Poussif en quarts de finale face à l’Irlande, le XV de France, privé de plusieurs cadres, défie la surpuissante Angleterre, qui reste sur 31 victoires depuis trois ans.
La franchise des Mission : Impossible porte finalement assez mal son nom, puisque Tom Cruise, confronté à un tel dilemme, arrive à chaque fois à ses fins. Pour le XV de France, renverser l’Angleterre en demi-finale de la Coupe du monde de rugby, ce samedi (16 h 30, TF1) à Bristol, cela ressemble réellement à une « mission impossible ». Les Red Roses, fortes des énormes moyens mis sur la table par la Fédération anglaise (RFU), évoluent actuellement sur une autre planète. Elles n’ont plus perdu depuis la finale du Mondial 2022 face à la Nouvelle-Zélande et restent sur 31 succès de rang. Inarrêtable machine à broyer ses adversaires.
Les Bleues du rugby sont donc condamnées à l’exploit. Tout simplement. Ce qu’elles n’ont pas réussi à faire depuis 16 matchs depuis 2018 et le dernier Grand Chelem dans le Tournoi des six nations qui a échappé au rouleau compresseur anglais. Mais la trois-quarts centre Gabrielle Vernier y voit un supplément de motivation. « On connaît notre caractère. C’est génial de les affronter chez elles sur une demi-finale de Coupe du monde, et le fait de pouvoir potentiellement les battre sur un tel match, c’est encore plus génial », avance-t-elle.
On a des armes bien saillantes pour les embêter. Il faut réussir à allier notre stratégie de match au fait de s’appuyer sur nos armes fortes pour faire basculer la chose de notre côté
Gabrielle Vernier, trois-quarts centre française
La joueuse de Blagnac concède toutefois que « leur bilan parle pour elles, mais, à l’image du match de Twickenham lors du dernier Tournoi des six nations (court revers 43-42, NDLR), on a des armes bien saillantes pour les embêter. Il faut réussir à allier notre stratégie de match au fait de s’appuyer sur nos armes fortes pour faire basculer la chose de notre côté. Sur un match, tout peut se passer. On était à 1 point il y a six mois. On donnera tout pour que, cette fois, le score soit en notre faveur ». Les Bleues avaient certes échoué d’un rien à Twickenham, mais les Anglaises s’étaient à l’évidence relâchées après avoir mené 33-0 en première période. Sans parler de la claque reçue en match de préparation, à Mont-de-Marsan, et ce cinglant 40-6 il y a un mois.
Pour ne rien arranger, la dernière sortie des Tricolores, face aux Irlandaises en quart de finale, n’a pas été des plus rassurantes. Acculées dans leurs 22 mètres la moitié du match, contraintes de plaquer à tour de bras, elles ont trouvé le salut sur une chevauchée de son ailière star Joanna Grisez. Mais, nouveau coup dur, les sélectionneurs Gaëlle Mignot et David Ortiz doivent faire sans leur facteur X, forfait de dernière minute à cause d’une gêne musculaire à la cuisse. Une absence qui vient s’ajouter à celles, déjà bien pénalisantes, de la deuxième ligne et co-capitaine Manae Feleu (suspendue 2 matchs), de la flanker Axelle Berthoumieu (suspendue 9 matchs pour morsure) et de l’ouvreuse Lina Queyroi (commotion).
«On n’a pas envie de s’arrêter là»
Les Tricolores, dans tous les cas, savent qu’elles sont passées par un trou de souris face à l’Irlande, quand les autres qualifiées pour le dernier carré (Canada, Nouvelle-Zélande, Angleterre) n’ont pas tremblé et fait forte impression. Mais Gaëlle Mignot n’a pas eu besoin de remobiliser ses troupes avant ce choc tant attendu : « On va jouer une demi-finale de Coupe du monde, ici, en Angleterre, contre les ultra-favorites, celles que tout le monde annonce comme les futures championnes du monde. Si on n’est pas galvanisé… » Et d’ajouter : « Être en demi-finale de la Coupe du monde, ce n’est pas rien. On a tendance à un peu le sous-estimer. Je pense que, quand on est l’équipe de France, on a envie et on se doit d’aller le plus haut possible. » Et son acolyte David Ortiz d’appuyer : « On n’a pas eu de grands discours à faire, on s’attendait à cette échéance depuis la phase de poules. On sait à quoi s’attendre… »
On n’a pas envie de s’arrêter là, à une demi-finale, comme depuis de nombreuses années pour les Françaises
Charlotte Escudero, troisième ligne française
Passé la tempête, la troisième ligne Charlotte Escudero, véritable sécateur en défense (25 plaquages face aux Irlandaises), veut regarder devant et « marquer l’histoire » : « On n’a pas envie de s’arrêter là, à une demi-finale, comme depuis de nombreuses années pour les Françaises (huit fois en neuf éditions, NDLR). On a envie de remporter ce match-là contre les Anglaises chez elles, ce serait quelque chose d’assez dingue. On a cette envie-là, cette excitation de faire quelque chose d’incroyable. »
Pauline Bourdon Sansus et ses coéquipières ont le vent dans le dos. « On a tout à gagner sur ce match, positive la demie de mêlée des Bleues. Il y a beaucoup d’excitation et les filles ont envie d’en découdre. » Elles sont portées par un bel élan populaire en France, avec des records d’audience sur TF1 (un pic à 4,6 millions de téléspectateurs en fin de rencontre samedi dernier) qui confirment les chiffres en progression constante lors du Six Nations.
La fédération française – qui a fait du rugby féminin l’un de ses axes prioritaires pour conquérir de nouveaux pratiquants – savait qu’elle jouait gros avec cette Coupe du monde 2025. Le président Florian Grill y voyait « un tournant pour la pratique féminine » et « un levier clé pour accélérer le développement du rugby féminin et atteindre nos objectifs », à savoir atteindre 100.000 licenciées d’ici à 2033.
Surfant sur cette vague médiatique, la FFR vient d’annoncer un partenariat avec l’assureur Axa pour le championnat de France féminin (Élite 1), pour une durée de trois ans (somme non révélée). « Le but à terme est de professionnaliser ou semi-professionnaliser 300 à 400 joueuses » au sein des clubs, détaille Florian Grill. Qui ajoute : « Les clubs de l’Élite 1 ont actuellement des budgets entre 400.000 et 800.000 euros, l’équivalent de clubs masculins de Fédérale 2 ou 3. L’objectif est qu’ils montent à 1,8 ou 2 millions d’euros, comme en Fédérale 1. » Ce qui serait une avancée significative pour combler l’énorme retard du rugby féminin français sur son homologue anglais. En espérant que cet écart ne soit pas trop criant sur le terrain à l’occasion de cette volcanique demi-finale mondiale.