles se discutent des priorités d’aménagement ou de non-aménagement, des mutualisations de moyens, des gestions collaboratives, etc. Anticiper les paysages de demain, dans une vision dynamique propre aux systèmes socionaturels habités, est un levier concret pour engager dès aujourd’hui les transitions à venir.