Dans quelques jours, que ce soit à Motegi ou à Mandalika, Marc Márquez devrait décrocher un neuvième titre mondial historique, le septième en MotoGP. Plus que les statistiques, qui lui permettraient d’égaler le palmarès d’un certain Valentino Rossi, ce titre viendra couronner la renaissance d’un pilote qui a cru tout perdre alors qu’il était au sommet.
« Il y a deux ans, je n’aurais pas imaginé être dans cette forme », a confié l’Espagnol au site officiel du MotoGP. Il y a deux ans, il était sur le point de décider de quitter Honda, le seul constructeur qu’il avait connu dans le championnat, mais avec qui il ne voyait plus de perspectives d’avenir.
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Márquez s’est imposé comme l’homme fort du MotoGP dès son arrivée dans la catégorie en 2013. Vainqueur dès son deuxième départ, titré dès sa première saison, champion six fois en sept ans, plus rien ne semblait en mesure de lui résister au moment où il entamait la saison 2020, pas même une pandémie.
Ce championnat a débuté avec quatre mois de retard, à Jerez, et sans grande surprise, il menait la course… avant un passage hors piste. L’Espagnol n’était plus que 16e après cette erreur, mais il a continué à impressionner en multipliant les dépassements. Seulement, il en a trop fait et a alors connu une lourde chute, lors de laquelle il s’est fracturé l’humérus du bras droit.
VIDÉO – La terrible chute de Marc Márquez
Opéré après la course, il en a encore trop fait en tentant un retour sur la moto six jours à peine après la chute, pour finalement renoncer : « Je venais de remporter quatre championnats consécutifs. Tu te sens imbattable, comme si rien ne pouvait arriver. La plus grosse erreur a été de revenir trop vite. Mais pourquoi suis-je revenu ? Avec cette énorme confiance que j’avais à l’époque, je sentais que rien ne pouvait m’arriver. »
J’avais très mal, toute la journée, et c’était le moment le plus dur. Je n’avais pas la motivation de continuer.
Trop sollicitée, la plaque placée sur le bras a cédé lors d’un incident domestique, nécessitant une nouvelle opération. Cette fois, la saison de Márquez était finie, et une troisième opération a même été nécessaire fin 2020 en raison de complications et d’une infection. Lorsqu’il a fait son retour, en 2021, il était immensément diminué. Et malgré trois succès, ses derniers avec la Honda, il ne prenait plus aucun plaisir.
« J’étais chez moi, blessé, j’essayais de me rétablir. C’était dur, mais le plus dur, c’est quand je suis revenu en 2021, que j’ai piloté et… je ne me sentais pas bien. Mon corps était bizarre, je ne pilotais pas bien, je sentais que mon bras était bizarre. J’ai réalisé que l’os avait connu une rotation, parce que j’ai insisté. Je sentais que mon bras avait pris une positon différente. J’avais très mal, toute la journée, et c’était le moment le plus dur. Je n’avais pas la motivation de continuer. »
L’année 2022 a amorcé le renouveau du pilote sur le plan physique, avec une lourde opération jugée nécessaire par ses médecins pour replacer l’humérus dans le bon axe. Cependant, la Honda n’était plus du tout au niveau pour jouer les premières places et Márquez a pris trop de risques, manquant plusieurs courses à cause de nouvelles blessures.
Avec une victoire devenue injouable et sans certitude d’avoir retrouvé toutes ses capacités, il a sérieusement songé à raccrocher son casque : « J’en ai été proche. Je me suis posé la question, ‘Pourquoi ne pas arrêter ?’. Mais au fond de moi, il y avait quelque chose. Je me suis dit ‘Pourquoi ? Pourquoi devrais-je arrêter ?’. »
Tout se passait à l’envers pour Marc Márquez en 2023.
Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
Marc Márquez s’est donc donné une dernière chance, en renonçant aux millions d’euros de la dernière année de son contrat avec Honda pour pouvoir disposer de la meilleure moto de la grille, la Ducati. Pour cela, il a accepté de rejoindre une équipe satellite, Gresini, et d’avoir une moto vieille d’un an.
