Le monde s’interroge, alors le monde construit des musées. Et les prochains mois devraient voir l’aboutissement de plusieurs réalisations d’ampleur sur tous les continents. Plus durables, plus engagés, plus ouverts à la collectivité, ils célèbrent l’échelle humaine et sa constante capacité de réinvention des espaces et de leurs fonctions. Le coup de frein intimé par les années Covid semble peu à peu dépassé, permettant çà et là aux projets du « monde d’avant » de voir enfin le jour. Mais les nouveaux paradigmes, portés par une jeune génération d’architectes, réécrivent le lexique avec fraîcheur, attendant moins du musée d’être un temple inaccessible qu’un lieu d’expériences partagées où la connaissance s’offrira au plus grand nombre, tout en laissant à chacun une place pour sa propre introspection.
On construit donc moins haut mais plus juste, on fusionne avec le paysage, on se love dans des enveloppes telluriques souples et apaisées, on inscrit l’extérieur au cœur de l’intérieur, on ouvre les réserves des collections au regard, on préserve le patrimoine avec un sentiment d’urgence exacerbé. La forme cherche à rejoindre le fond. Car soudain, l’humanité s’est remémoré sa fragilité.
ASIE
En fusion avec le paysage au Suzhou Museum of Contemporary Art, Bjarke Ingels Group – Chine

Suzhou Museum Of Contemporary Art, Suzhou, Chine
i
Posée au bord du lac Jinji, apaisée par le rythme magnétique de ses canaux parcourus de gondoles, la cité de Suzhou a longtemps été considérée comme une échappée touristique vers un temps révolu. Celui du royaume de Wu, de la Route de la soie, des froissements d’étoffes furtifs le long des ruelles de pierre et d’un art paysager au firmament, ciselé en 50 jardins désormais inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Aussi, la conception de son futur musée d’Art contemporain, menée par le Danois Bjarke Ingels, a-t-elle naturellement tendu un miroir sensible à cet urbanisme imprégné de poésie. Au pied de la grande roue de la ville, 12 pavillons de verre et d’acier, échos aux pavillons chinois traditionnels, imbriquent leurs toits et s’ouvrent les uns aux autres, par des jeux de galeries, de portiques, de cours, de jardins, de ponts et de tunnels, invitant à des déambulations inattendues. L’extérieur et l’intérieur s’interpellent. À travers les transparences ondulées des parois, la nature dessine ses paysages, devenus partie intégrante de la muséographie.
Arrow
Suzhou Museum of Contemporary Art, Bjarke Ingels Group
Suzhou
big.dk
Zoom sur la biosphère au Shenzhen Natural History Museum – Chine
Contre toute attente, lorsqu’une mégalopole de la tech chinoise s’interroge sur l’avenir, c’est un lieu dédié aux sciences naturelles qu’elle décide de construire. En l’espèce, à Shenzhen, le nouveau musée d’Histoire naturelle, animé par la volonté de faire découvrir la géographie et la biosphère qui l’entourent, en sus des avancées de la connaissance scientifique universelle. Mi-île mi-volcan, sa construction, baptisée « Delta », a tracé sur son toit les courbes de la rivière Pingshan qui ondule en contre-bas. Ce ruban piéton végétalisé invite les visiteurs à venir flâner et prendre de la hauteur, pour contempler la réserve naturelle du lac Yanzi et les zones humides protégées qui se développeront au fil des ans à l’horizon. Au sein du groupement créatif qui pilote ce projet (les Danois 3XN, les Canadiens B+H et les Chinois Zhubo Design), on saluera la présence de l’Atelier Brückner, constitué d’experts allemands en architecture scénique, qui a déjà orchestré les salles du musée d’Histoire naturelle d’Oslo ou la collection archéologique du musée national suisse à Zurich. C’est sous sa houlette que les visiteurs s’immergeront, dès 2026, dans l’exploration de l’univers ou la grande aventure des dinosaures.
Arrow
Shenzhen Natural History Museum
518118 Shenzhen
3xn.com
Sciences et techniques de pointe au Shenzhen Science & Technology Museum – Chine

Shenzhen Science & Technology Museum, Shenzen, Chine
i
Zaha Hadid Architects / Photo Virgile Simon Bertrand
La ville de Shenzhen poursuit un rêve : se doter de dix établissements culturels majeurs, dont les deux premiers, le musée d’Histoire naturelle et le musée des Sciences et de la Technologie, donnent déjà envie de feuilleter les prochains chapitres. Le domaine des sciences a été confié à l’agence Zaha Hadid Architects, qui prolonge la ligne déconstructiviste chère à sa fondatrice irako-britannique (décédée en 2016). De mouvement, il est ici question, à Shenzhen, où le musée veut célébrer la conquête spatiale chinoise, les grandes épopées de la recherche, l’euphorie de l’intelligence artificielle et les possibles infinis du futur. La construction suggère ainsi une sphère semi-ouverte et compacte dont les extrémités auraient été érodées par les vents pour se transformer en terrasses étagées. L’édifice embarque ainsi les visiteurs tel un paquebot lancé vers l’avenir, unissant intérieur et extérieur, espaces pédagogiques, laboratoires de recherche, centre d’innovation technologique, théâtre et cinéma immersif. La mise au point du musée se veut également un modèle d’architecture durable, nourrie de matériaux recyclés et de stratégies de conception passive affinées au millimètre près grâce à la création d’un double virtuel sur lequel tous les scénarios ont pu être simulés et vérifiés au fil des avancées du chantier.
Continuez votre lecture
et accédez à Beaux Arts Magazine
et à tous les contenus web
en illimité à partir de 5,75€ / mois
Déjà abonné ? Connectez-vous

