« Vitres brisées, façade noircie, mobilier calciné dans la cour et papiers jonchant le sol, portes défoncées, bureaux et salle souillés de poussière de charbon et, dans un indescriptible désordre, téléphones, classeurs, terminaux d’ordinateur saccagés et maculés de peinture. »
C’est le sombre tableau décrit par La Tribune-Le Progrès, dans son édition du mercredi 17 avril 1985, au moment de rendre compte du saccage perpétré la veille au siège des Houillères du Centre-Midi à Saint-Étienne.
Ce jour-là, l’immeuble de la rue Benoit-Charvet accueille un comité central d’entreprise réunissant la direction et les délégués syndicaux des sept bassins miniers qui en dépendent à l’époque (*). Mais, vers 11 heures, alors que la réunion a débuté deux heures auparavant, huit autocars se stationnent devant les fenêtres des HCM, acheminant près de 400 mineurs venus des différents sites pour exprimer leur colère.
Les syndicats débordés par leur base
En quelques minutes seulement, la manifestation dégénère. « Les 400 mineurs envahissaient le siège et faisaient irruption dans la salle des débats. Les délégués CGT étaient rapidement débordés par leurs troupes qui commençaient un saccage en règle : mobilier et dossiers jetés à travers les fenêtres et brûlés dans la cour, jets de pétards, bombage sur les murs […]. En peu de temps, tout un étage du siège était complètement dévasté », écrit notre reporter, Henri Colomb.
À la hâte, les 150 personnels administratifs battent en retraite face aux manifestants, « dont certains en tenue de fond, portant foulard rouge et casque sur la tête ».
Le directeur général des Houillères du Centre-Midi quitte les locaux. Molesté par les manifestants, il a été aspergé de poussière de charbon, comme six autres membres de la direction. Photo archives La Tribune-Le Progrès
Les dirigeants aspergés de poussière de charbon
Tandis que les forces de l’ordre se massent à bonne distance du site, sept dirigeants sont aussi molestés et aspergés de poussière de charbon. Un photographe de presse fait également les frais de la colère noire des mineurs. « Opérant à l’extérieur des locaux, il fut cerné par des manifestants, sommé de détruire sa pellicule, et lui aussi bousculé et maculé de charbon. »
Les tensions durent ainsi pendant près de deux heures. « Ce n’est que lorsque l’incendie allumé dans la cour commença à prendre d’inquiétantes proportions, léchant les fenêtres du premier étage, que la tension diminua quelque peu », décrit notre reportage de l’époque.
Quelques minutes plus tard, les mineurs regagnent leurs autocars et quittent les lieux. C’est la fin d’une journée noire. Une journée qui, à l’heure du déclin des mines, a aussi laissé une ardoise de plusieurs centaines de milliers de francs de dégâts pour les HCM.
Les Houillères du Centre-Midi chapeautaient à l’époque les mines exploitées à Saint-Etienne, mais aussi à Messeix (Puy-de-Dôme), Buxières-les-Mines (Allier), Blanzy (Saône-et-Loire), La Mure (Isère), Alès (Gard), Gardanne (Bouches-du-Rhône), Meyreuil (Hautes-Alpes), Carmaux (Tarn) et Decazeville (Aveyron).
La fermeture de la centrale de Carmaux comme détonateur
Au printemps 1985, c’est l’annonce de la prochaine fermeture de la centrale de Carmaux, dans le Tarn, qui a servi de détonateur à la colère des mineurs des Houillères du Centre-Midi. L’arrêt du site est alors annoncé pour le mois de septembre 1985 et la cokerie doit lui succéder en début d’année 1986.
« On voudrait ramener Carmaux de 2500 à 600 personnes, mais les mineurs n’accepteront jamais de se suicider », clame un représentant de la CGT des HCM dans les colonnes de La Tribune – Le Progrès le mercredi 17 avril 1985. « Nous ne sommes pas pour la tournure qu’ont pris les choses, mais nous les comprenons », poursuit-il au sujet du saccage du siège de Saint-Étienne. Derrière lui, des tags barbouillent les murs : on peut y lire « mineurs, pas chômeurs » ou encore « charbon français ».
En face, la direction tente de tempérer. Dans un contexte de crise et de déclin de la mine, elle estime que « la restructuration est obligatoire pour des raisons financières » et dit « comprendre les interrogations de gens issus de régions minières où le chômage est déjà important ».