Chaque été semble battre un nouveau record, mais derrière les températures extrêmes se cache une réalité bien plus alarmante. Les épisodes de chaleur ne sont plus des anomalies passagères, ils s’inscrivent dans une tendance qui redessine durablement le climat européen. Tandis que les villes suffoquent, un autre phénomène gagne en ampleur, souvent en silence. La mortalité liée aux canicules n’est plus une exception, elle devient l’un des indicateurs les plus inquiétants du dérèglement climatique.
été le plus brûlant après ceux de 2003 et 2022, selon Météo France. Au même moment, l’Espagne traversait la plus intense vague de chaleur de son histoire, marquée par une anomalie thermique de +4,6 °C.
Ce n’est pas un simple dérèglement ponctuel. L’étude publiée par l’Imperial Grantham Institute souligne que les températures moyennes de l’été 2025 ont été supérieures de 0,9 °C à la moyenne 1990-2020 sur l’ensemble du continent. Dans 854 villes européennes étudiées, les températures estivales ont été en moyenne de 1,9 à 2,3 °C plus élevées que dans un monde sans réchauffement anthropique. Ce signal climatique n’est pas anodin. Il devient un facteur direct de vulnérabilité pour des millions de citadins.
Dans les pays d’Europe de l’Est, les chaleurs persistantes ont coïncidé avec une multiplication des incendies et une dégradation de la qualité de l’air. En Scandinavie, la Laponie finlandaise a battu un record de chaleur avec 26 jours consécutifs au-dessus de 25 °C, un seuil autrefois rare dans la région. Ce basculement climatique ne touche plus seulement les zones méridionales, il se généralise à l’ensemble du continent.

La mortalité liée aux canicules révèle une crise sanitaire silencieuse
Les chiffres glaçants avancés par les chercheurs révèlent l’ampleur du drame. L’étude a estimé que la chaleur avait causé 24 404 décès durant l’été 2025 dans les 854 villes analysées. Parmi eux, 16 469 décès seraient directement dus au réchauffement climatique. Cette part représente 68% de la surmortalité estivale, un record qui dépasse les 54% déjà observés lors de l’été 2023, selon l’analyse de Hundessa publiée dans Cell Press.
En France, plus de 1 400 morts ont été recensées parmi les villes étudiées. Rome, Paris, Madrid et Athènes figurent parmi les capitales les plus touchées. À Rome, plus de 800 décès sont considérés comme attribuables à la chaleur liée au changement climatique. Les personnes âgées ont payé le tribut le plus lourd. 85% des victimes avaient plus de 65 ans, et près de 10 000 avaient plus de 85 ans. Cette distribution démographique montre à quel point le vieillissement de la population européenne aggrave la vulnérabilité face aux extrêmes thermiques.
Les chercheurs n’ont pas analysé les certificats de décès, qui mentionnent rarement la chaleur, pour obtenir les chiffres de cette étude. Ils ont utilisé un modèle de référence éprouvé basé sur la relation entre températures et mortalité. Cette méthode met en lumière un phénomène largement invisible dans les statistiques sanitaires officielles. France 24 le confirme également en soulignant que les autorités sous-estiment systématiquement les décès liés à la chaleur.
Un cas parmi d’autres, relayé par The Guardian, illustre cette réalité. Celui de Brahim Ait El Hajjam, ouvrier de 47 ans mort en posant du béton sur un chantier près de Bologne alors que la température avoisinait les 38 °C. Il est décédé deux jours avant qu’un arrêté régional n’interdise les travaux extérieurs en pleine journée. Un cas individuel incarnant des tendances collectives inquiétantes.
L’adaptation ne suffit plus face à l’emballement climatique
Face à l’ampleur du phénomène, les dispositifs d’adaptation montrent rapidement leurs limites. Certes, les grandes villes européennes se révèlent mieux préparées qu’en 2003, année marquée par 70 000 décès, mais les services d’urgence et les politiques locales demeurent insuffisants. L’étude de l’Imperial Grantham Institute rappelle aussi que les infrastructures urbaines, surtout dans les zones densément peuplées, renforcent l’effet de chaleur. Le béton emmagasine l’énergie thermique et freine le rafraîchissement naturel, ce qui accentue la vulnérabilité des habitants.
Or, 70% de la population européenne vit aujourd’hui en ville, et ce chiffre atteindra 80% d’ici 2050. L’accumulation des menaces liées à l’urbanisation, au vieillissement démographique et au climat rend l’adaptation de plus en plus fragile. En effet, les politiques actuelles, si elles restent inchangées, conduiraient à un réchauffement de 2,7 °C d’ici 2100. Un tel scénario aurait un coût humain immense, bien supérieur aux bilans déjà dramatiques enregistrés durant l’été 2025.
Ce que montrent les chercheurs, c’est qu’une action à deux vitesses ne suffira plus. Protéger les personnes vulnérables est crucial, mais sans un abandon rapide des énergies fossiles, les températures extrêmes continueront de progresser. Et avec elles, le nombre de victimes.