Sally Rooney, ici au mois de mai 2017
à Hay on Wye, au Royaume-Uni.

David Levenson / Getty Images

Sally Rooney, ici au mois de mai 2017
à Hay on Wye, au Royaume-Uni.

LITTÉRATURE – Sally Rooney, plus la bienvenue au Royaume-Uni ? Comme l’a révélé une partie de la presse britannique, ce jeudi 18 septembre, l’autrice irlandaise de best-sellers n’a pas pu se rendre à une célèbre cérémonie londonienne dans le courant de semaine, où il devait lui être remis un prix pour son dernier roman, Intermezzo.

Présent aux Sky Art Awards à sa place, son éditeur Alex Bowler a expliqué au public, informé un peu plus tôt de l’absence de l’écrivaine de 34 ans, qu’il a été notifié à cette dernière qu’elle risquait d’être arrêtée si elle tentait d’entrer sur le territoire. En cause, son récent soutien à Palestine Action, un réseau de protestation classée comme « terroriste » par le gouvernement britannique.

Pour cette raison, Sally Rooney a non seulement annulé sa venue, ce mardi 16 septembre, mais aussi tous ses futurs engagements au Royaume-Uni. « Dans ce contexte, je veux réaffirmer ma foi en la dignité et la beauté de toute vie humaine, ainsi que ma solidarité avec le peuple palestinien », a-t-elle écrit dans un texte lu par son représentant.

Une interdiction « disproportionnée », selon l’ONU

Au mois d’août, l’autrice a déclaré dans une tribune pour l’Irish Times vouloir « utiliser les revenus issus de [son] travail, et [sa] notoriété de manière plus large, pour soutenir Palestine Action ». Outre les recettes des ventes de ses livres, celle-ci perçoit des royalties de la BBC, qui a coproduit et diffusé les adaptations télévisées de Normal People – un succès planétaire – et de Conversations entre amis.

Or, « recevoir de l’argent dans l’intention de l’utiliser pour soutenir le terrorisme est un délit en vertu de l’article 15 de la loi de 2000 », d’après un avocat du nom de Sadakat Kadri, interrogé au mois d’août par le Guardian. Selon lui, cela pourrait valoir à Sally Rooney d’être « arrêtée sans mandat en tant que “terroriste” ».

Au Royaume-Uni, Palestine Action a été classée comme organisation « terroriste » par le gouvernement travailliste début juillet à la suite d’actes de vandalisme, notamment sur une base de l’armée de l’air. L’organisme revendiquait, elle, de dénoncer « la complicité britannique » avec l’État d’Israël, en particulier sur la question des ventes d’armes.

Cette classification a été très critiquée. Jugée « disproportionnée » par l’ONU, elle est dénoncée par des organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International, et des personnalités de premier plan, comme le cinéaste britannique Ken Loach.

Sally Rooney réaffirme son soutien

Banksy a pour sa part réalisé un pochoir dépeignant la violence du système judiciaire britannique sur l’un des murs Cour royale de justice, en plein cœur de Londres, deux jours à peine après l’arrestation de 890 personnes dans la capitale, lors d’une manifestation contre l’interdiction du groupe Palestine Action.

En Irlande, pays dont le soutien à la Palestine est sans égal en Europe, Sally Rooney s’est, elle, distinguée pour ses prises de position politique, et notamment sa critique de la situation à Gaza. En 2021, elle avait refusé les droits de son roman Où es-tu monde admirable ? à un éditeur israélien, qu’elle jugeait trop proche du pouvoir. Et comme elle, plus de 5 000 écrivains ont signé, en 2024, une lettre appelant à ne pas collaborer avec certaines institutions culturelles israéliennes.

« Alors que la commission d’enquête des Nations unies estime qu’Israël a commis et continue de commettre un génocide contre le peuple palestinien, le travail de Palestine Action ne pourrait être plus courageux ni plus important, a-t-elle déclaré dans un communiqué transmis au Guardian, ce jeudi. Le moins que je puisse faire est d’affirmer clairement que je les soutiens et que je continuerai à le faire, quelles qu’en soient les conséquences. »