Les désaccords ne manquent pas entre spécialistes sur cette démence qui touche un million de patients en France.

Elle touche plus de 35 millions de personnes dans le monde, dont un million en France. Difficile à diagnostiquer, impossible à guérir, la maladie d’Alzheimer pèse de plus en plus lourd sur la santé mondiale. La recherche continue à avancer mais de vives controverses demeurent. Tour d’horizon des débats qui agitent les spécialistes, à l’occasion de la Journée mondiale Alzheimer qui a lieu ce dimanche.

Que valent les nouveaux traitements?

Au printemps 2018, la France avait décidé de ne plus rembourser les quatre médicaments alors disponibles (Aricept, Ebixa, Exelon, Reminyl) après un avis défavorable de la Haute autorité de Santé quant à leur efficacité. Il s’agissait d’inhibiteurs de la cholinestérase (qui bloquaient la destruction d’un messager de certains neurones impliqués dans la mémorisation) ou de mémantine (qui empêche l’action toxique pour les neurones du glutamate).


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Depuis, de nouveaux traitements ont été développés. Ce sont des anticorps monoclonaux, le Kisunla (donanémab) d’Eli Lilly et le Leqembi de Biogen et Eisai (lécanémab), qui ciblent les protéines bêta amyloïdes s’accumulant à l’excès dans le cerveau des personnes malades. Mais ont-ils un réel intérêt?

Les bénéfices ne sont constatés que chez des patients en début de maladie et restent très modestes. Selon certains experts, ils ne font quasiment aucune différence. Or, ces médicaments peuvent aussi provoquer de graves hémorragies cérébrales.

À travers le monde, les autorités sanitaires ont pris des décisions contrastées sur ces traitements. Après s’y être d’abord montrée défavorable, l’Agence européenne du médicament avait finalement donné un avis positif à leur mise sur le marché en 2025, mais uniquement pour les malades légèrement atteints et à condition de rechercher en amont une particularité génétique qui rend les patients plus susceptibles de souffrir d’œdème ou d’hémorragie cérébrale. En France, la Haute autorité de santé a néanmoins refusé d’accorder au Leqembi une procédure d’accès précoce, qui aurait permis un remboursement immédiat du médicament.

Si certaines associations de lutte contre la maladie, notamment au Royaume-Uni, poussent fortement pour leur autorisation, d’autres tiennent une position plus mesurée. Le Leqembi est une « innovation thérapeutique », mais il faut « garder à l’esprit les limitations intrinsèques » à ce traitement, prévenait au printemps France Alzheimer, principale organisation française dans le domaine.

Comment diagnostiquer la maladie?

Un second débat agite les spécialistes, avec un clivage grandissant entre Europe et États-Unis: comment diagnostiquer la maladie d’Alzheimer? De grandes avancées ont été réalisées pour permettre un diagnostic très simple, via une prise de sang qui permet de repérer les « marqueurs biologiques » de mécanismes cérébraux impliqués dans la maladie.


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C’est une révolution par rapport aux tests en vigueur, qui impliquent par exemple des ponctions lombaires, et dont le caractère lourd et coûteux exclut de fait de nombreux patients. L’enjeu est d’importance également pour les défenseurs du Leqembi et du Kisunla, qui estiment qu’un diagnostic précoce, avant des symptômes cliniques marqués, pourrait démultiplier l’effet de ces traitements.

Un premier test sanguin est autorisé depuis mai aux États-Unis. Ce n’est pas le cas en Europe, mais un vaste programme est en cours au Royaume-Uni pour évaluer si ces tests changent la donne: un essai clinique vient d’être lancé.

Mais ces tests suffiront-ils un jour à diagnostiquer Alzheimer ? Fin 2024, l’Alzheimer’s Association, l’organisation de référence aux États-Unis, a changé ses critères pour considérer que les seuls biomarqueurs suffisent à poser un diagnostic. En Europe, les spécialistes continuent à considérer qu’un examen clinique approfondi restera nécessaire pour confirmer la perte des capacités cognitives et fonctionnelles. « Beaucoup de patients ont des biomarqueurs anormaux mais ne développent jamais une démence », explique à l’AFP le neurologue néerlandais Edo Richard, par ailleurs sceptique sur les nouveaux traitements.

La prévention peut-elle être efficace?

Il y a consensus sur les multiples facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer, et plus largement des démences. Selon un bilan d’experts paru en 2024 dans le Lancet, près de la moitié des cas sont liés à des facteurs identifiables : mauvaise audition, tabagisme, obésité…

Mais les experts divergent sur le degré auquel ce constat peut se traduire en actions concrètes et efficaces. De plus en plus d’études testent l’efficacité de programmes d’accompagnement qui encouragent les patients à une activité physique régulière et une meilleure alimentation. Mais ces essais « n’ont eu que peu ou pas d’effets sur le déclin cognitif ou l’apparition de démence », rapporte Edo Richard.


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Une étude publiée cet été dans la revue JAMA, a mesuré aux États-Unis les capacités cognitives de patients qui avaient subi pendant deux ans un accompagnement intensif. Leur dégradation a été un peu ralentie, mais l’effet reste modeste.

« Ce n’est pas grand-chose », admettait mi-septembre l’épidémiologiste française Cécilia Samieri lors d’une conférence organisée par la fondation française Vaincre Alzheimer. Mais « c’est déjà énorme ». La chercheuse considère que seuls des essais sur dix ou quinze ans pourraient faire justice à l’efficacité d’interventions contre des troubles au développement aussi prolongé.