A-t-il ordonné de piéger son rival avec une vidéo intime pour le museler ? Le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau est jugé à partir de lundi 22 septembre à Lyon pour chantage avec plusieurs protagonistes de cette affaire sulfureuse.
L’élu de 53 ans, exclu du parti Les Républicains, nie avoir participé au complot que d’anciens membres de son entourage admettent avoir mis sur pied. Il aborde le procès « combatif » et « déterminé » à faire valoir son innocence, selon son avocat Me Jean-Félix Luciani.
Gaël Perdriau, qui a toujours refusé de démissionner, reste sur la ligne qu’il a adoptée depuis la révélation du scandale par Mediapart.
Le 26 août 2022, le site d’informations publie une enquête présentant Gilles Artigues, ancien député et longtemps premier adjoint du maire, comme victime d’un piège destiné à brimer ses velléités d’indépendance.
Ce centriste catholique, qui s’était opposé au mariage homosexuel, a été filmé à son insu en janvier 2015 dans une chambre d’hôtel parisien avec un escort-boy et la vidéo a servi à le faire chanter, écrit le site en publiant des extraits de cette « sextape ».
L’affaire étant désormais publique, Gilles Artigues confirme avoir été victime d’une « machination » et dépose plainte.
La justice se met immédiatement en marche, procède à des perquisitions, y compris au domicile du maire, met sa femme, parmi d’autres, sur écoute et le place lui et tous les acteurs du dossier en garde à vue.
Après trois ans d’enquête, les juges d’instruction estiment avoir matière à juger Gaël Perdriau et ses complices présumés pour chantage, association de malfaiteurs, mais aussi pour détournement de fonds.
Selon leurs conclusions consultées par l’AFP, le piège a en effet été financé à hauteur de 40 000 euros via des subventions municipales accordées sur « la réserve du maire » à deux associations, ayant servi de « société taxi ».
Deux couples, à la tête de ces associations, seront jugés pour « abus de confiance ». Sans être au courant de l’existence de la vidéo, ils ont reversé les fonds à Gilles Rossary-Lenglet, personnage central du dossier.
En 2014, cet homme fantasque qui réseaute dans les milieux politiques stéphanois est le compagnon d’un adjoint au maire jeune et ambitieux, Samy Kefi-Jérôme.
D’après son récit, le maire et son directeur de cabinet Pierre Gauttieri, un tandem soudé, cherchaient les moyens de « tenir » le premier adjoint avec lequel ils avaient conclu un accord électoral de circonstance en 2014, mais dont ils doutaient de la loyauté.
Ils s’en étaient ouverts à l’adjoint à l’Éducation, Samy Kefi-Jérôme, qui avait sollicité son conjoint. Gilles Rossary-Lenglet avait alors eu l’idée de piéger Gilles Artigues « sur le plan des mœurs ».
Huit ans plus tard, séparé et au chômage, Gilles Rossary-Lenglet a balancé toute l’affaire à Médiapart, « animé d’un sentiment de jalousies, vengeance sentimentale et de déceptions », selon les enquêteurs.
Au début de la procédure, le maire, son directeur de cabinet et son adjoint nient ou minimisent leur rôle. Peu à peu, ils évoluent : Samy Kefi-Jérôme admet avoir servi d' »entremetteur » avec le prostitué et avoir posé la caméra cachée.
Pierre Gauttieri reconnaît son implication, mais aussi avoir envisagé de compromettre un autre adversaire, l’ancien maire de Saint-Etienne Michel Thiollière, avec une prostituée mineure, sans aller jusqu’au bout cette fois.
Surtout, le fidèle directeur de cabinet finit par lâcher Gaël Perdriau qui, dit-il, a donné son « feu vert » au complot et a pris en main son volet financier.
Faux, rétorque le maire, qui nie toujours être le commanditaire de la vidéo et s’en être servi. Devant les enquêteurs, il admet tout juste avoir été au courant de son existence et l’avoir citée, une fois, sous le coup de « la colère », dans un échange avec son premier adjoint.
Cette conversation de 2017 a été enregistrée par Gilles Artigues. « Une fois que c’est sur les réseaux, c’est plus du chantage… c’est une exécution », lui dit le maire. Mais « on n’est pas obligé de les diffuser publiquement […] elle peut l’être en petits cercles, avec parcimonie… », poursuit-il.
Le procès doit durer une semaine. Gaël Perdriau, qui n’exclut pas de se représenter en 2026, encourt jusqu’à dix ans de prison et une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate.