Elle a pris un aller simple avec un visa de touriste il y a trois semaines. Sans savoir si et quand elle pourra retourner en Russie, la réalisatrice Ekaterina Mamontova, 33 ans, sillonne Paris à pied, profitant de l’été indien, à la recherche d’un «café buvable, pas ce pétrole servi partout». Posée dans un coffee shop du XIe arrondissement, qui ressemble drôlement aux cafés hipster de son Moscou natal, la jeune femme, vêtements baggys, sans maquillage, un symbole féminin suspendu à l’oreille gauche, raconte avec franchise comment elle en est arrivée là.
Quand la guerre éclate, en février 2022, la diplômée des écoles de cinéma VGIK et de photographie Rodchenko, qui vient de commencer des cours de documentariste, est à la recherche d’idées de films. «Tout d’un coup, tous les autres sujets passent au second plan, de toute évidence on ne peut travailler plus que sur ça : la guerre, la souffrance qu’elle apporte, la protestation, les gens qui sont contre», se souvient-elle.
Née le 5 décembre 1991, «vingt jours avant la chute de l’URSS», Ekaterina est l’incarnation parfaite de cette génération, les «post-sovieticus» dont on attendait tant qu’ils grandissent et prennent les rênes du pays afin de l’arracher définitivement à son lourd passé communiste. Ses parents, aujourd’hui retraités, étaient comédiens dans un théâtre frondeur, antisoviétique. «Ils n’étaient pas des dissidents, mais les dissidents fréquentaient leur théâtre», précise-t-elle. Pour les Mamo