Il avait l’habitude d’ouvrir son bar Argent, rue Auguste-Blanqui (5e) à l’aube pour accueillir les cantonniers, et de ne le fermer que bien après 22h, sous l’air de Mes amis, mes amours, mes emmerdes de Charles Aznavour. Figure du quartier depuis près de vingt-cinq ans, Hovsep Ohanessian s’est éteint le 18 août dernier, à l’âge de 71 ans. Après une messe donnée à Marseille, il a été inhumé à Erevan, en Arménie, dix jours plus tard.
Père de quatre enfants – Nerses, Verguine, Aravni et Arthur, les prénoms respectifs de son grand-père, sa grand-mère, son arrière-grand-père et de son père –, grand-père de dix petits-enfants, il était né en Arménie soviétique, où ses propres parents, rescapés du génocide de 1915, étaient retournés en 1948, après s’être réfugiés en Grèce, puis à Marseille.
« Il portait une mémoire collective et un attachement à Marseille »
Hovsep Ohanessian avait servi l’armée soviétique en Ukraine avant de devenir chauffeur poids lourds pour aider sa famille et financer ses études. Devenu ingénieur en mécanique automobile, il avait dirigé une usine de textile de 200 employés qu’il avait privatisée à la chute de l’URSS. Il avait ensuite lancé une fabrique de pâtes, puis de charcuterie, et ouvert tour à tour des épiceries, un garage et un restaurant.
En 2000, dans l’espoir de garantir un avenir à ses enfants, il avait quitté Erevan, pour repartir de zéro, à l’âge de 50 ans. Arrivé à Marseille, l’entrepreneur avait repris un pressing rue Vitalis (5e), puis le bar-brasserie Argent rue Blanqui.
Ceux qui l’ont connu garderont en mémoire sa générosité, sa loyauté et sa fidélité en amitié. « Il fut un père aimant, un chef de famille respecté et un homme profondément bon », a rappelé son fils Arthur qui, en 2014, à 23 ans, s’était fait connaître en devenant le plus jeune élu municipal.
« Figure respectée et aimée, exemple d’intégration réussie, il incarnait la mémoire d’une génération d’hommes venus bâtir leur vie ici tout en gardant un lien indéfectible avec l’Arménie, ajoute-t-il. Par son parcours, sa capacité à transmettre des valeurs de solidarité et de dignité, il représentait bien plus qu’une histoire familiale : il portait une mémoire collective et un attachement à Marseille que beaucoup reconnaîtront. »