Vous avez sans doute vu passer la nouvelle lors du Grand
Prix de Misano : le championnat MotoE (la catégorie
électrique), va être mis en pause à la fin de la saison 2025. Même
si je n’ai jamais traité cette discipline dans mes articles, il me
paraissait important de revenir dessus car cela pourrait présager
de plus inquiétantes mesures.
MotoE, et tout le reste ; l’idée du siècle qui ne convainc
personne
On ne va pas se mentir : si vous lisez cette rubrique, je
doute que vous soyez fortement intéressés par ce championnat. Mais
avant de parler de piste et de résultats, je voulais revenir sur un
point important : Si cet arrêt prouve bien une chose, c’est
que l’électrification des véhicules n’arrive pas à plaire à la
masse populaire. Et il faut reconnaître que sur le coup, la DORNA a
parfaitement compris ce phénomène et arrête avant qu’il ne soit
trop tard. Lorsque la Formule 1 est passé à l’hybride en 2014, on
pensait qu’il s’agissait d’un pas vers le futur, suivi par la
Formula E la même année. Dix ans plus tard, la Formula E ne
trouve pas de public stable, galère toujours à imposer sa vision
dans le monde des sports mécaniques, malgré ce que leur
équipe de communication aimerait nous faire croire. Même bilan pour
le MotoE, qui, finalement, n’a jamais attiré de public, alors que
les carburants renouvelables – et bientôt synthétiques – pourraient
bien représenter l’avenir tout en conservant l’âme des sports
mécaniques. D’ailleurs, en 2027, l’essence utilisée par les
MotoGP sera 100 % non fossile.

Apparemment, les courses ne sont pas mal. Photo : Michelin
Motorsport
C’était le premier point que je voulais souligner : on peut
féliciter les plus hautes instances motocyclistes pour avoir repéré
cette faille, et l’arrêter avant que l’époque ne l’impose. C’était
d’ailleurs le mot de Carmelo Ezpeleta :
« Même si nous cherchons constamment à nous
réinventer, sur la piste comme en dehors, nous devons également
être à l’écoute de nos fans et du nouveau public que nous cherchons
à toucher tout en observant l’évolution du
marché ». Je trouve cette démarche honorable,
et, au moins, cette ère se termine de manière digne. J’espère que
cela pourra convaincre de grands constructeurs automobiles, qui,
vingt-cinq ans après la première Toyota Prius, nous forcent
à aimer des voitures hybrides et électriques aussi inintéressantes
les unes que les autres. Je digresse.
La mort d’un championnat
Vous l’aurez compris, cette suspension de programme ne me touche
guère, tout comme vous, j’imagine. Cependant, l’histoire nous
apprend qu’il ne faut jamais se réjouir de l’arrêt d’une
discipline, car cela ne présage rien de bon. Les équipes présentes
en MotoE, qui sont les mêmes que celles sur les grilles des trois
catégories principales, perdront ainsi d’importants sponsors, qui,
eux, misaient sur cette image verte. De plus, certaines
personnes vont peut-être se retrouver sur le carreau, comme le
disait Nadia Padovani, boss de Gresini Racing.
Il ne faut pas oublier que c’était le point de chute de très
bons pilotes, qui méritaient de courir sur les circuits du mondial,
mais qui n’avaient plus d’opportunités en Moto2 ou en MotoGP. Je
pense ici à Bradley Smith, Dominique Aegarter, Jordi Torres… et
d’autres, qui ont commencé par le MotoE, comme Fermin
Aldeguer (!) Pour eux, et les prochains, c’est
dommage.

L’écosystème MotoGP est intrinsèquement très différent de
l’écosystème Formule 1. Photo : Michelin Motorsport
Rester sur nos gardes
Venons-en à ce que j’évoquais dans le chapeau de cet
article. En fait, cette décision ne me surprend pas
vraiment, mais les arguments invoqués pour la légitimer, eux,
m’alarment. Reprenons un instant les paroles d’Ezpeleta :
« Nous devons également être à l’écoute de nos fans et du
nouveau public », disait-il. C’est sans doute une coïncidence,
mais l’arrêt du MotoE arrive en
même temps que les premières décisions de Liberty
Media, que nous étudierons plus tard dans la semaine,
car il y a beaucoup à dire. Et si, demain, les
« nouveaux fans » se désintéressaient du Moto2 et du
Moto3 ? Faudrait-il supprimer ces catégories où
règnent sans partage quelques constructeurs ? Faudrait-il les
reléguer au rang de catégories de promotions, qui ne disputeraient
pas les mêmes manches que les MotoGP ? Je me souviens d’une
époque où, à Laguna Seca, seules courraient les MotoGP dans le
week-end. Aujourd’hui, ça serait impensable, car DORNA a tout fait
pour inclure au maximum les petites catégories dans le grand
show MotoGP. Mais demain, avec la séparation
annoncées des paddocks et la création d’espaces VIP, n’est-il pas à
craindre que Liberty Media mette uniquement l’accent sur la
catégorie reine, en invisibilisant ainsi les deux autres
classes ? Actuellement, de nombreux directeurs
d’équipes redoutent ces mesures.
Cela m’inquiète beaucoup, et même si la refonte du Moto3 devrait
prendre forme en 2028, rien ne nous garantit une bonne exposition.
Contrairement aux monoplaces, les catégories inférieures ont
toujours fait partie intégrante des Grands Prix motos, c’est pour
cela qu’on compte les titres acquis dans ces cylindrées lorsqu’on
évoque les palmarès de nos plus grands champions. Mais le Moto2 ne
pourrait-il pas devenir la Formule 2, série pay to win
uniquement axée sur le développement de nouveaux talents et peu
exposée médiatiquement ? Personnellement, c’est ma
crainte.
Restons donc vigilants quant à ces grandes mesures, et ne nous
réjouissons pas trop vite de la disparition d’une série qui,
certes, ne nous a jamais intéressés, mais qui avait le
mérite d’exister comme le Moto2 et le Moto3.
Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de tout ça.
Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.

Photo de couverture : Michelin Motorsport