Accrocher un drapeau palestinien sur le fronton des bâtiments publics, pour célébrer la reconnaissance, lundi 22 septembre, de la Palestine par Paris, aux Nations Unies. En France, cette proposition du patron du Parti socialiste Olivier Faure fait grincer des dents au ministère de l’Intérieur.
Vendredi 19 septembre, les préfets ont reçu un télégramme, consulté par l’AFP, leur demandant de s’opposer à une telle initiative. « Le principe de neutralité du service public interdit de tels pavoisements », indique la place Beauvau, demandant à ses relais de saisir la justice administrative, contre les mairies qui ne respecteraient pas cette décision. Les hôtels de villes de Nantes et Saint-Denis avaient, par exemple, déjà annoncé vouloir afficher le drapeau palestinien sur leur fronton.
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Mais de l’autre côté des Pyrénées, le ton est tout autre. Tandis que le gouvernement de la région de Madrid tente de faire retirer des symboles de solidarité avec Gaza des écoles, la communauté enseignante, ainsi que la gauche, s’opposent farouchement à cette décision. Pour rappel, l’Espagne, gouvernée par le socialiste Pedro Sánchez (proche du parti d’Olivier Faure, en France), est un important défenseur de la cause palestinienne en Europe. Dimanche 14 septembre, plus de 100 000 manifestants « contre le génocide à Gaza » et la participation de l’équipe israélienne à « la Vuelta » avaient mis fin prématurément à la compétition sportive à Madrid, avec le soutien du gouvernement.
Les écoles doivent rester « absolument apolitiques », selon la droite
L’opposition du Parti populaire (droite) n’a pas tardé à se faire entendre après cette polémique, qualifiée de « honte internationale », par son chef Alberto Nunez Feijoo. Dans la foulée, la communauté de Madrid, présidée par Isabel Díaz Ayuso (issue de cette formation), a demandé aux établissements scolaires publics et privés de retirer les symboles palestiniens de leurs bâtiments, avec l’argument que les écoles doivent rester « absolument apolitiques ».
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Pourtant « l’administration régionale avait autorisé et encouragé la solidarité avec l’Ukraine », promouvant des campagnes de recueil de dons, rappelle le premier journal d’Espagne, El País, pointant cette contradiction. Une mesure à laquelle le mouvement politique Marea Palestina et la communauté éducative ont réagi. « Alors que nous, les enseignants, expliquons à nos élèves qu’un génocide est en train d’être commis à Gaza et que tous les droits humains sont bafoués, le ministère régional nie ces faits et tente de nous empêcher d’en parler », dénonce un professeur dans le quotidien Público.
La polémique est telle que la formation d’opposition « Más Madrid » (gauche) a annoncé sur X que son groupe n’hésitera pas à poursuivre le gouvernement madrilène devant la justice, s’il persistait à vouloir faire taire « les gestes de solidarité » avec Gaza. Exacerbé par les mobilisations populaires, le débat a également eu des répercussions en Andalousie, où le lycée Columela, à Cadiz, s’est vu obligé de retirer les drapeaux palestinien et ukrainien accrochés depuis plusieurs mois sur son fronton. L’établissement s’est exécuté, mais les a remplacés par une banderole aux couleurs de la Palestine, sur laquelle on peut lire « Stop au génocide », avec des dessins issus du tableau « Guernica » de Picasso, dénonçant les bombardements indiscriminés contre les civils lors de la guerre espagnole, et repris régulièrement dans les manifestations.
La banderole n’a toujours pas été interdite, n’enfreignant officiellement aucun règlement : pour interdire les étendards, « le ministère régional de l’Éducation de l’Andalousie se réfère à la loi en vigueur sur l’utilisation des drapeaux dans les bâtiments publics […] et à la jurisprudence de la Cour suprême, qui stipulent qu’il n’est pas possible d’utiliser des drapeaux non officiels à l’extérieur des bâtiments publics. C’est précisément pour cette raison que le lycée a commandé une bâche », explique El País.
Une question d’autonomie
Dans le reste de l’Espagne, les communautés autonomes n’ont en revanche pas imposé de consignes spécifiques ni marqué d’opposition à ces expressions pro-palestiniennes. En Catalogne, où les syndicats enseignants ont appelé à des journées d’actions de solidarité avec Gaza jeudi, dont des manifestations de professeurs et d’élèves, le gouvernement a demandé aux directions de ne pas sortir du cadre pédagogique ou du calendrier scolaire, sans pour autant les interdire.
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Pour le gouvernement des Canaries encore, évoquer le conflit en classe ne doit pas être un tabou : les enseignants adaptent leur travail en classe au contexte social, « c’est l’une des clés pour parvenir à un apprentissage significatif », de sorte « qu’il ne serait pas surprenant, bien au contraire », que l’on parle du conflit dans les salles de classe des Canaries, indique le ministère régional de l’Education, cité par El País. « Il est courant que les enseignants utilisent des sujets d’actualité mais cela reste à la discrétion de chaque professeur ». In fine, dans plusieurs régions, « les gouvernements locaux insistent sur l’autonomie des écoles, et le fait que la participation à des activités de solidarité relève du libre choix des directions d’établissements », conclut le quotidien. Une réalité bien différente de la France, où l’Education nationale a un fonctionnement plus homogène et centralisé.