C’est la première fois qu’il leur impose un obstacle direct. Le président Donald Trump a signé vendredi un décret imposant des frais de dossier de 100 000 dollars (environ 85 100 euros) pour les visas de travail dits H-1B, couramment employés dans la haute technologie et par les entreprises de la Silicon Valley pour recruter ses petits génies.
« Nous avons besoin de travailleurs qualifiés, et cela garantit que c’est ce qui va se passer », a déclaré Donald Trump depuis le bureau ovale, où les responsables ont détaillé comment la mesure inciterait les entreprises à employer des travailleurs américains sans fermer la voie au recrutement de travailleurs étrangers hautement qualifiés dans des domaines spécialisés.
Les visas H-1B permettent à des travailleurs étrangers aux qualifications précises (scientifiques, ingénieurs et programmateurs informatiques entre autres) de venir travailler aux États-Unis. Ces permis de travail sont à durée déterminée, d’une période initiale de trois ans, prolongeable une fois, pour des étrangers parrainés par un employeur.
Quelque 400 000 H-1B ont été approuvés en 2024, dont les deux tiers étaient des renouvellements, 71 % des candidats approuvés au visa H-1B sont des ressortissants indiens, 11 % sont Chinois.
« Formez des Américains »
Le nombre de travailleurs étrangers dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) aux États-Unis a plus que doublé entre 2000 et 2019 pour atteindre près de 2,5 millions, et la part de main-d’œuvre étrangère en informatique et mathématiques est passée 17,7 % à 26,1 % en dix ans, reproche le décret, qui accuse même, dans ses motifs, certains employeurs d’avoir exploité ce programme d’immigration pour maintenir les salaires bas.
« Si vous devez former quelqu’un, formez un jeune diplômé d’une des grandes universités de notre pays. Formez des Américains. Arrêtez de faire venir des gens qui nous volent nos emplois », a déclaré le secrétaire américain au Commerce Howard Lutnick, ajoutant que « toutes les grandes entreprises sont partantes ».
Dans un échange téléphonique avec des journalistes vendredi soir, Lutnick a évoqué une somme de 100 000 dollars « par an ». Cette multiplication annuelle n’apparaît pas dans le décret et augure peut-être d’une réforme à venir si les employeurs de la tech préféraient payer.
Concentré sur la lutte contre l’immigration illégale depuis son retour à la Maison Blanche, Trump a aussi révoqué les visas de plus de 6 000 étudiants étrangers et tenté de mettre au pas les grandes universités, notamment celles qui forment ces profils hautement qualifiés et désirés par les grandes entreprises.
Les voyages internationaux déconseillés
La menace de Donald Trump de sévir contre les visas H-1B est devenue un point de discorde majeur avec l’industrie technologique, qui a contribué à hauteur de plusieurs milliards de dollars à sa campagne présidentielle, et qui avance la pénurie de talents strictement américains pour répondre à leurs besoins. « Ils seront très heureux », a balayé le président américain à la question d’un journaliste, au moment de signer la nouvelle réglementation.
Microsoft et JPMorgan, après l’annonce des nouveaux tarifs, a conseillé aux employés titulaires de visas H-1B qui se trouvent à l’étranger de rentrer en urgence aux États-Unis, avant samedi minuit, selon des courriels internes examinés par l’agence de presse Reuters. C’est à 0h01 dimanche que la mesure tarifaire doit entrer en vigueur.
« Les détenteurs de visa H-1B qui se trouvent actuellement aux États-Unis doivent rester aux États-Unis et éviter les voyages internationaux jusqu’à ce que le gouvernement publie des directives de voyage claires », peut-on lire dans un courriel envoyé aux employés de JPMorgan par Ogletree Deakins, une société qui gère les demandes de visa pour la banque d’investissement américaine.
De nombreuses grandes entreprises américaines du secteur technologique, bancaire et du conseil utilisent les visas H-1B. Au premier semestre 2025, Amazon.com et son unité de cloud computing, AWS, ont reçu l’approbation de plus de 12 000 visas H-1B, Microsoft plus de 5000, autant que Meta et Tata, Apple 4200, JP Morgan, Deloitte et Oracle se situant en queue de peloton avec plus de 2000 sésames obtenus, chacun.
« Carte dorée »
Mais « business is business » et un décret distinct ordonne la création d’une procédure d’immigration dite « carte dorée », en référence à la carte « verte ». Si un étranger qui postule à un visa verse 1 million de dollars pour résider aux États-Unis ou si une entreprise le parraine à hauteur de 2 millions, l’examen de sa demande sera accéléré.
Étonnamment, cette « carte dorée » porte le même nom que la « carte dorée » décrétée en février dernier, promettant la résidence américaine aux étrangers qui avaient la générosité de signer un chèque au Trésor américain de… 5 millions de dollars.