« J’ai voulu me poser la question, savoir si j’étais performant. Pour répondre à cette question, il fallait trouver la meilleure moto de la grille, et c’était la Ducati. C’était mon objectif. J’ai tout simplement oublié les relations, l’argent, l’historique. J’ai juste voulu répondre à cette question. Mon frère [qui était déjà chez Gresini, ndlr] a fait de bons commentaires, ça a aidé, Álex m’a aidé à prendre la décision. J’ai dit ‘Une seule année, et on verra si je suis performant’. Si je n’avais pas été performant durant cette année avec Gresini, je suis sûr que ma carrière aurait pris fin. »
« En quittant Honda et en roulant gratuitement – pour une très bonne équipe, Gresini, mais gratuitement – juste pour prouver que je poulais être très performant, j’ai risqué beaucoup de choses. J’ai reconstruit ma confiance et ça a été spécial de gagner de nouveau. »
Marc Márquez a retrouvé la victoire avec Gresini.
Photo de: Dorna
Márquez a en effet gagné trois courses en 2024. Mais avant même ses victoires sur la Desmosedici, ses performances ont surtout été remarquées par Ducati, qui l’a préféré à Jorge Martín pour une promotion dans son équipe officielle. Le retour de Márquez au sommet du MotoGP était en marche : « Dès que je suis arrivé dans l’équipe Ducati d’usine, je savais que j’étais à l’endroit idéal pour me battre pour le championnat. »
« J’ai préparé ma pré-saison et ma saison avec un objectif : me battre pour le championnat. Mais évidemment, personne ne peut prédire si ça va être le cas. »
La suite est pourtant connue : Marc Márquez a survolé la saison 2025, avec pour le moment huit poles, 14 sprints remportés et 11 victoires le dimanche, en 16 occasions : « Gagner beaucoup de courses, gagner sur des circuits où normalement j’ai du mal, c’est inhabituel, et difficile à reproduire. »
Marc Márquez a retrouvé sa pleine confiance.
Photo de: Ducati Corse
Surtout, Márquez a la possibilité d’être titré cinq week-ends avant la fin de la saison, presque ironiquement sur les terres de Honda et même sur un circuit détenu par la marque japonaise. Aujourd’hui, plus que de ses succès, il est fier d’avoir su remettre sa carrière sur les bons rails : « Si on tente, cela ne veut pas dire que l’on va y arriver. Mais c’est déjà une réussite, parce que si on ne tente pas, on ne sait pas. Le jour où je prendrai ma retraite, je saurai qu’il était impossible de tenter plus que ça. »
Je sais par expérience que du jour au lendemain, tout peut changer.
Le doublé fraternel, la cerise sur le gâteau
Pour rendre l’histoire encore plus belle, encore plus forte et même encore plus improbable, la famille Márquez se dirige vers un doublé au championnat. Lui aussi auteur d’une saison exceptionnelle, Álex Márquez est le seul à pouvoir encore priver son frère du titre et même si ses chances d’y parvenir sont plus qu’infimes, il est confortablement installé à la deuxième place. Cette situation ne cesse d’épater Marc Márquez.
« On est premier et deuxième du championnat du monde… Je veux dire, il n’y a pas de plus gros championnat avec des motos ! C’est irréel. Je ne sais pas encore comment on en est arrivés là, je ne peux pas l’expliquer. Quand on a ce lien avec son frère et qu’on se bat en piste, il peut y avoir des frictions dans la relation, mais là, c’est l’inverse, on est plus proches que jamais. »
La renaissance de Marc Márquez a été favorisée par Álex… qui regrette peut-être certains conseils selon l’aîné : « Sans moi, il serait en tête du championnat, donc si on revenait en arrière, il ne me donnerait peut-être pas le conseil d’aller chez Gresini ! »
Marc et Álex Márquez sont au sommet du MotoGP cette année.
Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
« Il me l’a déjà dit cette saison. Certains lundis matin, on prend le petit déjeuner ensemble, et la première fois qu’il a fini deuxième, il m’a dit ‘Mais pourquoi je t’ai donné ce conseil ?’ [rires]. »
Après avoir connu les épisodes les plus durs de sa carrière et de sa vie, Marc Márquez a retrouvé le sommet. Pour autant, il est désormais parfaitement conscient que cette situation est éphémère. La confiance qu’il ressent n’est donc pas tout à fait la même que celle qui l’habitait au moment d’entamer cette fameuse saison 2020.
« Je suis là parce que je prends du plaisir. Ma façon de prendre du plaisir, c’est de gagner. En ce moment, on gagne beaucoup donc je suis détendu, je ressens une forte confiance, mais je sais par expérience que du jour au lendemain, tout peut changer. »
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