Dylan Vas, aujourd’hui âgé de 24 ans, et aveugle depuis son adolescence, a recouvré la vue grâce à une opération chirurgicale novatrice. Douze ans qu’il n’avait pas vu un coucher de soleil, son propre visage ni ceux de ses proches. C’est d’ailleurs eux qu’il avait le plus hâte de voir, confiait-il à France Télévision , en amont de l’intervention. « Revoir mes parents, parce que mes parents, c’est mes parents. J’ai bien peur, quand même, de les voir, parce que je me dis que les gens qui m’entourent, ils ont dû prendre un petit coup. Mon frère et ma sœur, ils étaient tout petits », avouait-il. « Puis, la nature, revoir une fleur, rien qu’une rose. Tout ça, c’est mon but, en fait. »

Un but qui peut être atteint grâce à une kératoprothèse, une opération pratiquée par un seul chirurgien en France, le professeur Vincent Daien, chef de service d’ophtalmologie au CHU de Montpellier (Hérault). S’il est le seul Français capable de réaliser cette intervention, c’est qu’elle est complexe et chronophage.

Une kératoprothèse consiste en effet à recréer un œil à partir d’un morceau de dent, d’os et de plexiglas. La première ostéo-odonto-kératoprothèse, de son nom complet, remonte au début des années 1960, sous l’égide du chirurgien ophtalmologue italien Benedetto Strampelli, mais sa maîtrise est rare.

11 patients opérés en France

« La kératoprothèse est possible seulement pour les patients qui ont perdu la vue, mais qui ont un nerf optique encore en bon état », note l’ophtalmologue Emna Blagui. Pour les malvoyances cornéennes ou de la surface oculaire, une greffe de cornée peut suffire à retrouver la vue. Mais, dans certains cas, comme celui de Dylan Vas, la kératoprothèse est la seule issue. « Des gens perdent la vue par cécité de la cornée. C’est le hublot transparent de l‘œil. Quand il s’opacifie, on peut perdre la vue. On peut avoir recours à cette technique en utilisant une dent comme support, dans laquelle on va coller une optique, un fragment de verre ou de plexiglas, au milieu, pour redonner la transparence à la partie avant de l‘œil », explique Vincent Daien à RMC/BFMTV.

La première étape est le prélèvement d’une canine, creusée pour accueillir une lentille de 4 à 5 millimètres, d’un morceau de mâchoire et d’un bout d’os du bassin pour tailler une pièce de 1,5 cm sur 1 cm intégrant également du plexiglas. Viennent ensuite l’élaboration de la prothèse, son implantation dans l’œil et la mise en nourrice, c’est-à-dire la protection de la cornée défaillante sous la paupière, pour éviter le rejet de la prothèse et favoriser la revascularisation, la croissance de vaisseaux sanguins dans le tissu. La reconstruction de toute la surface oculaire intervient dans un second temps. Pour Dylan Vas, originaire de Frontignan (Hérault), l’intervention a été réalisée en deux étapes, le 24 juin et le 10 septembre. Il est le 11e patient opéré par le professeur Daien depuis deux ans.

« Les patients peuvent récupérer jusqu‘à 10/10 »

À 12 ans, l’Héraultais a été victime d’un syndrome de Lyell, une réaction allergique rare et soudaine qui attaque la peau et les muqueuses. S’il s’est remis de la plupart des séquelles, ses yeux sont restés brûlés, de manière que l’on pensait définitive.

Douze ans plus tard, désormais jeune adulte, il retrouve finalement une partie de sa vue grâce à Vincent Daien et son équipe. « Les patients qui ont un nerf optique de très bonne qualité peuvent récupérer jusqu‘à 10/10, avec un champ visuel réduit d’environ 40 à 50 degrés », détaille le chirurgien. « L’intérêt, c’est que c’est un tissu qui ne se résorbe quasiment pas. On l’a retrouvé chez des patients décédés après, ça reste plus longtemps que tous les autres supports testés. »

En à peine une semaine, Dylan Vas a, lui, retrouvé trois dixièmes de sa vue. « Ça devient de plus en plus net, je commence à voir mon visage. C’est incroyable », se réjouit le jeune homme devant les caméras de France Télévision. Le début inespéré d’une nouvelle vie.