Alors que les débats se concentrent sur la taxe Zucman pour tenter de réduire le déficit public, certains soulignent le manque de production de richesses de la France. C’est le cas de William Thay, fondateur du think-tank gaulliste Le Millénaire. Invité sur Europe 1, dans l’émission « Trina Mac-Dinh et vous », le 6 août dernier – un extrait repartagé sur son compte X le lundi 15 septembre – il pointe du doigt, chiffres à l’appui, la réduction de « la richesse de la France », « depuis quarante ans et l’élection de Mitterrand ».
« En 1980, la France avait exactement le même PIB par habitant […] que l’Allemagne ou les Etats-Unis », affirme-t-il, avançant le chiffre de « 12.000 dollars ». Il poursuit : « cela veut dire qu’on était aussi riche qu’un américain ou qu’un allemand. Aujourd’hui, en 2024, un français produit 46.000 dollars par tête, un allemand c’est 56.000 dollars […] et un américain c’est 80.000 dollars ».
Les Français se sont appauvris depuis 40 ans et l’élection de Mitterrand. En 1980, un Français était plus riche qu’un Américain ou un Allemand
Comparaison du PIB par habitant entre 1980 vs 2023: 🇫🇷 : 13069$ vs 44460$ 🇩🇪 : 11109$ vs 52745$
🇺🇸 : 12552$ vs 81632$ pic.twitter.com/qlx89ahGKA— William THAY (@ThayWilliam) September 15, 2025
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Dans son tweet, il apporte de nouveaux chiffres pour comparer le « PIB par habitant entre 1980 et 2023 » de ces trois pays, sans toutefois préciser la source. Ainsi, le PIB par habitant de la France en 1980 serait de « 13.069 dollars », celui de l’Allemagne de « 11.109 dollars », et celui des Etats-Unis de « 12.552 dollars ». Après avoir affirmé, dans la publication, que « les Français se sont appauvris depuis quarante ans », William Thay écrit : « En 1980, un Français était plus riche qu’un Américain ou un Allemand ». Est-ce vraiment le cas ?
FAKE OFF
Pour commencer, précisons que toutes les données qu’il avance, à l’écrit et à l’oral, existent. Les chiffres qu’il avance dans l’extrait vidéo correspondent au PIB par habitant en dollars courant de la France, de l’Allemagne et des Etats-Unis en 1980 et en 2024, que l’on trouve sur le site de la Banque Mondiale. Avec une légère différence entre le PIB par habitant des Etats-Unis en 2024 qu’il annonce dans l’extrait (80.000 dollars) et ce qui est noté sur le site de la Banque Mondiale (85.809 dollars). Mais passons, cela ne change rien, le PIB par habitant de la France en 2024 (46.150 dollars) reste nettement inférieur à celui des Etats-Unis.
Les chiffres que William Thay utilise sur X, pour comparer le PIB par habitant de chaque pays en 1980 et en 2023, proviennent de deux sources différentes : la Banque Mondiale et du FMI, via son rapport World Economic Outlook. Les données utilisées par le politologue datent de 2024, et ne correspondent plus aux données actuelles du FMI et de la Banque Mondiale. Ceci étant dû à des « corrections et des ajustements » effectués régulièrement par les deux organisations, précise l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne.
Un PIB par habitant inférieur depuis 1995
En prenant donc en compte les statistiques de PIB par habitant en dollars courants les plus récentes du FMI, on constate qu’en 1980, un Français était bien « plus riche », ou en tout cas produisait plus de richesses, « qu’un Américain ou un Allemand ». Les courbes s’inversent en 2023 : un Français produit moins de richesses « qu’un Américain ou un Allemand ».
Toujours à travers les données du FMI, on se rend également compte que la supériorité du PIB par habitant de l’Allemagne et des Etats-Unis par rapport à celui de la France existe depuis 1995. Cela étant lié à plusieurs raisons. « L’Allemagne a bénéficié d’une période de croissance plus forte que la France, jusqu’à l’année 2016. Sur cette période, elle a profité de la mondialisation pour exporter en Chine, dans les pays asiatiques, et aux Etats-Unis, créant ainsi plus de richesses », explique Philippe Crevel.
Autre élément qu’il apporte, pour expliquer l’écart entre la France et l’Allemagne, la hausse de la population : « Alors que l’Allemagne a une population qui stagne, celle de la France augmente faiblement. Par définition, le PIB par habitant augmente moins vite, tout simplement parce qu’il y a plus de têtes. »
Des données qui prennent en compte un taux de change sur les monnaies locales
Concernant la domination des Etats-Unis, Philippe Crevel avance deux explications, sans donner plus de détails. D’une part, « la croissance américaine est globalement supérieure à celle de la zone euro ». De l’autre, les données présentées sont « en dollars courants », soit la monnaie utilisée aux Etats-Unis. Concrètement, les monnaies locales de la France et de l’Allemagne ont été converties en dollars américains. Cela amène des « variations du taux de change plus ou moins importantes d’une année sur l’autre, qui créent ces écarts entre les pays, quand on regarde le PIB par habitant en dollars courants », prévient l’économiste.
Pour gommer cela, il préconise de « toujours prendre le PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat, ou PPA ». En regardant cet indicateur en 2023 (61.709 dollars internationaux) sur le site du FMI, la France arrive derrière l’Allemagne (69.531) et les Etats-Unis (82.253), mais avec beaucoup moins d’écart. Sur les mêmes statistiques, en 1980, la France (10.758) était également derrière l’Allemagne (12.003) et les Etats-Unis (12.552) d’une courte tête.