Comment se passent vos débuts à Quotidien ?

Très bien. Mon intégration s’est faite en plusieurs étapes et en douceur. Je ne peux pas dire que c’était un début brutal, puisque j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs émissions avant ma première chronique. J’ai pu découvrir l’équipe, les bureaux, où 200 journalistes travaillent quotidiennement et puis j’ai eu l’occasion de discuter avec la direction et le département humour. Ils m’ont aidé à faire accepter mes idées les plus folles.

Ressentez-vous davantage de pression à l’idée de participer à ce talk-show français ?

La pression vient davantage du rythme que je dois tenir avec une chronique par semaine tout en continuant à gérer mes autres activités. Mais c’est certain qu’il y a aussi une pression liée à la visibilité sur Quotidien. On parle quand même d’une moyenne de 2 millions de téléspectateurs dans la dernière partie de l’émission, durant laquelle les humoristes sont programmés. Mais j’essaie de transformer ça en force positive et créative. Et je relativise aussi : personne n’est jamais mort après avoir fait Quotidien. J’espère ne pas être l’exception qui confirme la règle…

Personne n’est mort mais on a tout de même déjà vu des humoristes ne pas faire long feu sur le plateau. Cette éventualité vous angoisse-t-elle ?

Oui, c’est vrai que cette angoisse de penser qu’on pourrait ne pas être reconduit existe. Mais on exerce un métier qui nous permet de faire plein de choses, de s’essayer à tout. Je préfère sortir de ma zone de confort au risque de ne pas plaire que de ne pas tenter le coup et de rester dans le même registre jusqu’à la fin de ma carrière. Je veux continuer à me découvrir en tant qu’artiste, que ce soit à Quotidien, mais aussi sur Tipik où j’ai ma propre émission et en radio, avec les Grosses Têtes. Je ne veux pas me laisser bouffer par la pression qui pourrait m’abîmer.

À travers vos chroniques, vous avez décidé de vous moquer de Yann Barthès. N’avez-vous pas redouté sa réaction ?

Non, mon comportement est semblable à celui que j’adoptais sur La Première vis-à-vis de François Heureux. J’aime avoir un interlocuteur qui me challenge et qui me permet de déconstruire des clichés. C’est la force de mon personnage.

Êtes-vous libre dans l’écriture de vos chroniques ?

Dès que j’ai rencontré la production de l’émission, j’ai demandé si j’avais bien carte blanche. Je ne suis pas réputé pour être l’humoriste le plus vulgaire ou le plus trash. Quand je leur ai envoyé mon premier texte, ils ont compris que je voulais taquiner Yann. Je n’ai eu aucune demande de suppression ou de modification. Il n’y a pas eu de réunion de crise.

Savez-vous pourquoi Quotidien a fait appel à vous ?

Je pense qu’ils m’ont choisi justement parce que mon personnage arrive à taquiner les gens sans jamais les blesser ou créer un malaise en plateau.

Cette image de plouc qui vient bousculer l’élite parisienne vous colle bien à la peau. Vous devez forcer la chose ou elle vient naturellement chez vous ?

On décrit mon personnage comme un plouc, mais mon personnage et moi, on ne s’est jamais considéré comme ça (rires). On accepte que c’est ce qu’on dégage, mais de l’autre côté on se trouve totalement normal. On est comme tout le monde à nos yeux. C’est ça qui est comique. Ce décalage nous permet de pouvoir tout dire. Et puis, on ne peut pas demander à un Belge de rejoindre une émission française sans le bagage culturel de son propre pays. Je ne veux pas me brider ou ne pas utiliser tout ce qui a construit mon personnage. Mais je ne veux pas non plus tomber dans le cliché du Belge qui ne parle que de la Belgique.

« Ne me demandez pas ce que je foutais là, je ne sais pas » : l’humoriste GuiHome était aligné au 100 mètres du Mémorial Van Damme

Vous vous êtes attaqué à Emmanuel Macron en ironisant sur le fait qu’il « astique la nouille » de Donald Trump. Vous n’avez eu aucun souci après ces propos sur le président français ?

