Dans les allées du Space, le salon international de l’élevage à Rennes (Ille-et-Vilaine), c’est un des sujets de discussion des professionnels de la filière porcine. Un sujet d’inquiétudes, dans l’immédiat et pour l’avenir.
Depuis le 10 septembre, la Chine impose provisoirement des taxes supplémentaires sur les importations de porc en provenance d’Europe. Sous forme de dépôts de garantie à fournir aux douanes chinoises, les entreprises européennes doivent encaisser des taxes supplémentaires allant de 15 à 62 % (20 % pour les entreprises françaises, soit le double des droits de douane jusqu’ici en vigueur).
Conséquence d’une guerre commerciale entre Pékin et l’Union européenne : la Chine, premier pays consommateur de cette viande dans le monde, avait décidé de lancer une enquête antidumping sur le porc européen en juin 2024. Peu de temps après l’annonce par Bruxelles de sa volonté d’imposer des droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques fabriqués dans l’empire du Milieu.
« Des répercussions sur toute la filière »
Dans l’Ouest, qui assure 78 % de la production française, les répliques de ces décisions pourraient secouer le monde de l’élevage. Avec 115 000 tonnes en 2024, pour une valeur de 260 millions d’euros, la Chine est le principal marché à l’export pour la filière. « On y expédie des pièces qui ne sont pas consommées chez nous : les pieds, les oreilles, les abats », rappelle Philippe Bizien, président de l’Inaporc, l’interprofession nationale porcine. « Ces pièces sont très bien valorisées en Chine. C’est un peu leur filet mignon, cela fait partie de leur culture culinaire », précise l’éleveur du Finistère.
Si ce marché venait à se fermer, pieds ou oreilles risquent de se retrouver à l’équarrissage, au mieux transformés pour la nutrition animale. « Soit une perte sèche, soit une valorisation très inférieure, explique Philippe Bizien. Avec au bout des répercussions sur l’ensemble de la carcasse et sur le prix du porc payé à l’éleveur. Bref, sur toute la filière ».
Une étude de l’Ifip, l’Institut du porc, a chiffré la perte entre 7 et 15 centimes sur le prix au kilo. Alors que ce dernier est déjà dans une tendance baissière ces dernières semaines, autour de 1,80 € payé à l’éleveur.
Des « dégâts collatéraux »
L’enquête antidumping chinoise se termine en décembre. D’ici là, les exportateurs français espèrent pouvoir négocier individuellement leurs taux de droits de douane avec la Chine. Comme ont pu le faire les producteurs de cognac, eux aussi concernés par des restrictions identiques.
La filière laitière saura quant à elle en février 2026 à quelle sauce elle sera mangée : Pékin a également lancé une enquête antisubventions sur les produits laitiers en provenance de l’Union européenne, toujours en réponse aux décisions de Bruxelles sur les véhicules électriques. « L’agriculture subit encore les dégâts collatéraux d’une guerre commerciale, souffle Philippe Bizien. Si les voitures chinoises sont taxées, j’espère que l’UE pensera à soutenir les filières concernées ».