Nid d’œufs de dinosaures fossilisés découverts dans la roche, parfaitement conservés, datant de plusieurs dizaines de millions d’années.Illustration Œufs de dinosaures fossilisés découverts lors de fouilles archéologiques, un témoignage rare de la reproduction des dinosaures – DailyGeekShow.com

Ils dorment dans la roche depuis des dizaines de millions d’années. Et pourtant, grâce à une technique de datation directe, ces œufs de dinosaures fossilisés racontent aujourd’hui ce qu’il faisait, littéralement, dehors, au Crétaché. Une plongée vertigineuse dans un passé que l’on croyait à jamais effacé.

Des milliers d’œufs parfaitement conservés découverts au Qinglongshan

Imaginez un versant montagneux, quelque part dans la province du Hubei, en Chine. Là, sur les pentes du Qinglongshan, les paléontologues ont mis au jour ce qui est sans doute l’une des plus grandes réserves d’œufs de dinosaures au monde : plus de 3 000 œufs fossilisés découverts en quelques années.

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Mais ce n’est pas juste la quantité qui impressionne. C’est leur état de conservation. Beaucoup sont restés intacts dans des couches de grès fin ou de brèches.

Certains forment encore des nids complets, comme celui qui a retenu l’attention des chercheurs chinois : 28 œufs parfaitement groupés, attribués à une espèce nommée Placoolithus tumiaolingensis, de la famille des Dendroolithidae.

Ces œufs, à la coquille poreuse et au motif singulier, pourraient bien être la preuve que certains dinosaures s’étaient adaptés à un climat changeant, déjà à l’époque.

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Une datation directe des coquilles révèle un âge précis de 85 millions d’années

Nid d’œufs de dinosaures fossilisés découverts en Chine, enfouis dans la roche depuis des millions d’années.Découverte d’un nid d’œufs de dinosaures fossilisés lors de fouilles archéologiques en Chine. © Dr. Bi Zhao

Traditionnellement, pour dater des fossiles, les scientifiques analysent les couches de sédiments ou les cendres volcaniques voisines. C’est utile, mais parfois trompeur. Ici, les chercheurs ont fait un bond technologique : ils ont daté directement la coquille des œufs.

Comment ? En utilisant une technique rare mais redoutablement précise : la datation uranium-plomb. Grâce à un micro-laser, ils ont excité les minéraux carbonatés présents dans la coquille.

Cela a produit un aérosol analysé ensuite par spectrométrie de masse. Le principe ? Mesurer la désintégration naturelle de l’uranium en plomb, un phénomène connu, constant et surtout irréversible.

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Résultat : ces œufs ont été pondus il y a 85 millions d’années, avec une marge d’erreur de seulement 1,7 million d’années. Un record pour ce type de fossile. Et surtout, un nouveau repère temporel dans l’histoire du Crétaché supérieur, une période marquée par un refroidissement progressif de la planète.

Les structures des coquilles révèlent une adaptation au refroidissement climatique

À cette époque, on est bien avant la comète fatale. Le monde est encore dominé par les dinosaures, mais le climat change subtilement. La planète sort lentement d’un optimum thermique. Ce n’est pas la grande glaciation, mais un début de bascule. Et ces œufs en sont le témoin.

Pourquoi ? Parce que leur structure poreuse n’est pas un hasard. Elle reflète probablement une adaptation à un climat plus sec ou plus froid, comme le suggère l’équipe du Dr. Bi Zhao, à l’origine de cette étude publiée dans Frontiers in Earth Science.

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Et ce n’est pas tout : en alignant cette datation précise avec d’autres gisements dans le monde, les chercheurs espèrent cartographier les pontes de dinosaures comme on trace des migrations d’oiseaux aujourd’hui. Certains pensent même que des espèces comme P. tumiaolingensis auraient disparu faute d’adaptation climatique, un scénario tristement familier…

Une méthode applicable à d’autres sites pour reconstituer les migrations et extinctions

C’est là que ça devient vraiment passionnant. Car cette méthode de datation directe, si elle est appliquée à d’autres gisements, permettrait enfin de comparer des œufs découverts à des milliers de kilomètres. Et donc, de reconstituer une chronologie mondiale des espèces, de leurs habitats, et peut-être de leurs extinctions.

Autrement dit : les œufs deviennent des balises temporelles, indépendantes des aléas géologiques environnants. Des témoins précis dans un monde où tout bouge, tout s’efface. Ce qui jusqu’ici n’était qu’un fragment fragile devient un indicateur climatique, une horloge géologique, et un outil de datation mondial.

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Et moi, en découvrant ça, j’ai eu ce frisson rare : celui d’assister à une nouvelle façon de lire le passé. Non plus en scrutant les squelettes géants ou les roches anciennes, mais en écoutant ce que des œufs silencieux ont à nous dire, 85 millions d’années plus tard.