Non. Et je suis très heureux que des émissions dans lesquelles les humoristes peuvent jouir pleinement de leurs idées existent encore. Moi je me permets de taper un peu plus fort parce qu’il n’est pas mon président. On a envie de me gronder mais on se rappelle ensuite que de toute façon je m’en fous. Mon personnage n’a pas de couleur politique. Mais il faudrait être complètement déconnecté de la réalité pour ne pas voir que leur président l’est tout autant.

Vous vous sentez à l’aise de faire de l’humour sur la politique française ?

Oui, j’ai toujours aimé l’actualité politique et internationale, je suis loin d’être un expert mais je reste un individu assez curieux. D’autant que ça me permet de m’éclater dans mon travail. C’est très chouette de pouvoir tacler des politiques français avec mon regard d’étranger. Et si je dis des bêtises, on me le pardonnera plus facilement vu que je ne suis pas français. Mais je ne veux pas balancer gratuitement, je veux montrer que je connais un peu le sujet et que c’est aussi une chance d’être repéré en France. C’est une marque de respect de s’intéresser à leur culture, leurs artistes, leurs personnalités politiques. On montre qu’on n’est pas là uniquement pour se faire connaître mais aussi pour apprendre à les connaître.

Avez-vous l’impression de vous épanouir davantage en étant sur une grande chaîne française que dans tout ce que vous avez pu faire en télé ou en radio en Belgique auparavant ?

Je ne prends rien comme une consécration. Je me suis fait cette promesse quand j’ai constaté que mon personnage pouvait sortir de sa chambre. Je considère mes chroniques sur Quotidien comme une étape supplémentaire dans mon parcours artistique. Ça me permet aussi d’atténuer la pression. Je les aborde avec la même attitude insouciante que pour mes autres projets, tout en faisant tout pour être à la hauteur de l’événement.

Le rire au menu et le succès en dessert huit mois après l’ouverture de « Chez Guillaume » à Namur : « On veut ouvrir les portes à toute la francophonie »

Percer en France, était-ce tout de même un objectif ?

Contrairement à d’autres humoristes que j’ai pu côtoyer ou que je côtoie encore, je n’ai jamais eu l’obsession française, d’autant que mon personnage était quand même très belgo-belge. Je n’avais pas vraiment réalisé que ma communauté dépassait les frontières. Quand j’en ai pris conscience, j’ai commencé à créer des petites vidéos où je me moquais de la France. Pour moi, ce n’est que du bonus. J’ai pris le temps d’installer mes projets en Belgique et d’essayer qu’ils soient très qualitatifs, sans rien bâcler. C’est vrai pour ma tournée, mais aussi pour le parcours des humoristes que je produis, mon restaurant Comedy Club, le festival Namur is a joke ou mes passages en télé et radio. Même si ce que je vis en ce moment reste vertigineux, déstabilisant, ce travail préparatoire me permet d’arriver un peu plus serein en France. Les médias français ne se disent pas que je suis simplement un comique belge un peu beauf, mais plutôt quelqu’un qui prend le temps de travailler correctement. C’est rassurant pour eux.

Quelles différences ressentez-vous quand vous travaillez en France ?

C’est beaucoup plus intense parce que tout est plus grand : la visibilité, la production, le nombre de personnes qui travaillent en coulisse… En Belgique, c’est tout aussi rigoureux, ce n’est pas moins violent, mais c’est à l’échelle du pays. Donc en France, il y a ce côté « C’est maintenant ou jamais », « Tu dois être au rendez-vous ou tu ne le seras plus ». Mais je sens que je suis l’ovni belge dans les couloirs de la rédaction. Et cela me rassure parce que cela veut dire que je sais d’où je viens. Et puis je continue mes projets et collaborations avec mes partenaires belges. Je ne fais pas partie de ceux qui, soudainement, oublient d’où ils viennent.

 GuiHome a annoncé une partie du programme ce jeudi GuiHome lors d’une conférence de presse de « Namur is a joke » en 2024 ©ÉdA – Florent Marot

Il se dit que les Belges ont plus d’autodérision. Le constatez-vous ?

