La rareté du foncier neuf semble renforcer la tendance à optimiser les espaces. Crédit : G.R.

À Bordeaux, la loi ZAN redistribue les cartes de l’aménagement urbain. Entre friches réhabilitées, foncier rare et projets repensés, la métropole cherche à conjuguer croissance économique et sobriété foncière.

Sur les quais de Brazza comme aux Bassins à flot, Bordeaux réinvente ses friches pour loger habitants et entreprises. Car depuis la loi ZAN (zéro artificialisation nette), chaque mètre carré artificialisé doit être compensé, et la conquête des terrains vierges pourrait désormais appartenir au passé. Conséquence directe : les acteurs de l’immobilier d’entreprise comme du logement se heurtent à une équation inédite. Moins de foncier disponible, plus de contraintes réglementaires, et des projets qui doivent dorénavant se penser à la verticale ou sur des terrains déjà urbanisés. Un bouleversement qui rebat les cartes de l’aménagement urbain et pourrait redessiner le visage économique de la métropole dans les années à venir.

Objectif 2050

Cette loi ZAN est un objectif inscrit dans la loi Climat & Résilience (22 août 2021). Le but : atteindre une neutralité en artificialisation des sols à l’horizon 2050, avec une division par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles, et forestiers (ENAF) d’ici 2031, par rapport à la période 2011-2021. Ce programme est basé sur une équation centrale : chaque nouvelle surface artificialisée doit être compensée par une renaturation équivalente. Ainsi, afin d’assurer l’application de cette loi, trois grands documents se voient être modifiés : les SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), les SCOT (Schéma de cohérence territoriale), et les PLU (Plan local d’urbanisme). La création d’un dispositif, le sursis à statuer, donne également le droit aux collectivités de suspendre les autorisations pour des projets non compatibles avec ces objectifs fixés.

Foncier rare, seconde main en plein essor

Une révolution réglementaire qui ne reste pas sans effet sur le terrain. Au premier semestre 2025, le marché bordelais des bureaux a totalisé 60.500 m² placés, soit près de 10% de plus qu’un an plus tôt, porté en grande partie par la seconde main (près des trois quarts des transactions). Côté locaux d’activités et entrepôts, 108 500 m² ont changé de mains, dont 93% en réutilisation d’existant. Si cette vitalité ne peut être attribuée uniquement à la loi ZAN, la rareté du foncier neuf qu’elle induit semble renforcer cette tendance à optimiser et reconvertir les surfaces déjà urbanisées. Divers projets confirment par ailleurs cette stratégie de reconversion. C’est le cas du quartier Brazza, avec son plan « ville sur la ville » autour d’une ancienne friche industrielle. 9.000 habitants et 500 emplois, dont 35 000 m² de locaux d’artisanat et d’activités sont prévus. Le quartier des Bassins à flot, ancien site portuaire reconverti entre 2010 et 2020, a vu quant à lui l’achèvement de plus de 5.200 logements et 155.000 m² de commerces et d’activités, sans artificialisation de nouveaux sols vierges.

Sobriété foncière à l’échelle métropolitaine

Face à ces évolutions et à la nécessité de concilier développement économique et sobriété foncière, Bordeaux Métropole s’est saisie du sujet. Bordeaux Métropole poursuit sa démarche de réduction de l’artificialisation des sols en appliquant la stratégie zéro artificialisation nette (ZAN), avec un objectif de réduire d’au moins 50% la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d’ici 2031 par rapport à la décennie précédente. La collectivité travaille à la modification de son PLU par le biais d’une concertation démarrée en mars 2025. L’ambition : territorialiser la trajectoire ZAN, fixer ses quotas fonciers, et orienter les zones d’activités compatibles avec ses objectifs. Cependant, la Métropole reste prudente face au phénomène BIMBY (densification par division de parcelles), jugé parfois contraire aux objectifs écologiques du ZAN et à la préservation de la qualité des sols. Des démarches qui visent à accompagner la croissance économique du territoire tout en s’inscrivant dans les objectifs environnementaux fixés par cette loi.

Le mot de notre expert partenaire :
« La qualité des bâtiments devient également un critère déterminant. Les utilisateurs, qu’ils soient locataires ou acquéreurs, accordent une importance croissante à la performance énergétique, à l’isolation et aux économies d’exploitation qui en découlent. Enfin, la difficulté croissante à trouver du foncier disponible et à mener à bien des projets de construction dans des délais raisonnables pousse de plus en plus d’entreprises à accepter des solutions en copropriété. Là où autrefois la priorité était donnée à l’acquisition patrimoniale, la logique d’usage et de pragmatisme prend désormais le dessus. »
Groupe Caze, Amélie Andurand, Consultante pôle locaux d’activités, entrepôts et logistique