Mercredi 17 septembre, la municipalité écologiste a signé un protocole élaboré avec Médecins du Monde pour la gestion des campements et des squats. L’objectif : pérenniser au-delà des élections municipales un dispositif permettant de satisfaire les besoins fondamentaux des sans-abris.

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Thibault Vetter

Publié le 19 septembre 2025  ·  

Imprimé le 19 septembre 2025 à 08h08  ·  

5 minutes

« Nous souhaitons poser des bases solides pour garantir au maximum les besoins fondamentaux des personnes dans les campements, commence Floriane Varieras, adjointe à la maire en charge des Solidarités. C’est pourquoi nous signons ce protocole d’interventions. Pour que tout le travail qui a été fait ces dernières années ne s’oublie pas et que ces pratiques continuent. » « C’est le minimum acceptable tel qu’on le considère dans des crises humanitaires sur lesquelles nous intervenons », précise Nicolas Fuchs, coordinateur régional de Médecins du Monde. L’organisation non gouvernementale signe, mercredi 17 septembre, ce protocole d’interventions avec la Ville de Strasbourg.

Par sa signature, la municipalité s’engage à mettre en place « le plus vite possible, en quelques jours », des toilettes mobiles, un ramassage des déchets et un accès à l’eau lorsqu’elle identifie un campement avec au moins dix tentes ou 20 personnes. Plus généralement, la Ville de Strasbourg veut automatiser une procédure qui inclut la réalisation d’un diagnostic social, des prises en charge médicales nécessaires ou encore la scolarisation des enfants à la rue. Dans les faits, la Ville a réalisé la plupart de ces actions ces dernières années sur les campements identifiés.

Des toilettes mobiles dans un campement près de la rue de l’Église rouge en septembre 2025.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Des actions vitales

Hillary Contreras-Salmen, coordinatrice de la mission mobile de Médecins du Monde insiste sur le fait qu’elle voit « régulièrement des personnes très gravement malades, voire en fin de vie » dans les campements. « Les conséquences graves peuvent apparaitre rapidement si les besoins fondamentaux ne sont pas respectés », assure t-elle, pour appuyer l’impérieuse nécessité de ce protocole.

Hillary Contreras-Salmen, coordinatrice de la mission mobile de Médecins du Monde.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Certaines mesures peuvent être difficiles à mettre en œuvre. « Les services sont parfois en difficulté pour raccorder des robinets au réseau selon l’emplacement du campement, précise Floriane Varieras. C’était le cas au bidonville de Cronenbourg. Les agents n’ont pas trouvé de solution à part une extension du réseau, ce qui n’a pas pu être fait d’autant plus que le site n’avait pas vocation à perdurer. » Les personnes qui vivaient à deux pas d’une bretelle d’autoroute devaient marcher 300 mètres pour remplir des bidons au niveau d’un local des Restos du cœur.

Au campement de l’Église rouge, situé dans un parc entre la rue Jacques Kablé et Schiltigheim, la Ville a fait installer deux cabines de toilettes pour la trentaine de personnes qui y vivaient en septembre. Elle n’a pas encore trouvé de solution pour un accès à l’eau dédié. Celles et ceux qui dorment là-bas remplissent des bidons grâce à un robinet aux jardins familiaux voisins.

Sécurisation

Dans le protocole, la Ville promet également de « tout mettre en œuvre pour fournir un accès à l’électricité ». Une source d’électricité n’a jamais été directement installé sur un campement à Strasbourg. « On n’a pas encore trouvé la solution pour le permettre en toute sécurité, confirme Floriane Varieras. Les services travaillent sur la question. Parfois il y a des solutions grâce à des acteurs qui sont à proximité, comme l’antenne du Secours populaire à côté du camp Krimmeri qui ouvrait un local la journée. »

Mais les réinstallations sur cet emplacement sont désormais empêchées par la Ville à cause du risque de chute d’arbre. « On fait toujours intervenir le service espaces verts pour qu’ils vérifient la sécurité des campements maintenant. On a dû couper des branches près des tentes du parc du Heyritz par exemple », complète une agente des services. Dans le même ordre d’idée, la municipalité avait posé des détecteurs de monoxyde de carbone au bidonville de Cronenbourg face à la menace d’incendie.

La Ville a fait des petites buttes pour que des tentes ne se réinstallent pas au bord du Krimmeri.Photo : TV / Rue89 Strasbourg

1 200 places d’hébergement en moins en 2025

Ce protocole vaut aussi pour les squats. L’occupation d’immeubles vides peut devenir la solution la plus logique pour certaines personnes sans perspective d’hébergement. Questionnée sur sa volonté ou non de ne pas demander d’évacuation de squats dans des bâtiments appartenant à des bailleurs sociaux liés à la Ville comme Ophéa ou Habitation Moderne, Floriane Varieras explique qu’il s’agit d’un « cas par cas » selon la situation de l’immeuble :

« Les bâtiments sont vides parce que leur démolition est prévue dans le cadre du renouvellement urbain. On ne peut pas bloquer ce plan. Mais avant ça, on mettra toujours en place le protocole d’interventions et on demandera le logement des personnes à la préfecture. »

La Ville est consciente que l’État refuse de loger une partie des personnes qui vivent dans les campements. « On croise des gens à la rue aujourd’hui qui étaient déjà dans des squats comme le Bugatti en 2019 », constate Nicolas Fuchs. Et la préfecture du Bas-Rhin est en train de supprimer, en 2025, 1 200 places pour les « ménages à droits incomplets », c’est-à-dire des familles dont certains membres n’ont pas obtenu ou réussi à renouveler leur titre de séjour. Il s’agit de 700 places fournies par des associations (comme nous le révélions en mai) et 500 places dans des hôtels selon les informations de la Ville.

Pérenniser ces interventions

« On s’attend donc malheureusement à une augmentation des personnes vivant dans des camps ou des squats, déplore Floriane Varieras. D’où la nécessité d’établir ce protocole. » Ces personnes refusent souvent catégoriquement de retourner dans leur pays d’origine en expliquant qu’elles y seraient en danger de mort. Elles sont condamnées à l’errance pendant plusieurs années, sans possibilité de travailler ou de se loger, avant que l’État ne décide de les régulariser. « Dans ce contexte, nous appelons les acteurs à se saisir de toutes les possibilités pour héberger des personnes », insiste Nicolas Fuchs.

La Ville de Strasbourg et Médecins du Monde ont signé ce protocole d’interventions élaboré ensemble sur les campements et les squats, mercredi 17 septembre.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

La mise en place de ces opérations coûte environ 900 000 euros par an à la municipalité. « On paye des interprètes, des travailleurs sociaux, l’entreprise qui installe les toilettes…, indique Floriane Varieras. Ce chiffre ne tient pas compte d’autres dépenses comme la prise en charge des repas à la cantine : 700 enfants mangent gratuitement le midi à Strasbourg. » La signature du protocole a également pour but de pérenniser ce mode d’intervention quelque soit le résultat de l’élection municipale en 2026.