Je trouve compliqué pour un Belge de comprendre ce qu’on nous trouve. J’entends qu’on est plus décomplexé, plus ouvert. Mais je pense que nous nous comportons de la sorte parce que nous ne nous analysons pas. Je me suis par exemple fait gronder par la direction du groupe TF1 parce que j’étais en short dans la rédaction des journalistes. Bon, j’ai bien vu qu’ils riaient, ils ne me grondaient évidemment pas vraiment. J’ai répondu : « Écoutez, je suis désolé, mais je n’ai rien d’autre dans ma garde-robe ». Ils ont compris que je m’habillerai comme je veux toute l’année. C’est important pour moi de garder les codes qui font de moi le Belge.

Percevez-vous des différences entre les publics belge et français quand vous vous produisez sur scène ?

Évidemment. Chez nous, les spectateurs me considèrent comme un des humoristes belges du moment. Beaucoup me suivent depuis mes débuts. Pour les Français, je suis le Belge inexplicable qui donne son avis sur tout et qui n’a raison sur rien, ou qui a raison sur tout, mais qui est en désaccord avec ce qu’ils pensent. Dans tous les cas, ils me considèrent toujours à côté de la plaque. L’accueil est différent, ils rient sur d’autres blagues, ils rient parce que je me moque d’eux. Cependant, l’engouement est le même. Et ça, c’est chouette à voir. J’ai la chance d’aller jouer partout en France, les salles se remplissent.

La DH était à l’ouverture du restaurant-comedy club de GuiHome : « On a mis des baffles, même aux chiottes, histoire de ne rien louper des blagues ! »

Adaptez-vous le spectacle selon votre public ?

Oui, j’adapte mon spectacle quand je débarque dans un pays. Quand je suis allé jouer au Canada, j’y suis arrivé dix jours avant ma première date pour être sûr de pouvoir enrichir mon texte sur base de tout ce que j’avais pu vivre là-bas. Quand un artiste étranger vient en Belgique et qu’il fait des blagues sur notre système politique, sur l’état de nos routes, sur ce qu’on boit et ce qu’on bouffe, on est super content qu’il ait pris du temps de s’adapter. On se sent un peu exclusif. À mon échelle, j’aime faire ça avec mon public.

Vous allez revenir tourner en Belgique en 2026. Sentiez-vous une demande forte ?

J’avais fait le tour de la Belgique avec mon spectacle de 2021 à 2023, puis j’ai eu l’occasion directement de partir en France, puis en Suisse et au Québec. Mais je continuais à gagner des abonnés en Belgique. Certains me demandaient s’ils pouvaient venir me voir à Lille ou dans d’autres villes frontalières. Je me suis dit que c’était complètement con. S’il y a une demande en Belgique, je ne sais pas pourquoi je ferais semblant que c’est trop tard, que le spectacle est déjà passé. De toute façon, d’ici à 2026, l’actualité aura tellement évolué que les gens qui l’ont vu en 2020 auront un spectacle adapté qui a beaucoup changé.

Le public belge vous manque-t-il ?

C’est sûr. Ce serait mentir d’affirmer qu’il me manque parce qu’il est meilleur que le public français, vu l’accueil que je reçois dans l’Hexagone. Je ne vais pas soudainement jouer au démago qui essaye de s’acheter un pays. Mais je suis hyperexcité à l’idée de pouvoir ajouter une quinzaine ou une vingtaine de dates dans les salles les plus mythiques de Belgique. Certains artistes ne le feront jamais de leur vie et moi j’ai le luxe, trois ans plus tard, de pouvoir y retourner. Alors, oui, ça me manque, mais je me rends compte aussi que c’est peut-être la dernière fois que je pourrai remplir aussi souvent des dates dans mon propre pays. Il faut pouvoir profiter de ce qui nous arrive.

Infos pratiques

– > La billetterie de GuiHome : https://guihome.be/

– > Namur is a joke, le festival d’humour créé par GuiHome, aura lieu du 23 au 29 mars 2026. La programmation sera dévoilée le 25 septembre.