Groupement public d’ingénierie territoriale, le Grand Projet de Villes (GPV) Rive Droite récolte les premiers fruits de la démarche de réemploi qu’il a initiée dans quatre communes de la métropole bordelaise (Bassens, Lormont, Cenon et Floirac) et qui s’achèvera en 2027. Il a embarqué dans l’expérience trois maîtres d’ouvrage régionaux – Bordeaux Métropole, Aquitanis et Mesolia – qui gèrent au total 14 chantiers pilotes de déconstruction, parmi lesquels 3 sont terminés et 8 en cours. Le bureau d’études Neo-Eco accompagne les maîtres d’ouvrage et travaille sur le diagnostic ressources et la valorisation des gisements. Spécialisé dans l’économie circulaire, il est lié au GPV par une convention de recherche et développement.
Le chantier le plus abouti est le Clos des Vergnes, un ensemble de 17 pavillons individuels géré par Aquitanis à Floirac, où les travaux de démolition ont commencé fin 2023. Il a notamment permis de mettre en œuvre le process et la passation des marchés. Un point que détaille Vincent Palma, chef de projets aménagement urbain chez le bailleur : « Nous avons constitué deux lots distincts : d’un côté le réemploi, qui comprenait la dépose soignée, le conditionnement et le transport ; de l’autre, la démolition. Cela nous a permis de connaître le coût de la démarche et de nous adresser aux bonnes entreprises. »
940 tuiles et 304 dalles béton. Ce sont les Compagnons bâtisseurs, en association avec Valodem, qui ont géré la dépose soignée. Ils ont récupéré, entre autres, 304 dalles béton mais aussi 940 tuiles dont la majorité ont servi à la construction du siège de Coop & Bat à Bassens (lire « Le Moniteur » du 7 novembre 2024, p. 35). En volume, 9 % des matériaux ont été réemployés. « C’est une belle opération, estime Emily Derobert, cheffe de projet économie circulaire chez Neo-Eco. En général, on tourne plutôt autour de 2 ou 3 %. »
Pour le GPV, les grandes leçons à tirer portent sur les coûts qui dépendent du type de matériaux, de la complexité de leur dépose et du temps de stockage. Le process s’affine, comme le souligne Oriane Hommet, cheffe de projet économie circulaire au GPV : « Pour l’opération Blaise-Pascal à Floirac [également gérée par Aquitanis, NDLR], dont la déconstruction a démarré, Neo-Eco se questionne notamment sur les débouchés ou le coût de la dépose des cloisons bois et des portes. Mais si le matériau est de qualité, il y aura un débouché. »
Un bilan sera réalisé à l’issue des chantiers pour chiffrer les économies.
Les matériaux ne sont pas seuls en cause. « Si nous avions prévu un lot 0 “base vie tenue de chantier” avec un chiffrage précis du temps nécessaire aux travaux supplémentaires, nous aurions alors mieux visualisé notre budget, illustre Vincent Palma. Là, il a fallu négocier. » Si des surcoûts d’études sont à anticiper pour les maîtres d’ouvrage, ils représentent une goutte d’eau par rapport au coût global. Quant aux économies attendues, un bilan sera réalisé à l’issue des opérations.
Travail minutieux. Autre leçon, essentielle pour Vincent Palma : « Avec le Clos des Vergnes, nous avons réalisé que cette démarche nécessitait un temps de chantier plus long que prévu au profit des entreprises de l’économie sociale et solidaire : 2 947 heures pour les Compagnons bâtisseurs, c’est considérable. Déposer soigneusement, conditionner les matériaux avec précaution, etc. prend un temps fou. C’est un travail minutieux et valorisé. Le réemploi est un sujet pour l’accès à l’emploi pour tous. »
Les autres opérations pilotes vont contribuer à améliorer la démarche. L’ancien collège Jacques-Ellul, dans le quartier bordelais de la Benauge, en fait partie. La SRIA, maître d’ouvrage délégué de Bordeaux Métropole, a commencé sa déconstruction mi-mars. Ce projet, chiffré à 3,1 M€ TTC, s’achèvera en octobre 2025.
Aquitanis systématise la démarche
L’OPH de la métropole bordelaise lie réemploi et responsabilité sociale des entreprises (RSE). Après une réflexion entamée en 2020, il a consolidé sa stratégie en 2023 en établissant des conventions de dons, des cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) et des formations en interne. Depuis 2024, « nous systématisons les diagnostics produits équipements matériaux déchets (PEMD) et ressources. Nous demandons la présence d’un AMO réemploi dans le cadre de la consultation de la maîtrise d’œuvre. Nous avons par ailleurs créé un poste de référent dans ce domaine », détaille Rafaële Bianchi, responsable du service maîtrise d’ouvrage constructions neuves chez Aquitanis.
Le bailleur applique d’ailleurs cette démarche dans ses travaux de déconstruction d’une dalle de stationnement qui démarrent ce mois-ci dans le quartier bordelais des Aubiers. Il est allé chercher une compétence réemploi pour la préparation du chantier et envisage la récupération des aciers, ainsi qu’un test sur le sciage du béton.